ÉTUDIANT·E·S EXTRA-EUROPÉEN·NE·S : BIENVENUE EN FRANCE ?
VRS N° 416 - PRINTEMPS 2019
Par Hervé Christofol et Hugo Harari-Kermadec
Etudiant·e·s extra-européen·ne·s : bienvenue en France ?
Le 19 novembre 2018, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté un plan censé mieux accueillir davantage d’étudiants étrangers non européens au sein des universités françaises. Nommé Bienvenue en France, ce plan a pour principale mesure une hausse spectaculaire des frais d’inscription, de 170 € à 2 770 € en licence et de 243 € à 3 770 € en master (à la suite des mobilisations et des concertations, la hausse des frais pour faire un doctorat a été abandonnée en février). Cette annonce a provoqué un rejet inédit dans la communauté universitaire, allant des organisations étudiantes aux syndicats des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, en passant par la conférence des présidents d’université (CPU) ou encore le Conseil scientifique du CNRS. Tribunes et motions d’universitaires, de laboratoires, d’équipes pédagogiques, de revues, de sociétés savantes, de sections CNU… se sont multipliées. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) s’est prononcé à la quasi unanimité contre le projet d’arrêté fixant la hausse des droits d’inscription.
Après trois mois de mobilisation, la ministre en charge de l’enseignement supérieur avait annoncé qu’elle retirait les doctorants du dispositif. Elle s’engageait aussi à stabiliser les frais universitaires pour les Français et les Européens. Si ces concessions – à mettre à l’actif de la mobilisation – sont notables, le projet global du gouvernement n’est pas abandonné, à savoir amplifier la dynamique de hausse des frais – déjà bien engagée ailleurs – au coeur même du système universitaire.
Dans ce dossier, après que Lama Kabbanji ait analysé le contenu du projet Bienvenue en France, David Flacher montre qu’il ne s’agit là que d’une nouvelle étape vers la hausse généralisée des frais dans l’enseignement supérieur. Quentin Rodrigez et Plilippe Carré analysent les impacts que la hausse des droits d’inscription pour les doctorant aurait eus sur les doctorants eux-mêmes et sur les travaux des équipes de recherche dans nos laboratoires. Après qu’Hicham Hamid ait rappelé le marathon administratif auquel est soumis l’étudiant extra-communautaire qui veut étudier en France, ce sont huit président·e·s d’université – parmi celles et ceux qui ont pris position contre la hausse des frais d’inscription – qui expliquent, dans une table ronde, le pourquoi de leur position.
Suivent plusieurs articles qui portent le regard au-delà de nos frontières. Antonina Levatino et Kévin Mary parlent ainsi de la croissance de l’enseignement transnational , tandis que Florence Audier présente la situation des droits d’inscription en Europe, où l’Angleterre fait figure de contre-exemple, comme le montre Annabelle Allouch. Hugo Harari- Kermadec rappelle l’importance des luttes menées dans le monde pour la gratuité de l’accès aux études supérieures.
De retour en France, trois sénateur·trice·s – Ester Benbassa, Xavier Iaoveli et Pierre Ouzoulias – contestent la différenciation des frais universitaires, vraie rupture du principe républicain d’universalité de l’accueil dans l’enseignement supérieur. Rupture qui pourrait être, techniquement, anticonstitutionnelle, explique Juan Prosper qui propose de mener le combat devant le conseil d’État. Hervé Christofol clôt le dossier en observant comment les formations payantes transforment fondamentalement le métier d’enseignant.