Après l'attaque de la CPU, le gouvernement s'en prend de manière frontale au statut et à l'indépendance des enseignant.es-chercheur.es. Un amendement gouvernemental à l’article 15 ter du projet de loi de « transformation » de la fonction publique a été adopté par le Sénat le 20 juin dernier et le 4 juillet en commission mixte paritaire en vue de modifier la composition, les attributions et le fonctionnement du CNESER disciplinaire. L’examen final du texte aura lieu le 17 juillet à l’Assemblée nationale et le 24 juillet au Sénat.
La justification de cet amendement repose sur un mensonge éhonté du gouvernement selon lequel « 40 % des décisions du CNESER statuant en formation disciplinaire sont aujourd’hui annulées en cassation par le Conseil d’État ». C’est FAUX ! Entre 2014 et 2017, les jugements rendus par le CNESER statuant en matière disciplinaire permettant de mettre fin définitivement au litige sont en effet de 286 sur 294 décisions soient 97,27 %. Donc, seules 8 décisions sur 294 ont été cassées par le Conseil d’État, soit seulement 2,7 %... Très loin des 40 % annoncés par le ministère !
Au-delà du mensonge, cette interprétation des chiffres a choqué les membres élu.es du CNESER disciplinaire qui ont accompli leur tâche avec professionnalisme et sérieux avec très peu de moyens matériels et de formations. Par ailleurs, dans son argumentaire le ministère met en avant les « faibles sanctions » données sur des affaires marquantes de violences sexuelles et sexistes. Ce faisant, il omet de préciser qu’en l’absence d’appel incident de l’université, le CNESER n’a pas le pouvoir d’aggraver les sanctions infligées en première instance. Le prétendu laxisme du CNESER disciplinaire en matière de violences sexuelles n’est par ailleurs pas établi et ne repose que sur des allégations mensongères. Les juridictions pénales éprouvent d’ailleurs les mêmes difficultés lorsqu’elles ont à traiter ce type de contentieux.
L’amendement retenu impose que le CNESER disciplinaire serait désormais présidé non plus par un.e professeur.e des universités élu.e, mais « par un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État » qui aurait la possibilité de désigner pour instruire chaque affaire non plus seulement un.e enseignant.e-chercheur.e, juge du CNESER disciplinaire mais aussi « un magistrat des juridictions administratives ou financières extérieur à la formation disciplinaire ». Il remet gravement en cause le principe du jugement par les pairs qui est une partie intégrante du principe constitutionnel de l'indépendance et de la liberté académique des enseignant.es-chercheur.es.
Par ailleurs, la composition et le fonctionnement futurs du CNESER disciplinaire suscitent des inquiétudes puisqu’ils seront définis ultérieurement par décret. Comment garantir que ce décret pris en Conseil d’État ne comportera pas de nouvelles atteintes à la collégialité et au principe d’indépendance des enseignant.es-chercheur.es ? (rappelons par exemple que la juridiction des PU-PH est composée à 50 % de membres nommé.es).
Enfin, le CNESER ne serait plus l’instance de recours pour les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l’égard des usagers (1er alinea de l’article 15 ter). Les étudiant.es devront faire appel au tribunal administratif s’ils/elles souhaitent contester la décision de la section disciplinaire. Cette modification de la procédure administrative est particulièrement inopportune. Les tribunaux administratifs ne sont pas habitués à traiter ce contentieux spécifique et ils n’auront pas le pouvoir d'apprécier la proportionnalité des sanctions décidées en première instance, sauf en cas d’erreur manifeste. Le tribunal administratif ne pourra pas juger l’affaire sur le fond ce qui entraînera une diminution des garanties offertes aux justiciables. Même si le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le tribunal administratif, on peut craindre un renforcement des inégalités sociales dans l’accès à la justice car la procédure est plus complexe devant le juge administratif que devant le CNESER.
Le SNESUP-FSU considère qu’il s’agit de mise sous tutelle de la justice universitaire par le gouvernement et l’administration. Ces amendements ont été déposés sans AUCUNE concertation mais à l’issue de simples réunions d’information bilatérales avec les organisations syndicales. Ils se situent dans la même logique que les attaques conjointes du ministère et de la CPU contre les instances représentatives des personnels (CNU - CAP).
Le SNESUP-FSU demande le retrait de cet article et rappelle qu’il a fait des propositions d’amélioration du fonctionnement du CNESER disciplinaire et des sections disciplinaires de première instance, en particulier le dépaysement systématique des affaires. Nous combattrons cette attaque qui va à l'encontre du principe de valeur constitutionnelle de l'indépendance des enseignant.es-chercheur.es.