Accès en master - Non au démantèlement du droit à la poursuite d'études - Lettre flash n°26 du 22 décembre 2020

Publié le : 22/12/2020

 

Depuis la mise en place de la réforme de l’accès en master en 2016, le SNESUP-FSU demande au ministère un bilan détaillé de sa mise en application. Une présentation des effets de la réforme devant le CNESER avait été promise par le ministère. De plus, une évaluation relative à la poursuite d'études en deuxième cycle (impact sur la qualité de l'offre de formation en deuxième cycle et sécurisation juridique des parcours), inscrite dans le code de l'éducation, aurait dû être réalisée par le HCERES et remise au parlement au plus tard le 1er mars 2020. Nous attendons toujours.

 

Les chiffres à notre disposition montrent en effet une diminution du nombre d’étudiant·es en master depuis cette réforme. La sélection en master s’est effectivement mise en place. Les notes du SIES [1,2] montrent une diminution de 0,9 % du nombre d’étudiant·es en master de même discipline que celle de la licence entre 2017-2018 et 2018-2019 (-1,1 % en lettres-langue-arts, -1.04 % en SHS (hors psychologie), -2,7 % en psychologie, -3,1 % en SVT). Cette diminution provient-elle d’une diminution généralisée des capacités d’accueil en M1 suite à cette réforme comme cela s’est produit par exemple en master MEEF [3] ? L’entrée de droit en master serait-elle en panne ? Les réponses à ces questions semblent claires même si elles demandent à être confirmées par une remontée systématique des chiffres en provenance de tous les établissements.

 

Les modifications de l’article R 612-36-3 du code de l’éducation proposées dans le projet de texte modifiant le processus de saisine du recteur de région académique durcissent les conditions d’accès au master y compris de droit. Un nombre minimal obligatoire de réponses négatives (5) doit désormais être atteint pour espérer solliciter le recteur de la région académique. L’obligation de faire au moins deux demandes de master dans la région académique d'obtention de la licence, la diminution du nombre de propositions faites par le recteur ou la rectrice (passage de 3 à 2), le raccourcissement de moitié des délais de réponse accordés au candidat ou à la candidate, sont autant de mesures injustes qui inversent le processus et renvoient à l’étudiantּ·e la responsabilité de trouver une place dans un master. La charge de la preuve revient ainsi aux étudiant·es qui doivent justifier du bien fondé de leurs demandes. Tout est ici mis en place pour renforcer la pression psychologique et temporelle portée sur leurs épaules.

 

Par ailleurs, le recteur peut désormais le cas échéant proposer une formation diplômante (type DU) et pas forcément un diplôme national de master, y compris dans une formation payante avec des frais d’inscription plus élevés. Le SNESUP-FSU dénonce cette dérive et rappelle que nombre d’étudiant·es qui se voient imposer un éloignement géographique et une mobilité forcée pour poursuivre leurs études ont déjà les plus grandes difficultés à financer celles-ci. 

Enfin, certaines mentions de master ont tendance à se régionaliser et selon les disciplines, le nombre de masters compatibles avec la mention de licence n’est pas identique. Ces mesures se révèlent donc inégalitaires en fonction de la nature de la licence obtenue.

 

Dans la même logique, un article ajouté au code de l’éducation évoque la nécessité d’expertiser l'adaptation des formations aux besoins spécifiques de l’étudiant·e. Pour le SNESUP-FSU, les étudiant·es justifiant de circonstances exceptionnelles tenant à leur état de santé ou à leur handicap ne sauraient être lésé·es dans le choix de leur formation sous prétexte que l’établissement ne peut dégager les moyens nécessaires à leur accompagnement pendant leurs études en master. Il est indispensable que le ministère permette humainement et financièrement à toutes les universités publiques de se mettre en conformité pour accueillir tou·tes les étudiant·es, y compris celles et ceux en situation de handicap.

 

Le projet présenté interpelle donc quant aux réelles motivations du ministère. L’intention politique est-elle de diminuer ou d’augmenter le nombre d’étudiant·es diplômé·es avec des niveaux de qualification élevés ou est-elle de les amener sur le marché du travail le plus vite possible quitte à prévoir dans un second temps, pour augmenter leur niveau de qualification, une reprise d’études en formation continue dont on connaît malheureusement les difficultés et le coût très élevé ? En outre, comment le ministère envisage-t-il, en décourageant l’accès en master par un durcissement des procédures de recours, remédier à la chute alarmante du nombre de doctorant·es et contribuer à en accroître le vivier nécessaire au développement de la recherche sur le territoire ? 

 

Pour le SNESUP-FSU, les propositions de modification faites par le ministère renforcent la sélection à l’entrée en master, celle-là même déjà instaurée par la loi Orientation réussite étudiante via l’application Parcoursup pour la licence. Le SNESUP-FSU dénonce cette logique sélective et revendique un véritable droit à la poursuite d’études en master avec pour objectif de former à des familles de métiers, et non à des métiers spécifiques, afin de garantir une bonne insertion professionnelle et une autonomie professionnelle qui permette aux diplômés de faire face aux évolutions des métiers. LE SNESUP-FSU rappelle que face au nombre croissant de demandes d'accès en master la réponse doit être une augmentation des capacités d'accueil et non un durcissement des conditions d'accès. Le SNESUP-FSU demande enfin que les évaluations de la poursuite d’études prévues par les textes soient effectuées sans délai et mises à disposition de la communauté. 

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[1] Parcours et réussite en master à l’université : les résultats de la session 2017, n°6, février 2019 : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/55/5/NF2019_06_parcours_et_reussite_master_1082555.pdf

[2] Parcours et réussite en master à l’université : les résultats de la session 2018, n°4, février 2020 https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2020/59/1/NF_2020-04_parcours_et_reussite_master_num_1246591.pdf 

[3] https://www.snesup.fr/article/capacites-daccueil-pour-les-masters-meef-je-taccueille-moi-non-plus