SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
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Mesdames et Messieurs les Présidents
des Groupes Parlementaires
Assemblée Nationale
Sénat
Copie à tous les parlementaires
Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
En application des articles L718-1 à L718-16 de la loi 2013-660 du 22 juillet 2013, et selon le calendrier qu'elle impose, partout, les universités sont engagées dans une course folle aux regroupements.
Au nom de l'urgence, et de l'espoir de bénéficier du prochain appel à projets d'investissement d'avenir (PIA2), le choix du mode de regroupement parmi les trois possibilités ouvertes par la loi n'est quasiment jamais discuté au sein des établissements concernés, auxquels s'applique quasi-exclusivement le modèle de communautés d'universités et d'établissements (COMUE), au mépris de la possibilité d'association introduite au cours des débats parlementaires. Pilotée par la seule DGESIP, et sous la pression des difficultés budgétaires aggravées par la politique d'austérité gouvernementale, cette précipitation a pour effet d'exacerber les tensions, tant à l'intérieur des établissements qu'entre membres pressentis des regroupements et génère de fortes inquiétudes chez les personnels et les étudiants.
Une logique territoriale, sans lien avec les logiques de coopération scientifiques, guide les dispositions législatives en matière de regroupement, et par voie de conséquence les projets de regroupements actuels. Or la réforme territoriale d'ampleur annoncée par le premier ministre, à brève échéance, notamment la division par deux du nombre de régions, aura des conséquences importantes sur les établissements et les organismes.
En outre, les regroupements, couplés au plan de financement PIA2, s'inscrivent dans un modèle d'enseignement supérieur et de recherche (ESR) à deux vitesses, où des universités de recherche intensive, à « dimension mondiale » coexisteraient avec des universités « de taille régionale », établissements de seconde zone, chargés du seul cycle de licence et déconnectés de la recherche. Le risque de «décrochage » de certaines universités est bien réel, et aurait des conséquences néfastes sur les capacités de recherche de notre pays.
Le SNESUP-FSU rappelle que toutes les universités doivent être, à part entière, des universités de plein exercice.
Reprise au CNESER du 19 mai, l'exigence d'un moratoire, formulée par le SNESUP-FSU, est un premier pas, important, qui doit être accompagnée d'une réécriture législative immédiate des cadres de coopération des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
L'élaboration collective de projets de site et de collaborations pédagogiques et scientifiques, à la fois respectueux de l'histoire, des spécificités, des attentes et des droits des personnels et des étudiants, demande effectivement du temps de concertation, sans lequel aucun projet viable ne pourra se construire. Une vision nationale des missions de service public de l'ESR - relevant de tous les ministères - doit en outre s'appuyer sur des structures de coopérations, démocratiquement décidées, entre partenaires publics librement choisis. Dans ce cadre, les établissements privés ne sauraient avoir les mêmes prérogatives que les établissements publics.
Or aucun des modèles de regroupements imposés par la loi (fusions, communautés d'universités et établissements - COMUE - ou associations) ne correspond à cette conception de l'ESR. Ils s'accompagnent en outre du détournement et de l'affaiblissement des pratiques collégiales et démocratiques de gestion universitaire.
L'expérience des établissements déjà fusionnés laisse fortement craindre que, quel que soit le modèle, la taille potentiellement gigantesque des regroupements, génère une explosion de la bureaucratisation, des coûts de fonctionnement et d'organisation considérables, des suppressions d'enseignement ou de thèmes de recherche et conduise à une sous-représentation des personnels et des étudiants dans des instances de décision de plus en plus éloignées de la réalité de terrain.
Dans le cas de la COMUE, le pilotage des décisions et la répartition des moyens, tels qu'inscrits dans la loi, échappent largement au contrôle des établissements membres et sont transférés à une instance unique, qui se superpose aux membres du regroupement. De surcroît, les dispositions législatives permettent une confiscation à terme des prérogatives de leurs établissements membres. En effet, si les statuts initiaux des COMUE, prévoyant les compétences qui leurs sont transférées, doivent être adoptés par les CA des établissements membres, l'article L718-8 dispose que toute modification ultérieure des statuts sera votée par le seul conseil d'administration de la COMUE, sans consultation des conseils d'administration des membres, ouvrant ainsi la porte à une possible extension des compétences transférées sans l'accord des établissements concernés.Dans le cas de l'association des établissements, l'obligation que l'un d'entre eux soit en charge de la coordination des discussion avec le ministère sur le contrat pluri-annuel commun crée de fait une hiérarchie dans les établissements regroupés.
En outre, la participation des organismes de recherche à ces regroupements interroge sur l'avenir des organismes et de leurs personnels.
Notre exigence d'un moratoire de la mise en œuvre des regroupements et d'une réécriture législative des structures et modalités de coopération des établissements d'enseignement supérieur et de recherche n'est en rien la volonté de maintenir le statu quo. Elle a pour double objectif :
* de conduire à une évolution des modalités possibles de coopération entre établissements et organismes publics, permettant la mise en œuvre de projets répondant effectivement aux réalités des coopérations en matière de recherche et de formation, et aux besoins et aux droits des personnels et des étudiants ;
* de donner aux instances de régulation nationale (CNESER, CTMESR, instances parlementaires...) la capacité d'aménagement concerté et équilibré du territoire en sites d'ESR publics, auxquels il est impératif que les établissements privés ne puissent être associés que par la voie de conventions.
En cette période où les menaces que font peser les rapprochements imposés se précisent, et où des mobilisations de la communauté universitaire se développent, le SNESUP-FSU se tient à votre disposition pour vous rencontrer et vous fournir des éléments d'information supplémentaires relatifs à cet élément crucial de la loi de l'enseignement supérieur et à la recherche. Il est également porteur de propositions de modifications de la loi 2013-660.
Veuillez agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l'expression de notre haute considération.
Claudine Kahane et Marc Neveu
co-secrétaires généraux du SNESUP-FSU