Hervé Christofol, SNESUP-FSU, CNESER plénier du 26 juin 2017
Madame, la ministre, le jeudi 15 juin 2017, sur la chaine nationale France culture vous affirmiez « On doit sortir de cette situation où on demande toujours plus d’argent sans s’interroger sur nos pratiques ».
La réflexivité est une des plus hautes compétences des chercheurs, des Enseignants-Chercheurs et des Enseignants et c’est continument que nous nous questionnons sur nos pratiques – mais vous le savez bien ! Par contre, avec sa 13ème place, la France 6ème puissance économique mondiale, est parmi les pays de l’OCDE qui consacrent le moins de financement à l’ESR à la fois parce que nous sommes parmi les personnels les moins bien payés (rappelons que près de 80 % du budget de la MIRES est consacré au paiement des salaires et vacations mais également parce que le taux d’encadrement et les budgets de fonctionnement sont parmi les plus bas d’Europe.
Ce sous-paiement est d’ailleurs reconnu par notre président de la république qui pour attirer les chercheurs américains souhaite leur proposer des salaires qui permettent de les payer à « leur juste valeur » (100 k€ soit près de 2 fois plus que nous donc) et en leur assurant un budget de fonctionnement du même montant (soit 100 fois plus que le nôtre…).
Par ailleurs la France a le taux de diplomation du supérieur parmi les plus élevés d’Europe. Preuve de l’efficience des collègues. Certes c’est plutôt avec des diplômes issus de cycles courts et il nous faut augmenter le nombre de diplômés de master. Ce n’est donc pas en imposant à tous les responsables de formation de fixer des capacités d’accueil que nous y parviendrons.
Mais « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage » aussi entend-t-on sur tous les médias que le taux d’échec en licence est insupportable et que si les étudiants ne se réorientaient pas ou s’ils ne redoublaient pas, cela permettrait de faire de telles économies que tous les problèmes de moyens seraient résolus ! Madame la ministre les réorientations ne sont pas des échecs. Que ne dénonce-t-on le taux d’échec ou d’abandon en classe préparatoire au concours des Grandes Ecoles ou en STS ?
Non madame la ministre, l’État n’assure pas son obligation de fourniture de moyens pour le bon fonctionnement du service public d’enseignement supérieur et de recherche ! Au cours du dernier quinquennat le financement par étudiant a même été réduit entre 2014 et 2016 ! Nous devrions donc perdre encore quelques places au classement de l’OCDE !
Et ce n’est pas les 100 M€ octroyés au budget 2017 pour tenir compte de la hausse des effectifs étudiants entre 2014 et 2016 qui vont permettre aux établissements sous-dotés de sortir de l’austérité : la clé de répartition leur a généreusement octroyé 900 € par étudiant supplémentaire. Car non seulement l’État finance insuffisamment les établissements mais nous avons également un système d’allocation de moyens parmi les plus inégalitaires qui soientt : de 7000 €/étudiant en licence à l’université à 15 000 €/étudiant en CPGE et même jusqu’à 40000 €/étudiant dans certaines grandes écoles. Le système SYMPA reconnaissait ces inégalités de dotation historique en budget et en emplois (les taux d’encadrement varient de 1 agent pour 5 étudiants à 1 pour 20 et plus) mais il n’est plus appliqué depuis le passage aux RCE. Les PIA accentuent encore ces inégalités et les propagent au sein même des établissements entre laboratoires et entre collègues détruisant au passage ce qui reste de démocratie universitaire après les lois LRU et ESR. Madame la ministre vous engagez-vous à ce que le CNESER soit associé à la construction d’un modèle d’allocation des moyens et des emplois ?
Cette année alors que les candidats au baccalauréat finissent leurs épreuves, nous en dénombrons 7 % de plus qu’en 2016. Avec un taux de réussite de 80 % c’est plus de 50 000 étudiants supplémentaires qui rejoindront l’Enseignement supérieur à la rentrée 2017 !
Madame les personnels sont épuisés, ils travaillent le soir, le weekend et durant leurs congés, ils sont empêchés d’exercer leur mission de recherche par manque de ressources et de temps.
Une loi de finances rectificative en juillet est indispensable pour réussir la rentrée 2017, permettre de dégeler les postes.
« C’est ne pas s’interroger sur nos pratiques, que de proposer une sanctuarisation du budget qui n’intègrent ni la hausse des effectifs, ni celle du GVT, ni celle de l’inflation, ni même celle de tous les surcoûts générés par les réformes et les regroupements forcés. » Madame la ministre allez-vous convaincre le gouvernement de faire le pari de l’intelligence et considérer l’enseignement et la recherche non pas comme une dépense à contracter mais comme un investissement pour notre pays ? Et ce pour toutes les disciplines et pour tous les établissements sur tout le territoire national.
Madame, vous avez une mission : C’est restaurer à nouveau la grandeur de notre enseignement supérieur et de notre recherche : « make our research and university great again ! ».