Compte-rendu du Workshop « l’éthique de la recherche en psychologie et en sciences du comportement »
Toulouse 29 mars 2017
Rapport synthétique par Heidi Charvin
I. Intégrité scientifique et éthique : rapport Corvol, loi Jardé et décret sur le doctorat
Raphael Trouillet/Denis Brouillet
Le CERNI (Comité d’éthique sur les recherches non interventionnelles) est une instance permettant de garantir la déontologie des protocoles de recherche impliquant la personne humaine . Au sein du CERNI de Toulouse, différentes disciplines concernées. Quelles lois ? Bcp de CERNI ne donnent plus d’avis depuis la loi Jardé. Cependant, à Toulouse, cela continue.
Les CERNI constituent un Référent de l’intégrité scientifique dans les établissements.
Ethique : entre droit de la personne, la liberté de la recherche et les valeurs de la société.
Rappel loi Jardé : recherche sur l’humain. Homogénéiser la recherche à l’internationale/ comité d’éthique. On ne parle plus de recherche biomédicale mais impliquant la personne humaine RIPH commission nationale. Répartition aléatoire des dossiers entre les CPP. Powerpoint en ligne sur le Site de la SFP : http://www.sfpsy.org/spip.php?article406.
3 catégories de recherches :
- Interventionnelles
- Non interventionnelle et produits utilisés de manière habituelle.
- Soins courants
Questions/loi Huriet-Serusclat. La personne est une fin en soi ; dans la recherche, la personne n’est pas un but.
Question sur les protocoles
Le rapport Corvol : responsabilité des établissements.
Intégrité scientifique
Fabrication des données
Simplification des données
Bricolage des données.
Plagiat
Renforcer la question dans l’évaluation des HDR, présentation des connaissances du cadre éthique.
Les écoles doctorales doivent donner une formation à l’éthique et à l’intégrité scientifique
L’ANR va conditionner les financements de projets à une politique d’éthique et d’intégrité scientifique de l’institution bénéficiaire. L’HCERES accueille en son sein l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS).
Cette politique sera présente dans les prochaines visites HCERES.
Décret sur la formation doctorale : Introduction de la formation des doctorants à l’éthique et l’intégrité scientifique.
II.Ethique de la recherche en psychologie : Code Caverni et son actualisation
Jacques Py. Déontologie et éthique.
Intégrité scientifique placée sous le terme d’éthique. Or, le terme vient de l’américain qui conjugue les notions d’ éthique et de déontologie. D’où la mise en place de logiciels anti-plagiat. Les chercheurs juniors n’ont pas intégré le plagiat.
L’éthique de la recherche concerne le participant et doit faire l’objet d’une réflexion. Il doit pouvoir trouver un appui.
Travail d’un comité d’éthique ? Lequel ?
Code en 1961 produit par la SFP. Minimaliste. 1996 : rénovation du code qui apporte des éléments de plaintes sur des interprétations des articles du code de 1996, notamment sur le secret professionnel. Révision de 2012 satisfaisante.
Notion de consentement éclairé : expliquer les tenants et les aboutissants de la recherche. Bcp de recherche en psycho sociale cache la recherche.
Cœur de l’éthique qui est non abordé : rapport coût-bénéfice.
Comité éthique dans une société savante : SFP ? ou autre ? pas égale à la British society ou l’ APA.
Le CERNI né à Grenoble.
Comité d’éthique au sein des laboratoires ? Comment se distancier du relationnel ? Au niveau régional ? Conflits d’intérêts.
Pb de la mainmise médicale de la recherche française. Absence de culture SHS de la part des décideurs.
Code de la recherche en psychologie : anonymat des données et consentement éclairé, (distinction entre recherche et activité praticienne non traitée par JP).
Code de Nuremberg sur le crime contre l’humanité. 10 grandes règles présentes dans tous les comités d’éthique. Notion de consentement éclairé.
Connaissnce des risques encourus et possibilité de sortie de la recherche.
Question de rapports cout-bénéfices qui ne peuvent être certains. Les bénéfices doivent être supérieurs aux risques encourus. A qui doivent bénéficier les résultats : participant, chercheurs, la société ? Les risques sont pour le participant. La recherche doit bénéficier au participant. Risques mineurs ou risques sérieux ? Idem dans la loi Jardé. Mais ne discute pas des cas de recherches non interventionnelles qui génèrent un coût au participant.
