Avant toute chose, nous souhaitons dire que nous condamnons très fermement les violences qui se poursuivent semaine après semaine à l’égard des manifestant·es et qui ce week-end ont touché des syndicalistes. Louis Boyard (président de l’UNL), mais aussi Pascal Maillard (universitaire strasbourgeois, membre du SNESUP-FSU), et peut-être d'autres victimes, ont été frappés durement par des armes dangereuses et mutilantes, utilisées par les forces de l'ordre. La FSU met en garde le gouvernement contre l'escalade de violence dont il prend la responsabilité, et en particulier, les conséquences du signal envoyé à la jeunesse et aux militant·es des organisations syndicales. Il y a urgence à répondre aux revendications en matière de pouvoir d’achat, de fiscalité plus juste et d’une fonction publique au service de toutes et tous, permettant notamment aux jeunes de poursuivre des études de leur choix au lycée et à l’université et d'accéder au plus haut niveau de qualification. Le gouvernement ne trouvera pas d'issue et de réponse au mécontentement profond de la population par l'augmentation du niveau de répression contre le mouvement social.
Cette séance d’installation du nouveau CTMESR - à l’issue d’un scrutin des élections professionnelles entachées de nombreux dysfonctionnements, faut-il le rappeler ? -, intervient après plus d’un an de mesures et d’annonces[1] qui confirment malheureusement l’orientation gouvernementale de dérégulation et de marchandisation de l’ESR.
Le service public d’ESR mis en question
Après l’ordonnance qui permet désormais aux établissements d’adopter un statut expérimental dérogeant au code de l’éducation, s’affranchissant ainsi de tout cadre réglementaire contraignant, et de restreindre toujours plus la démocratie universitaire et les libertés académiques, après la mise en place de la loi ORE et la généralisation de la sélection à l’entrée de l’université, ce sont désormais les droits d’inscription des étudiant·es extra-communautaires qui sont envisagés à la hausse. Cette hausse vertigineuse remet en cause les valeurs universalistes et humanistes de notre enseignement supérieur. Elle préfigure sans aucun doute l’augmentation des droits d’inscription de tous les étudiant·es. La reconnaissance du « Bachelor » au grade de licence, annoncée la semaine dernière, confirme, si besoin était, la volonté du gouvernement de soustraire de plus en plus de diplômes de l’enseignement supérieur aux cadres réglementaires nationaux et de lancer la mise en place de formations marchandes à grande échelle. Dans un contexte de sous-financement de l’ESR public par l’État, ce processus s’effectuera en parallèle de la dégradation de la qualité de l’offre de licence.
Nous dénonçons ces attaques contre le service public de l’ESR, et plus généralement contre l’ensemble du service public et ses agents puisqu’Olivier Dussopt a confirmé mardi dernier la volonté de supprimer 120 000 fonctionnaires. Les différentes mesures annoncées par le gouvernement ne font que renforcer ces tendances et montrent un inquiétant aveuglement face à une situation catastrophique. La vision libérale élitiste accentue, jour après jour, les inégalités sociales face à l’éducation, la dégradation des conditions de travail et la perte du pouvoir d’achat.
Des agents frappés par la faiblesse salariale
Rien que sur les dix dernières années, les agents ont subi plus de 10 % de perte en pouvoir d'achat sur les traitements bruts. Cette perte est accentuée en rémunération nette par l’augmentation du taux de retenue pour cotisation retraite[2]. Les traitements ne traduisent plus les qualifications nécessaires et les missions assurées. La reconnaissance du doctorat affirmée par la loi ESR de 2013 attend toujours sa concrétisation financière. Dans notre ministère cette dévalorisation n’a même pas été compensée partiellement par de l’indemnitaire : l’ESR reste un parent pauvre concernant les régimes indemnitaires. En particulier le montant perçu par la majorité des enseignant·es du supérieur et des chercheurs, inférieur à 100€ mensuels, flirte certainement avec les montants planchers de la fonction publique. Et l’heure complémentaire d’enseignement est moins rétribuée qu’une heure dans le secondaire.
Par ailleurs, le CNRS annonce vouloir améliorer le régime indemnitaire pour ses chercheur·es par l’adhésion au RIFSEEP d’ici fin 2019, alors qu’aucune négociation n’est annoncée au MESRI.
