Publié le : 15/10/2012
Sortir sans diplôme et après...
par Nathalie Beaupère, chargée d'études CAR Céreq Bretagne
L’échec à l’université est multifactoriel. Il concerne les bacheliers les moins préparés à la poursuite d’études et les moins informés sur les différentes passerelles entre les formations.
Toutes filières confondues 15 % des sortants de l’enseignement supérieur en 2007 quittent la formation commencée sans diplôme (Céreq, enquête 2010). Ces abandons très commentés dépendent de multiples facteurs liés au parcours scolaire antérieur des bacheliers mais également à leurs projets (1). Si certains abandons semblent relativement prévisibles, d’autres en revanche sont vécus comme une surprise par les jeunes bacheliers qui peinent à s’affilier et à quitter leur métier d’élève pour endosser celui d’étudiant. Mais, qu’elle soit envisagée ou non, la sortie sans diplôme de l’université nécessite une bifurcation impliquant de réévaluer les projets et d’envisager des alternatives. C’est une nouvelle étape d’orientation qui s’ouvre pour les jeunes concernés et qui va nécessiter des arbitrages en faveur de la reprise de formation ou d’une entrée sur le marché du travail.
Des voeux formulés en terminale… aux bancs de l’université
Les nouveaux entrants à l’université (IUT compris) à la rentrée 2010-2011 sont pour les trois quarts d’entre eux titulaires d’un baccalauréat général, 16,8 % sont titulaires d’un baccalauréat technologique, 5,9 % ont été dispensés sur titre et seulement 4,2 % sont des bacheliers professionnels (RERS 2012). Comme le pointait S. Lemaire en 2007, ces derniers sont souvent en grande difficulté à l’université (Education et formation, n° 75), mais ils ne sont pas les seuls à quitter l’université sans diplôme. De nombreux travaux des observatoires du supérieur ou des enquêtes nationales montrent que les voeux d’inscriptions à l’université sont plus souvent le fait des bacheliers généraux que ceux des bacheliers technologiques et professionnels (le plus souvent issus des spéspécialités tertiaires), inscrits à l’université par défaut, ou dans une situation d’attente. S’il n’est donc pas utile de revenir sur ce constat, il faut rappeler que certains jeunes bacheliers technologiques et professionnels s’inscrivent à l’université par « défi du rattrapage » ; écartés des séries générales lors de leur scolarité, ils ont le projet de retrouver la « voie normale » après avoir obtenu le baccalauréat qui représente pour eux un sésame d’entrée à l’université. Ces orientations subies dans le secondaire, parfois détachées des aspirations de ces élèves, interrogent car elles ne proposent pas toujours de concrétiser les projets initiaux de ces élèves. Ce sont les plus stratèges et les plus informés qui parviennent le mieux à emprunter les chemins de traverse qui leur permettent parfois de retrouver le fil initial de leurs projets. L’échec à l’université concerne donc les bacheliers d’une part les moins préparés à cette poursuite d’études et d’autre part les moins informés sur les différentes passerelles entre les formations. Prévisibles ou imprévisibles, les sorties sans diplôme sont rarement le fait d’une seule cause mais bien plus souvent de plusieurs comme le sont la plupart des bifurcations. Les notes aux examens sont cependant le révélateur d’une situation latente qui décide l’étudiant à quitter l’université. Pour certains, cette décision survient rapidement, dès les premiers mois, pour d’autres elle est différée, quand ils se donnent une seconde chance, se réinscrivent dans la même filière ou dans une autre.
Des parcours itératifs vers l’emploi ou vers la reprise de formation
Qu’ils aient des carrières tracées et décidées depuis des années ou des parcours itératifs, la plupart des jeunes construisent leur parcours de formation et d’insertion professionnelle de manière progressive ; les bifurcations sont parfois nombreuses et il importe que ces jeunes puissent être guidés. La capacité à mobiliser de nouvelles ressources pour se réorienter distingue aussi ces jeunes sortants. Par exemple, durant les mois qui suivent leur sortie de l’université, les titulaires d’un baccalauréat général sont plus souvent en reprise d’études que les bacheliers technologiques et professionnels. Le moment de « crise » qui précède la décision de quitter l’université et la bifurcation impliquent un arbitrage entre la recherche d’un emploi et la formation. Pour des jeunes ayant intégré l’idée que les diplômes sont un atout sur le marché du travail, il peut être difficile de se résoudre à chercher un emploi qui les mettra en concurrence avec de nombreux autres jeunes plus qualifiés qu’eux. Mais la reprise d’une formation implique d’emblée qu’ils puissent être conseillés, accompagnés dans des démarches qui ne relèvent pas forcément des dispositifs existants, dont les finalités sont avant tout de favoriser l’insertion professionnelle et qui ne répondent pas toujours à leurs aspirations.
Alors que le début de la vie étudiante correspond aussi à l’entrée dans la vie adulte, où l’accès à l’autonomie n’est pas le moindre des changements de conditions de vie des jeunes bacheliers, les bifurcations imprévues ou prévues, semblent d’autant plus compliquées que les cartes sont souvent brouillées pour des jeunes qui doutent désormais de la valeur des diplômes sur le marché du travail et plus encore de leur possibilité de s’insérer durablement. ? 1. Beaupère, Boudesseul (2009), Sortir sans diplôme de l’université, Paris, la Documentationmanière progressive ; les bifurcations sont parfois nombreuses et il importe que ces jeunes puissent être guidés. La capacité à mobiliser de nouvelles ressources pour se réorienter distingue aussi ces jeunes sortants. Par exemple, durant les mois qui suivent leur sortie de l’université, les titulaires d’un baccalauréat général sont plus souvent en reprise d’études que les bacheliers technologiques et professionnels. Le moment de « crise » qui précède la décision de quitter l’université et la bifurcation impliquent un arbitrage entre la recherche d’un emploi et la formation. Pour des jeunes ayant intégré l’idée que les diplômes sont un atout sur le marché du travail, il peut être difficile de se résoudre à chercher un emploi qui les mettra en concurrence avec de nombreux autres jeunes plus qualifiés qu’eux. Mais la reprise d’une formation implique d’emblée qu’ils puissent être conseillés, accompagnés dans des démarches qui ne relèvent pas forcément des dispositifs existants, dont les finalités sont avant tout de favoriser l’insertion professionnelle et qui ne répondent pas toujours à leurs aspirations. Alors que le début de la vie étudiante correspond aussi à l’entrée dans la vie adulte, où l’accès à l’autonomie n’est pas le moindre des changements de conditions de vie des jeunes bacheliers, les bifurcations imprévues ou prévues, semblent d’autant plus compliquées que les cartes sont souvent brouillées pour des jeunes qui doutent désormais de la valeur des diplômes sur le marché du travail et plus encore de leur possibilité de s’insérer durablement. ?
1. Beaupère, Boudesseul (2009), Sortir sans diplôme de l’université, Paris, la Documentation française, Etudes et Recherches