Notion de consentement éclairé dans la recherche spatiale ? Etude des conséquences psychologiques du confinement au pôle Sud, des conséquences physiologiques de l’impesanteur. Risques trop importants. Face au défi posé, une réelle volonté politique pour constituer des savoirs.
Etude psychologique du confinement. Enfermement pendant 2 ans. Eloignement, autonomie, 20 mn de délai de communication avec la Terre. Quelles conséquences sur la santé psychique ? Questionnaires insuffisants. (HC : je confirme un questionnaire ne peut pas tout). 3 m2. La cellule de Mandela faisait plus que 3m2.
L’impesanteur : affectation de l’homéostasie sanguine, cardiaque, digestive, densité osseuse et masse musculaire. Tout remonte vers le haut du corps puis passage à une répartition équilibrée.
Quelles conséquences pour le sujet/consentement éclairé ?
Rapport coût / bénéfice ?
Commission d’éthique de l’ADRIPS
Code Caverni rénové : code de bonne conduite. Mais il manque le rapport coût- bénéfice.
- Réalité des risques
- Apport scientifique potentiel
- Utilisé sociale des éventuels résultats
- Caractère socialement exceptionnel des pratiques
III.Discussion
Eric Grillot Paris 3. Tendance générale. Affirmation péremptoire sur la part éthique qui se résorbe dans le dispositif juridique. L’intégrité scientifique ne peut être traitée juridiquement et déontologiquement. Bidouiller mes données par rapport à mes objectifs. Quelle dimension ? Protéger l’institution et ses représentants et ses objectifs et non ses participants. Faire la part des choses. L’âme et conscience de l’agent. Rapport aux injonctions ? Kant opère une distinction entre la légalité (conformité de l’action à la règle) et la moralité (conformité de la volonté à la règle).
Martine Bagener : triple casquette. A fait partie de la première délégation à l’intégrité scientifique. Pierre Corvol : président conseil scientifique de l’INSERM. A été Présidente du groupe de réflexion de patients à l’INSERM. Enjeux et liens : aspects déontologique et juridique mais pas d’éthique. Autre perspective pour les patients, credo pour une recherche non intègre et une recherche non éthique.
Raphael Trouillet : quel est le positionnement du chercheur par rapport à l’individu et à l’institution. Relation entre intégrité scientifique et éthique. Faire l’un sans respecter l’autre ? Quid de l’intégrité scientifique ? Distinction entre légalité et moralité ? Comment avancer ? Quel texte ? Comment monter un système ?
Jacques Py : qui peut traiter l’intégrité scientifique ?
Distinction entre l’erreur et le mensonge. Dans une recherche, le chercheur s’engage avec une marge d’erreur. Certaines finalités de connaissance de bonne foi. Questionnement du plagiat, du traffic de données/intégrité et éthique. Erreur possible, mais pas le mensonge.
L’académie des sciences a produit un rapport pour évaluer correctement une activité scientifique. Travailler sur le qualitatif et non le quantitatif.
IV.Quand y a-t-il personne ? L’éthique de la recherche au défi du consentement
Eric Grillo : philosophe, sociologue.
On ne fait pas du tort à celui qui donne son consentement. Objectif du consentement de protection de la personne. Donc, ambivalence du consentement.
Dans le cadre d’une recherche, il existe un certain nombre de présupposés par rapport à des situations concrètes.
V.Comment penser une éthique de la recherche en psychologie
Martine Bungener : économiste et sociologue. Présidente GRAM INSERM. Proposer comment réfléchir à la question. Il faut re-réfléchir les liens entre éthique et intégrité. Question du lien interpersonnel qui interfère sur le processus. Délégation à l’intégrité scientifique à l’INSERM. Il fallait une extériorité donc appel à M Bungerer.
Etudes des conséquences de l’atteinte de l’intégrité scientifique. Enjeux différents entre recherches chez l’humain et en bioéthique.
Nécessité donc de réfléchir aux nouvelles façons dont les acteurs de la recherche doivent recevoir la confiance. Appels aux associations. Elles souhaitent que tous les résultats de la recherche leur soient présentés.
