Un budget catastrophique P. Duharcourt - le snesup 568, octobre 2008
Le gouvernement présente un projet de budget plombé par ses choix fiscaux du début du quinquennat. Il ne dégage aucune marge de manoeuvre pour lutter contre la crise. Dans ce budget, la priorité affichée à l’enseignement supérieur et à la recherche va à la recherche privée et sur projets.
par Pierre Duharcourt, membre du BN
À Toulon, N. Sarkozy s’est lancé dans de grandes envolées lyriques sur la nécessaire « moralisation du capitalisme » et a fait la promesse de garantir leur épargne à tous les Français, semblant ignorer que nombre d’entre eux sont trop pauvres pour mettre de l’argent de côté ! Le lendemain, est annoncé un projet de budget (PLF 2009) catastrophique qui enfonce la France dans la crise, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
La pilule est d’autant plus amère que l’an dernier les prévisions officielles ont été largement démenties et qu’on peut douter des chiffres avancés pour l’an prochain. La France sera en récession au moins dans les trois derniers trimestres de 2008. Si le taux de croissance est de 0,9 %, c’est qu’il s’agit de comparaison de moyennes annuelles ; le taux d’inflation approche 3 % contre une prévision de 1,7 %. Le PLF 2009 table sur une croissance de 1 % et une inflation à 2 % ! L’absence de marge de manoeuvre qui résulte notamment des sommes englouties dans la loi TEPA et d’autres mesures tout aussi inefficaces qu’injustes fait que la charge de la dette pèse d’un poids de plus en plus lourd. Du coup, la stabilisation en volume de l’ensemble des recettes se traduit par la stagnation en euros courants (soit une baisse de 2 % en volume) des dépenses des ministères. Le sacrifice des services publics trouve sa traduction notamment en termes d’effectifs : 30 600 postes de fonctionnaires en moins. Parmi les ministères les plus touchés, on trouve celui de l’environnement (deux tiers de départs non remplacés), ce qui est symptomatique après les grands discours tenus après le Grenelle de l’environnement. Et l’engagement d’utiliser les économies réalisées pour mieux payer les fonctionnaires se limite à une augmentation totale de 0,8 % du point d’indice, soit plus de 2 % de moins que l’inflation. Malgré la compression des dépenses, le déficit correspondrait à 2,7 % du PIB et la promesse faite à la commission européenne d’un retour à l’équilibre en 2012 est abandonnée. Déjà le gouvernement reconnaît la nécessité, face à la remontée du chômage, de revenir sur sa politique de réduction des emplois aidés. En outre, il engage des sommes considérables pour renflouer des banques mises en faillite par leurs spéculations hasardeuses.
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE
Affirmant que « la recherche et l’enseignement supérieur sont la seule priorité du projet de budget 2009 », F. Fillon – relayé par la CPU – suggère que le budget de la MIRES aurait pu être pire. Effectivement, d’autres secteurs (Éducation nationale, emploi…) sont encore plus mal lotis. Mais l’analyse du projet présenté par le ministère permet de mesurer les dégâts. La présentation du ministère cherche à embellir un budget particulièrement mauvais, en mélangeant d’une part des crédits budgétaires et des « dépenses fiscales » (c’est-à-dire des allègements fiscaux pour les entreprises), et d’autre part les chiffres pour 2009 et les chiffres cumulés pour la période triennale 2009-2011.
Les dépenses budgétaires proprement dites n’augmentent que de 1,035 milliard d’euros en 2009 (encore s’agit-il des autorisations d’engagement, les crédits de paiement – donc les dépenses réelles – n’augmentant que de 0,73 milliard). Pour faire apparaître l’augmentation de 1,8 milliard qui est affichée dans sa propagande, le ministère prend en compte l’augmentation de 620 millions d’euros du CIR (Crédit impôt recherche), et 35 millions d’euros de dépenses fiscales pour les activités lucratives de l’enseignement supérieur (exonérations d’impôts sur les sociétés, sur le revenu, sur la fortune !). Le gouvernement fait état, en outre, de 170 millions d’euros de crédits budgétaires pour des PPP (partenariat public privé) en faveur de l’immobilier universitaire et de 160 millions d’euros de produits financiers liés au placement des 3,7 milliards d’euros issus de la cession d’une partie du capital d’EDF et destinés à l’« Opération campus ».
