Expression de l'assemblée générale de l'Université de Nantes, 10 décembre 2020
POUR UNE RÉOUVERTURE DE L’UNIVERSITÉ DÈS LE 4 JANVIER,
AVEC LES MOYENS (HUMAINS ET MATÉRIELS) NÉCESSAIRES
Si les campus n’ont pas été totalement fermés depuis début novembre – les BU, notamment, ont pu rouvrir – ils demeurent cependant quasi déserts. Les étudiant-es et la plupart des personnels sont contraint-es de travailler (de) chez eux, généralement avec leurs propres moyens matériels. Dans ces conditions, le service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est extrêmement dégradé. Cela nourrit de la souffrance chez les personnels comme chez les étudiant-es, accroissant d’autre part leur précarité qu’ils subissent en nombre croissant. Il en va pareillement des inégalités d’études fortement accrues par l’isolement et l’enseignement à distance qui leur a été imposés.
Ce que subit l’université est symptomatique de la grave crise à laquelle est confrontée la jeunesse. Les jeunes ont droit à l’éducation et à l’émancipation par l’accès aux connaissances et ce droit ne saurait être durablement entravé sans graves dommages.
Le maintien des cours dans les établissements pour les formations supérieures en lycées (Classes préparatoires aux grandes écoles et Sections de technicien supérieur) montre d’ailleurs ce qui est souhaitable : on apprend mieux rassemblés, dans les interactions avec les enseignant-es mais également entre étudiant-es.
La reprise des cours à l’université est une nécessité qui ne saurait pourtant être imposée. Il faut rompre avec les habitudes prises par le ministère et d’une certaine façon la présidence de l’université depuis le début 2020, imposant le travail sur site pour les un-es et l’interdisant pour les autres. Les personnels, expert-es de leurs missions, doivent être systématiquement associé-es aux décisions qui les concernent. Des modalités souples et progressives de reprise doivent être mises en place, en associant systématiquement les CHSCT de site. Quant aux personnels et étudiant-es qui ne peuvent pas revenir travailler dans les locaux universitaires, elles et ils doivent pouvoir continuer temporairement à travailler à distance.
Si la protection de la santé des personnels et des étudiant-es n’est évidemment pas négociable, elle ne peut pas pour autant être opposée à la reprise. Elle suppose de mettre en place de toute urgence des mesures exceptionnelles et en particulier des recrutements de personnels BIATSS et enseignants-chercheurs qui doivent être engagés sans tarder. Ces recrutements doivent notamment permettre de dédoubler les groupes. D’autre part, des investissements sont requis pour assainir et aérer les salles de cours et des discussions doivent être menées avec les CROUS afin de permettre aux étudiant-es et personnels de se restaurer dans de bonnes conditions.
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1. Si la crise sanitaire frappe l’enseignement supérieur avec une telle force, c’est que la pandémie révèle de manière évidente l’état de fragilité des universités, frappées de manière endémique, depuis des années voire des décennies, par le manque de personnels et de financements suffisants et pérennes.
Pour ce qui est de l’université de Nantes, il suffit de parcourir le bilan social très récemment présenté en CHSCT d’Établissement, pour prendre conscience de l’étendue du problème : le nombre d’heures complémentaires accomplies par les enseignants est des plus importants. Ce sont autant de postes qui ne sont pas créés. Pendant le même temps, 1000 enseignants chercheurs, cette année, ont candidaté sur notre établissement universitaire : 29 seulement ont été recrutés. Même problème avec les BIATSS : il faut ouvrir des postes, recruter. Pas sur le mode actuel, caractérisé par la démultiplication des CDD, au mieux de CDI : cette précarité fait que l’on passe le temps à former nos collègues pour que finalement ils nous quittent à la fin de leur contrat. Ce _turn-over_ des personnels précaires crée en outre un climat délétère, de fragilité du collectif de travail : il contribue fortement au développement des risques psychosociaux, largement répandus.
2. Par ailleurs, la pérennisation du mode « distanciel » depuis des mois, installe les personnels et les étudiants dans un malaise réel. D’abord, il ne peut s’agir que d’un mode dégradé :
l’enseignement numérique ne remplace pas l’échange en cours, au sein des Travaux dirigés, voire même dans un Cours magistral. C’est aussi tout l’aspect informel qui passe à la trappe, le contact humain… Pourtant, dans le travail comme dans la formation, c’est dans les espaces informels que se nouent les projets, les savoirs. Qui plus est, on peut craindre que cette crise sanitaire serve à propulser une ingénierie pédagogique qui transformerait l’enseignement et le réduirait à la création de simples supports de cours… Ne resterait qu’une ultime étape, celle de la marchandisation de ces supports, qui altèrerait le sens de la formation et de notre mission de service public.
3. Alors que l’État n’a pas géré correctement la crise en termes de prévention (notamment par la pénurie de masques) et de réactivité (premier confinement initié trop tardivement pour empêcher la pandémie), le gouvernement et notre ministre ont profité de la période pour accélérer le pas en ce qui concerne les contre-réformes et régressions diverses. Ainsi en est-il, par exemple, avec la Loi dite « de programmation de la Recherche » (LPR), décriée par les personnels et les organisations syndicales, qui installe les principes du libéralisme au cœur de notre service public d’enseignement supérieur (recherche par projets, contractualisation des enseignant·es-chercheur·es (EC), etc.) : les métiers y sont précarisés, la liberté d’expression muselée (au travers de l’article contenu dans la LPR sur l’action des mouvements sociaux et étudiants). Ce n’est pourtant pas en ajoutant de la précarité à la précarité que le service public de l’enseignement supérieur retrouvera son équilibre et sa vigueur : nous réclamons donc
- Des recrutements de titulaires, personnels BIATSS et EC, de manière urgente, pour améliorer les conditions de travail de toutes et tous, et les formations dispensées.
- Des dotations abondées pour le fonctionnement des universités, afin de faire face, notamment, aux impacts de la crise sanitaire, pour aider les étudiants fragilisés par la situation, les personnels précaires.
- Un investissement rapide en termes de locaux de formation, afin de pouvoir accueillir correctement les étudiants et les personnels.