Le ministère justifie la loi Orientation réussite étudiante (ORE) et son dispositif d’application Parcoursup par une volonté d’optimiser le processus d’orientation des élèves en le basant sur leurs choix. Le SNESUP-FSU n’est pas dupe et s’y est d’emblée opposé. Une première analyse des données de Parcoursup 2018 confirme la gestion de flux et une sélection active fondée notamment sur les séries de bac et des critères hétérogènes et souvent opaques.
Une note du SIES confirme en effet que les bacs professionnels et technologiques reçoivent moins de propositions que les bac généraux [Note Flash n°8 du SIES, avril 2019]. Le manque d’investissement en termes de locaux, personnels et budget poussent vers la sélection des licences jusqu’alors ouvertes à tous et toutes. Dans le même temps, on observe un accroissement des effectifs des étudiant·es dans les formations privées, non par choix, mais par la faiblesse des capacités d’accueil à l’université.
L’État veut devenir acteur d’un marché de l’éducation au lieu de garantir une égalité des chances pour toutes et tous. L’alibi de l’individualisation, qui prétend réintroduire de l’humain dans les paramètres de classement (fiche Avenir, activités extra-scolaires, lettres de motivation, etc), fait en réalité peser de lourdes responsabilités sur des jeunes en formation.
Le système favorise les élèves aidé·es par leurs familles et qui savent mobiliser les ressources d’orientation mises à disposition [Voir le rapport publié par l’observatoire de la vie étudiante (OVE), septembre 2019, n°39 : http://www.ove-national.education.fr/wpcontent/uploads/2019/09/OVE-INFOS...]. En effet, le degré de satisfaction des voeux est très élevé chez les élèves accompagné·es par un membre de leur famille (68 % contre une moyenne de 41 %) et le plus bas chez les titulaires d’un bac professionnel dont la situation socio-économique est la plus précaire. Ce système de sélection est anxiogène. Le seul remède proposé par le ministère est l’aide à l’orientation par des officines privées et start-up. En outre, le choix d’accélérer le processus d’affectation oblige dans les faits les futur·es bacheliers et bachelières à prendre des décisions à la hâte.
Parallèlement, l’ONISEP et ses délégations régionales, pourtant fondamentaux dans le cadre de l’orientation des élèves, sont démantelés ; les PsyEN sont marginalisés et des CIO sont fermés, alors même que le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup préconise de cibler des moyens spécifiques pour Parcoursup dans le SAIO.
Les conclusions du rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup [https://www.viepublique.fr/rapport/272665-rapport-comite-ethique-et-scientifique-de-parcoursup-cesp-2020] ne sont guère encourageantes. La règle du « premier arrivé, premier servi » de la phase complémentaire est mal perçue. Selon le comité, un bilan sur les inégalités sociales serait difficile à réaliser dans la mesure où l’accès à toutes les inscriptions est possible.
Le rapport souligne de nombreuses questions de fond sur les choix politiques qui restent en suspens : quelles garanties de l’égalité d’accès à l’université pour toutes et tous ? Comment régler le « problème récurrent du redressement des notes en fonction du lycée et de son opacité », c’est à dire pour nous, comment résoudre l’inégalité des lycées en France, autrement dit, la ségrégation scolaire ? Quels effets de la réforme du lycée (choix des spécialités) sur le risque de créer des tuyaux bac-3/bac+3 ? Appliquer les mêmes critères entre les filières sélectives (IUT, BTS, CPGE) et les licences a-t-il un sens ?
Le rapport démontre que Parcoursup, qui semble être une cartographie centralisée et clairement délimitée par des attendus nationaux et locaux de toutes les formations du territoire, confronte en réalité les familles à des critères et à des attendus locaux extrêmement hétérogènes. On peut rappeler ici le cas des regroupements d’Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), non cités par le comité, qui ont mis en oeuvre des grilles de notation et des critères de sélection étonnamment différents.
Certaines modifications proposées par le ministère dans les projets d’arrêtés Parcoursup présentés au CNESER et au CSE mardi 4 février (contre lesquelles la FSU a voté) questionnent au regard de l’égalité de traitement. C’est le cas notamment pour la limitation du nombre de voeux pour les IFSI - obligeant les élèves les plus fragiles à s’orienter vers des écoles qui se trouveraient hiérarchisées par des critères plus ou moins sélectifs pour augmenter leurs chances de poursuivre dans cette voie et, dans un avenir plus lointain à ne plus avoir de chances d’y accéder tant la concurrence entre élèves est forte - et pour le maintien de l’établissement d’origine dans le dossier du/de la candidat·e. La réforme du bac qui fait de ce diplôme national un examen local concrétise le système ségrégatif qui se met en place. Dans cette optique, il est inacceptable que la question de l’inégalité entre établissements soit réduite à une simple problématique de lissage des notes qui permettrait de ne pas pénaliser les élèves des établissements privilégiés. Quant au bug rencontré à l’ouverture de Parcoursup 2018, sa résolution se traduit par une augmentation de la charge de travail dans les établissements d’enseignement supérieur. Le nombre et la complexité des tâches administratives induites par Parcoursup augmentent constamment. Ils nécessiteraient un investissement massif en moyens et en personnel.
La loi ORE et le dispositif Parcoursup sont bel et bien une machine de sélection, et non d’aide à l’orientation. Le SNESUP-FSU demande l’effectivité du droit à l’enseignement supérieur public pour les bacheliers quel que soit le baccalauréat obtenu et un retour à une véritable hiérarchisation des voeux. Il rappelle la nécessité d’un plan pluriannuel d’affectation des moyens pour ouvrir des places, accueillir et faire réussir toutes et tous les étudiant·es.
Il appelle les collègues à favoriser l’inscription des bacheliers de bachelières dans la formation de leur choix et à classer les dossiers « tous ex-aequo ». Le SNESUP-FSU rappelle aux collègues qu’il n’existe aucune disposition légale pour les obliger à trier les dossiers des candidat·es.