Il est donc indispensable d'ouvrir les négociations salariales demandées par la FSU pour revaloriser les carrières et les rémunérations de toutes les catégories d’agents.
L‘emploi en berne
Le rapport 2018 du ministère sur « l’état de l’emploi scientifique en France » confirme la situation plus que critique de l’emploi scientifique en France. Dans les établissements publics d’enseignement supérieur, le taux d'encadrement est en chute libre[3] Rappelons que malgré une forte augmentation du nombre d’étudiants, le corps des enseignants chercheurs a perdu 2052 électeurs au CTU entre 2014 et 2018. De son côté, le CNRS a lui perdu 1605 postes de titulaires depuis 2005.
Le vivier des futurs enseignants-chercheurs et chercheurs se réduit (avec une diminution de près de 30 % du taux de poursuite d’étude après le master en 10 ans). Le manque d’attractivité et de reconnaissance des métiers de l’ESR et de R&D se confirme. La précarité et la contractualisation de plus en plus répandues pour les emplois dans l’ESR pèsent. Simultanément, le gouvernement continue à augmenter le CIR et double le CICE, véritables aides fiscales aux entreprises[4], sans remettre en cause leur utilité effective pour la recherche française. Ce décrochage de l’emploi scientifique est engagé sur une pente difficilement réversible sans un changement de cap et une politique volontariste.
Une politique d’égalité professionnelle à définir et évaluer
Les négociations salariales que nous demandons doivent prendre en compte les inégalités salariales et de carrières significatives et persistantes entre les femmes et les hommes. Elles doivent faire l’objet d’un véritable plan d’action et non d’un ersatz de mesures ne s’appuyant sur aucun bilan sérieux et pour lesquelles aucun financement n’est prévu. Un comité de suivi, relatif à l’accord du 30 novembre 2018, a été mis en place pour l’égalité dans la fonction publique. L’ESR est à ce titre concerné et le plan d’action pour l’égalité doit être travaillé d’urgence avec les organisations syndicales.
Avant d’entamer les travaux du Comité Technique Ministériel, la FSU réaffirme donc avec force son attachement aux valeurs républicaines du préambule de la Constitution et au développement d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche gratuit, laïque et de haut niveau. Elle appelle le Gouvernement à revoir sa politique budgétaire et à s’appuyer sur les propositions des organisations syndicales pour avancer vers des solutions répondant aux aspirations de toute la communauté et aux revendications de justice sociale, fiscale et environnementale qui s’expriment avec force dans tout le pays.
Au sein de notre ministère, les responsables sont-ils/elles décidé·es à réellement écouter ? Et aussi à répondre aux propositions des représentant·es du personnel, aux demandes d’explications ou de données ? A quand un retour aux demandes que la FSU a formulées plusieurs fois en CTMESR depuis deux ans[5] ?
Nous formulons avec vigueur le souhait que cette année 2019 soit celle du changement en matière de dialogue social pour que tout le monde y gagne et pas seulement quelques un·es.
[1] Elles sembleraient maintenant avoir force de loi.
[2] Passé de 7,85 % à 10,83 % entre 2011 et 2019
[3] Le nombre d'enseignant·es-chercheur·es titulaires pour 1000 étudiants est passé de 35,13 à 31,25 entre 2010 et 2016. La situation s’est encore détérioriée depuis, sous l'effet conjugué de la poursuite de deux facteurs : l’augmentation importante des effectifs étudiants, la diminution du nombre d'enseignant.e.s-chercheur.e.s (-4 % sur les listes électorales du comité technique universitaire entre 2014 et 2018). Dans les EPST, depuis 2009, la baisse des effectifs est de 3 % pour les chercheur.e.s et de 11 % pour les personnels de soutien.
[4] Représentant plus de 1.2 point de PIB.
[5] Par exemple: présentation des arguments du ministère fondant la politique incohérente de rémunération indemnitaire des enseignants du supérieur et des chercheurs ; bilan chiffré des recrutements et des mutations des enseignants-chercheurs depuis 2015, intégrant les avis défavorables de conseils centraux et les recours contentieux ; création d’un indicateur relatif aux recrutements externes de la filière itrf, distinguant le nombre de recrutements endogènes et exogènes ; instructions définissant le service d’enseignement statutaire dans les cas d’année incomplète.