Quel est ce pays, si proche, où un jeune diplômé privé de tous moyens de subsistance par la police en est réduit à se suicider par le feu ? Où ceux qui, bouleversés par cette tragédie, manifestent pacifiquement essuient des tirs policiers à balles réelles faisant plusieurs dizaines de morts ? Ce pays dans lequel, depuis des années, les chômeurs qui défendent leurs droits sont durement réprimés, un syndicaliste et un journaliste emprisonnés pour avoir simplement cherché à le faire savoir ? Ce pays où l'on arrête les étudiants qui se syndiquent, où des avocats sont molestés par centaines pour avoir seulement réclamé justice ? Où la presse est muselée, où les enquêteurs de la presse étrangère et les missions des ONG sont refoulés à l'aéroport, où les blogueurs sont pourchassés lorsqu'ils font vivre un peu d'information libre ? Ce pays dans lequel associations et syndicats indépendants sont interdits d'existence légale ou en butte aux tracasseries et aux intimidations ? Ce pays dans les prisons duquel on torture les opposants politiques ?
Ce pays, ce n'est ni la Birmanie ni la Corée du Nord : c'est la Tunisie, si souvent dépeinte sous les traits idylliques d'un paradis touristique paisible... Misère, chômage, corruption, mise en coupe réglée de l'Etat et de l'économie par un clan affairiste, surveillance étouffante, paralysie de toute association indépendante, parodies d'élection à plus de 90% des voix et de réélections indéfinies, brutalités et calomnies déversées sur les défenseurs des droits, presse de caniveau aux ordres du pouvoir : tout cela, les ONG de défense des droits le savent et le disent depuis des années. Mais trop de dirigeants européens, parfois sensibles à l'hospitalité officielle du régime, ont cautionné sa vitrine mensongère pour que la majorité de nos concitoyens en soient réellement informés.
C'en est fini aujourd'hui : pour la première fois depuis très longtemps, le régime tunisien est en grande difficulté. Les manifestations de solidarité se multiplient dans le monde, les Etats-Unis critiquent la répression... et voici que le gouvernement français reçoit l'envoyé du despote sans un mot de protestation contre ce que subit le peuple tunisien !
La Liguedes droits de l'Homme, solidaire de sa Ligue sœur la LTDH, assure les défenseurs des droits, et tous les citoyens victimes de l'arbitraire et de l'injustice qui règnent depuis tant d'années en Tunisie, de son entière solidarité avec leur lutte courageuse pour la démocratie et le respect de leurs droits fondamentaux. Qu'ils sachent que le silence complice des autorités politiques françaises actuelles n'est en rien représentatif de l'indignation qui s'étend dans la société française, à présent que les masques tombent et qu'apparaît au grand jour le visage de la dictature.
L'avenir de la Tunisie, comme celui de bien des peuples de la région pris entre autoritarisme corrompu et injonctions de repli sur le passé, appartient à ces citoyens courageux qui font honneur à leur pays. Il est de la responsabilité des démocraties, tout particulièrement dans l'Union européenne qui affirme une politique de partenariat euro-méditerranéen conditionné au respect des droits de l'Homme, de les soutenir dans leur combat contre l'oppression et de mettre enfin les actes en rapport avec les discours. La LDH entend prendre toute sa place dans la pression citoyenne qui s'exerce et s'exercera en ce sens.
Paris, le 10 janvier 2010
Tunisie : communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme
Répression en Tunisie : le gouvernement français se tait,
les citoyens français sont solidaires du peuple tunisien
Tunisie : communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme
Publié le : 13/01/2011