CHANTAGE À « L’AUTONOMIE »
La donnée la plus significative du projet de budget est la suppression de 900 emplois, qui annule les quelques créations arrachées ces dernières années, dont 450 statutaires (225 dans l’enseignement supérieur ; 225 dans les organismes de recherche). Les 450 autres suppressions portent à part égale sur des postes d’allocataires de recherche et des post-doc.
Le ministère vante le « passage à l’autonomie » comme devant permettre l’octroi d’une manne de 107 millions d’euros. On peut imaginer que les 20 établissements les plus zélés seront privilégiés dans le redéploiement des moyens ou des postes, en contrepartie sans doute du fait qu’ils auront euxmêmes à gérer la masse salariale de leurs emplois. Sur ces 107, 91 millions correspondent à la mise en oeuvre de la réforme SANREMO, qui allouera les moyens en fonction des « performances » avec 2 critères : le nombre d’étudiants présents aux examens, et celui des enseignants-chercheurs « actifs » en matière de recherche.
Pour faire avaler la pilule des suppressions d’emplois, sont annoncés « plus de 200 millions d’euros supplémentaires consacrés aux rémunérations et carrières des personnels » dans la lignée des rapports Schwartz et Hoffmann, et « 43 millions d’euros destinés à des mesures catégorielles spécifiques ». Au nom du renforcement de l’encadrement, les établissements sont invités à céder 2 emplois de catégorie C pour obtenir un emploi de catégorie A.
La mise en oeuvre du plan licence se traduit seulement par 68 millions de crédits supplémentaires. Le ministère prétend que la dépense par étudiant, qui est l’une des plus faibles en Europe, passera de 8 080 à 8 530 euros ! Des annonces portent également sur la vie étudiante : aide au financement des études, réhabilitation et constructions de logement, rénovation des restaurants universitaires. On sait cependant que le taux d’augmentation des bourses est inférieur à celui de l’inflation, que le gouvernement entend plutôt développer les prêts garantis, et que la réalisation des mesures préconisées par les rapports Anciaux a pris un tel retard que le gouvernement envisage maintenant un plan de transformation en logement étudiant des casernes militaires dont la fermeture a été décidée !
PRIORITÉ À LA RECHERCHE SUR PROJETS ET À L’AIDE À LA RECHERCHE PRIVÉE
Le gouvernement prétend que la recherche publique, qui perdra donc 450 emplois, bénéficiera de 365 millions d’euros supplémentaires en 2009, dont 122,5 millions proviendraient des « marges de manoeuvres dégagées sur la recherche privée », et que les moyens des organismes de recherche « augmenteront de près de 4 % ».
Mais, dans ces sommes, la part des crédits sur projets augmente de 45 millions d’euros. L’un des objectifs de la RGPP est en effet que l’ANR devienne un pôle structurant dans le cadre d’un objectif de 30 % de la recherche française financée sur projet ».
L’effort le plus considérable porte sur le triplement du CIR (avec 620 millions d’euros supplémentaires), alors que des études sérieuses montrent que l’essentiel des crédits ainsi attribués exerce un simple effet d’aubaine, en assurant un financement public de recherches que les entreprises avaient de toute manière décidé, et que le taux d’investissement en RD des entreprises privées françaises reste un des plus faibles des pays de l’OCDE. S’y ajoute 1,5 milliard sur 3 ans attribués aux pôles de compétitivité. En outre, le Grenelle de l’environnement prévoit de dégager 1 milliard d’euros supplémentaires d’ici à 2012.
A consulter aussi :
La recherche ne représente que 0,23 % du "plan de relance". SNCS-HEBDO 08 n°30 du 19 décembre 2008