Lignes directrices de gestion du MESRI sur l’avancement : perspectives de carrière, transparence des procédures, égalité de traitement, les enseignants-chercheurs ne doivent pas compter sur leur ministre…

Publié le : 08/02/2021

 

Lignes directrices de gestion du MESRI sur l’avancement

Perspectives de carrière, transparence des procédures, égalité de traitement : les enseignants-chercheurs ne doivent pas compter sur leur ministre…

 

Les lignes directrices de gestion (LDG) du ministère de l’enseignement supérieur sur l’avancement de ses personnels ont été publiées au B.O. n° 44 du 19/11/2020. Elles ne concernent pas les enseignants 2nd degré qui relèvent des LDG de l’Education Nationale. Les LDG, rendues obligatoires par la loi de Transformation Destruction de la Fonction Publique du 6 août 2019, sont présentées comme un outil de stratégie de pilotage RH et sont censées fixer les procédures applicables, dans le respect évidemment de la réglementation ! A la suite du ministère chaque établissement décline ses propres LDG, lesquelles doivent être compatibles avec les LDG ministérielles.

Le contenu de ces dernières a peu évolué depuis le projet présenté en CTMESR le 22 septembre où la FSU avait regretté le manque de clarté des objectifs en raison d’un texte qui oscille sans hiérarchisation entre

- affirmations relevant d'une vision idéologique,
- rappels d’informations diverses dont certaines se trouvent dans la réglementation,
- début de cadrage des procédures.
 

Le ministère n’a malheureusement quasiment pas pris en compte nos propositions visant à renforcer ce dernier aspect. Il y en a pourtant besoin… En refusant de clarifier le flou de la réglementation sur certaine procédures le ministère entretient la domination des pratiques, qu’importe si elles sont carrément contraires à des principes affirmés par ces LDG ! La réalité pour les enseignants-chercheurs (EC) est bien loin du MESRI en rose dépeint par le document. Quelques exemples manifestes sont présentés ci-dessous, accompagnés des propositions de la FSU destinées à rendre concrets ces principes. Le ministère a rejetées, faisons les avancer dans les établissements !

 

Affirmation LDG

« Le MESRI offre des perspectives d'avancement et de promotions régulières au sein de chaque corps dans le cadre d'une carrière articulée en deux ou trois grades. Le principe est de permettre a minima à tous les agents déroulant une carrière complète, d'évoluer au moins au sein de deux grades conformément aux dispositions du protocole PPCR. »

Réalité

Le principe ci-dessus est bafoué pour les EC alors que sa mise en place s’est faite dans les autres corps de la Fonction publique. Au moment du départ en retraite (années 2015 à 2018) autour de 10% des professeurs d’université sont toujours en 2ème classe, mais surtout presque 40% des maîtres de conférences sont en classe normale. Le comble est que les barrages de grade des MCF se sont aggravés depuis le protocole PPCR (datant de 2016) ! Le taux de départs en retraite au dernier échelon du premier grade, indicateur d’un potentiel blocage de carrière, est passé de 26,3% en 2015 à 29,3% en 2018.

Proposition du SNESUP-FSU

Inscrire que chaque établissement et chaque section CNU rend publiques les modalités choisies pour assurer aux EC aussi le respect du principe.

 

Affirmation LDG

« Les agents éligibles à une promotion sont sélectionnés, dans le cadre de procédures équitables et connues des personnels »

Réalité

L’examen des dossiers par le CNU fait l’objet de dispositions assez précises avec des règles de déport. Mais dans les établissements les équipes de direction font preuve d’un large pouvoir discrétionnaire en l’absence de tout cadrage imposé. En vertu de l’art L 712-6-1 du code de l’Éducation, le Conseil académique restreint est l'organe compétent pour l’examen des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs. Toutefois bien souvent l’étude des dossiers est distribuée à des collègues extérieurs à cette instance selon des choix très variables voire individuels, quelques personnes pilotent, les membres du Cac sont invités à valider leurs synthèses et leurs classements sans avoir forcément accès aux dossiers et aux rapports… Alors que ce qui se passe au-delà du dépôt de dossier est généralement opaque aux personnels, on ne voit pas comment la procédure serait équitable.

Proposition du SNESUP-FSU

Inscrire explicitement que l’organisation de l’examen des candidatures est rendue publique, afin d’avoir des réponses à des questions du type

  • Qui peut rapporter sur les dossiers ?

  • Qui propose et qui choisit ces rapporteurs ?

  • Quel accès aux dossiers pour les membres du Cac restreint ?

  • Des groupes informels hors Cac restreint, de disciplines par exemple, peuvent-ils aller au-delà d’un rapport et proposer des classements à l’instance ?

  • Vote à bulletin secret comme au CNU ?

  • Quel accès des candidats aux évaluations de leur dossier ?

Le ministère n’a pas accédé à notre demande. Pour lui, cet aspect est déjà présent dans les LDG à travers la formule « les critères et les modalités d’appréciation des candidatures sont rendus publics ». Il ne faut donc pas hésiter à s’appuyer sur cette interprétation pour demander localement des éclaircissements sur le processus d’évaluation des dossiers d’avancement, et à informer le SNESUP-FSU national en cas d’obstacles.

