Recrutements et promotions : bilan de la mandature sortante de la section 5 du CNU

Publié le : 15/11/2011

Si les MCF ne subissent pas de discrimination lors du recrutement et de la promotion, le professorat reste fermé aux hétérodoxes. Ce phénomène est renforcé par le rôle croissant des instances non démocratiques.

Ce bilan fait ressortir plusieurs points saillants qui, tout en rendant compte des forces en présence au sein de la section, renvoient à la crise de la discipline et à la crise plus générale de l'université française.

Par corps
Sur l'ensemble de la mandature, les qualifications aux fonctions de maîtres de conférences et les promotions à la hors classe des MCF se sont globalement bien déroulées, ces dernières étant facilitées par le nombre de supports à la disposition de la section.
En revanche, les qualifications et les promotions PR ont fait l'objet de pratiques discriminatoires. Deux barrages ont joué : le premier par une survalorisation unilatérale du critère de la recherche ; le second en négligeant la gestion du corps au profit du groupe des PR les plus jeunes, recrutés par des jurys de concours d'agrégation du supérieur monocolores, faisant la même utilisation de l'évaluation de la recherche que les PR majoritairesau sein de la section.

Par missions
En mars 2010, la section 5 a réfléchi en session plénière à ses critères d'évaluation : la bibliométrie y a été battue à une courte majorité, indiquant des
lignes de partage transgroupes actives au sein de la section. L'évaluation des EC pose le double problème de l'évaluation de l'ensemble des missions et de l'évaluation spécifique de la recherche, cette dernière mission étant évaluée de façon discriminante. Les EC, dès lors, sont conduits à délaisser leurs
activités d'enseignement et les responsabilités collectives pour privilégier la publication, d'autant que l'économie est la science sociale qui a poussé le plus loin l'instrumentation du critère de publication pour l'évaluation de la recherche.
La première liste hiérarchisée des revues a été établie en 2003 par la section 37 du CNRS dans un souci affiché de gestion interne des chercheurs. L'usage de la liste a complètement dépassé ses concepteurs, devenant rapidement un instrument normatif indiquant non seulement où il fallait publier mais également ce qu'il convenait de publier. Les différentes révisions de cette liste l'ont peu modifiée. Mais elles sont intéressantes pour ce qu'elles montrent de la mobilisation des économistes : réelle mais ambiguë quant aux revendications affichées. Depuis 2008, cette liste cohabite avec celle de l'AERES. Elle aussi hiérarchisée, mobilisée pour l'évaluation des unités de recherche, elle a eu un effet dévastateur : comparées aux autres sciences sociales, les unités d'économie ont été victimes de l'évaluation quadriennale avec un impact financier négatif indiscutable. Cette liste a été profondément modifiée en 2010. Le reste de la production scientifique (ouvrage, transfert de connaissance au public, etc.) n'est pas - ou très peu - pris en considération.
Par écoles de pensée
Il est coutumier chez les économistes, surtout pour ceux qui ne sont pas dans le mainstream, de considérer que le rattachement à une école de pensée  "minoritaire"est l'objet d'une discrimination. Le bilan de la mandature sortante nous invite à prendre du recul.
Les qualifications ou les promos MCF indiquent que les collègues théoriquement minoritaires ne font pas l'objet d'une discrimination objective, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, concernant les promotions, les évaluateurs, depuis la nouvelle procédure de 2010, sont des MCF. D'autres critères que la
recherche sont pris en considération. Par ailleurs, les collègues minoritaires qui déposent un dossier de promotion sont assez souvent ceux qui, du fait de leur conception du métier font tourner les universités et leurs composantes. Ensuite, les candidats minoritaires arrivant à la qualification sont moins nombreux que les autres. Globalement, lorsque la thèse a été réalisée dans des conditions normales, le dossier passe. Il paraît donc erroné de considérer que les candidatsnon retenus le sont en raison de leur appartenance théorique. En revanche, on doit déplorer un investissement insuffisant des directeurs de thèse, qui a entrouvert la porte à un renversement du rapport de forces dans la composition académique de la discipline.
Le passage PR est quant à lui indiscutablement fermé aux collègues théoriquementminoritaires. Il s'agit là d'une protection du corps, fondé sur une conception univoque de l'économie mais également sur un contrôle désormais total sur tous les instruments de la reproduction académique : financement des thèses, accès aux financements de la recherche, contrôle des instances professionnelles. Cette position hégémonique a été grandement facilitée et accélérée par la réorganisation de l'enseignement supérieur et de la recherche à partir d'instances non démocratiques, qui offrent une position monopolistique à la nomination de nature politique, laquelle ne connaît qu'un mode d'action : la valorisation de l'accord avec la politique publique actuelle de la recherche.
Une nouvelle section CNU ?
Desserrer cette contrainte est important mais ne dispenserait pas de la nécessité de repenser une discipline qui doit faire vivre en son sein, et dans la société, des débats d'option. Cela ne supprimerait en rien le travail de toute une communauté scientifique pour dire son refus d'une hégémonie théorique,
instrumentale et professionnelle (qu'est-ce qu'être EC aujourd'hui ?).
À ce titre, il faut noter que les réactions organisées de la discipline et dans la discipline se multiplient. Ainsi, l'association française d'économie politique (AFEP) a été créée en 2009. Elle met en débat l'idée de création d'une nouvelle section CNU pour les économistes. Cette proposition ne fait pas l'unanimité, notamment au sein du SNESUP, mais elle est désormais partie intégrante du paysage. En août 2011, elle a également mis sur la table un travail d'analyse conséquent des pratiques d'évaluation et avance des propositions.
Les résultats des élections indiquent clairement qu'une partie des enseignants-chercheurs a choisi de donner plus de poids au SNESUP, et opte pour des changements significatifs. Cela fixe l'agenda de l'intervention du SNESUP, qui ne saurait se réduire à celle de ses élus au CNU. ?
1. Cet article n'engage que moi. Mais il ne serait pas grand-chose sans le travail des autres élus SNESUP : M. Bellet, Y. Lung, S. Gloria Palermo, M. Delaplace, P.-C. Pradier, M. Rocca, P. Le Masne, B. Vallageas, H. Blanchard.