 

Affirmation LDG

« La gestion des carrières des personnels est fondée sur le principe d’égalité de traitement des agents et de prévention de l’ensemble des discriminations, conformément aux politiques des ministères en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de handicap et plus généralement de diversité »

Réalité

Un bon nombre de directions d’établissements d’enseignement supérieur (une trentaine en 2019) procèdent sans bruit à la dévalorisation des carrières d’EC en refusant d’attribuer une part significative des contingents d’avancements au choix qui leur sont attribués par le ministère. Les EC paient ainsi de leur poche l’austérité budgétaire des dernières années et la fin de la compensation du fameux glissement vieillesse technicité (GVT). L’inégalité de traitement des agents est de mise :

  • Entre les corps d’EC et les autres corps de fonctionnaires, puisque le non respect des taux de promotion pénalise les EC dans leurs perspectives de carrière (par exemple par rapport aux enseignants agrégés)

  • Au sein des corps de fonctionnaires d’Etat que sont les EC, puisque selon son établissement d’affectation les chances d’avancement local d’un-e EC sont entières ou réduites.

En ce qui concerne la lutte contre les discriminations, les EC touchés par un handicap qui demandent comment constituer leur dossier d’avancement ou de PEDR et comment l’impact du handicap sur leur activité professionnelle est prise en compte dans l’évaluation du dossier nous signalent qu’ils font l’objet d’un ping-pong entre la DGRH du ministère, la section CNU et leur présidence d’établissement.

Les EC qui consacrent une partie de leur service à une activité syndicale dans le cadre d’une décharge ne savent pas non plus comment leur quotité réduite d’activité professionnelle ne leur porte pas préjudice. Le ministère favorise au contraire la discrimination ne faisant apparaitre que la part enseignement sur les arrêtés de décharge d’activité de service et en refusant de répondre favorablement à nos demandes répétées que ces arrêtés explicitent clairement la réglementation, à savoir que la quotité de décharge s’applique à l’intégralité des missions.

Proposition du SNESUP-FSU

Rappeler dans les circulaires que le contingent de promotions locales a vocation à être consommé dans sa totalité afin de garantir un traitement équitable entre agents sur tout le territoire. Inscrire dans les LDG que tout défaut d’utilisation complète du contingent fera l’objet en comité technique d’une présentation destinée à mettre en évidence un éventuel choix politique de l’établissement (sans entrer dans les appréciations individuelles, celles-ci ne relevant pas de la compétence du comité technique). Il s’agit d’éclairer par exemple pourquoi une autorisation d’avancement reste inemployée lorsque 25 candidatures à l’avancement sont laissées insatisfaites.

Pour lutter contre les discriminations de nature syndicale, la DGRH du ministère devrait avoir à charge de s‘assurer que des réponses étayées sont fournies par l’administration aux collègues qui s’adressent à elle.

 

Affirmation LDG

« Les avancements de corps et de grade s'exercent dans le respect du nombre de promotions autorisées annuellement »

Réalité

Pour les avancements de grade le respect ne concerne que le plafond du nombre de promotions et pas les perspectives offertes pour l’ensemble du corps ! En 2019, plus de 10% des contingents d’avancement (quasi exclusivement locaux) ont été perdus pour les EC, et presque 15 % pour les seuls MC.

Pour les avancements de corps, le nombre de postes de PU mis au concours est loin du nombre d’autorisations du fait de l’austérité budgétaire imposée à l’enseignement supérieur ces dernières années. Dans le même temps où les effectifs étudiants ont grimpé, le nombre d’EC a baissé, en particulier le nombre de PU a baissé. Les perspectives d’avancement de corps des MCF sont en berne : en 2018, il y a eu 1778 qualifiés aux fonctions de PU, mais seulement 639 recrutements, cela pour 708 départs en retraite !

Proposition du SNESUP-FSU

Cf. la proposition précédente pour les avancements de grade. Les avancements de corps de rang B vers rang A nécessitent les moyens budgétaires !

 

Enfin le ministère profite de ces LDG pour tenter de forcer la main aux instances d’évaluation : « Il est rappelé ici les priorités du Ministère en matière de reconnaissance de l’engagement des personnels dans des projets pédagogiques innovants ou encore dans des appels à projets de recherche notamment européens ». Le SNESUP-FSU rappelle que les LDG n’ont pas valeur réglementaire. Les EC n’ont donc pas à se conformer à des injonctions visant à introduire dans les évaluations individuelles un critère de suivisme des orientations politiques du ministère. Conformément à leurs statuts qui indiquent que l’avancement des EC « a lieu sur la base de critères rendus publics, d'une part, par les sections du Conseil national des universités et, d'autre part, par les établissements » et compte-tenu de leur indépendance, il revient aux EC eux-mêmes de déterminer ces critères sur la base des missions de leurs corps.

8 février 2021