Freins pour l’avancée des connaissances/fausses pistes. Quelles avancées ? Les atteintes à l’éthique sont intolérables. Le coût social est très très peu mesuré. Il est maintenant considéré comme amoral de ne pas se prêter à une recherche pour le bien commun. Les rétractions sont devenues importantes : 788 articles dans Pubmed entre 2000 et 2008.
A quoi consent-on ? Dimensions morales et philosophiques mais une partie de la recherche clinique se fait au sein des services cliniques les plus avancés. Plusieurs exemples. Cas d’un enfant atteint d’un cancer rare. Acceptation de le faire rentrer dans un protocole de recherche/ équipe connue depuis très longtemps. Son fils est décédé puis un mot maladroit de l’équipe soignante qui demandait la réutilisation des prélèvements de son fils. Un prélèvement peut-il être préservé après un décès. La demande a été vécue comme une violence et donc a conduit le père à une demande de récupération du prélèvement. Or, l’équipe a mis en avant le consentement pour refuser… Envisager la compréhension affective et subjective.
Autorisation d’accès aux données : mise à disposition. Institut de veille de santé publique avant de devenir l’AFSAT. Comment penser une mise à disposition éthique et déontologique des données ? 2 demandes : ressortir un échantillon de consentement et demander à la CADA ce qu’elle entendait par une mise à disposition éthique. Aucune question n’a jamais été posée. A -t-elle pensé à la mise à disposition prospective ? Ce qui a été signé comme consentement ne prévoyait pas cet aspect mais plutôt l’obligation de respect de consentement écrit. Distinction/loi Jardé. Si le consentement est contraire à la loi Jardé ou autre loi, il reste valide.
L’INSERM a mis en confrontation l’éthique en interrogeant les associations de malades. Le CPP a intégré en son sein des membres SHS mais également des associations de malades. Mise en place d’appel à candidatures parmi les associations : choix de 5 associations qui ont montré des implications volontaires dans le comité. La sélection d’associations s’est faite sur le principe de représentants d’une diversité de pathologies et de taille du nombre de membres (pathologies rares, par exemple).
Parmi les essais cliniques, des accords CPP (comité de protection de la personne) avec peu de retard de recrutement (acceptation de dossiers rapide) car soutien des associations de malades.
VI.Un dispositif existant : le modèle CERNI
Carole Peyrin. Psychologie. IRM fonctionnelle. CPP. CERNI de Grenoble.
Lien avec expérience de Milgram (1960-1963) / duperie-tromperie / ordre-autorité.
Balance bénéfices/risques. 3 types de risques psychologiques :
- Traumatisme /situation/stress
- Révélation de la duperie : perte de confiance
- Révélation que l’on peut faire du mal :estime de soi
Mise en place d‘une régulation éthique. Conformation / déclaration d’Helsinki puis de Tokyo. Les IRB aux Etats-Unis sur toutes les recherches. Code de l’APA (American Psychological Association) ou AMA (American Medical Association). Avis IRB nécessaire. Les revues sollicitent sur les avis pour publier. Pas de publication si l’article n’a pas reçu l’avis.
En France, il existe la loi Huriet pour recherche biomédicale. En 2004, création des CPP. Pas de recherche biomédicale sans CPP. Aujourd’hui, dans les journaux internationaux, il faut un avis CPP. Idem avis avec les Etats-Unis.
On a donc créé des comités d’éthique. Cas des CERNI comité de laboratoire puis SFR avec besoin d’avis d’éthique puis pleins de chercheurs en attente. Puis comité de l’IGA et enfin accréditation américaine.
Loi Jardé depuis novembre 2016. Ordonnance.
Recherche impliquant la personne humaine. Des dispositions communes. Nécessité de budgets pour les assurances. Contrôle préalable du CPP dans toutes les catégories. Raccourcissement avec délai de 40 jours. Arrivée de tous les dossiers Master, thèse, … Actuellement, les CPP sont encombrés. Problème de la promotion. Peu de chercheurs sollicitent les universités. Biomédical non interventionnel. Information pertinente préalable (consentement éclairé). Les décrets et ordonnances arrivent au fur et à mesure. Chapitre II : information de la personne en psychologie. Information préalable succincte. Mais définition de la catégorie 2 de contraintes minimes : EEG, EMG, MEG, électro-occulographie, mesures transcutanées, thérapie et psychothérapie, remédiation, entretiens, questionnaires.
Suspension temporelle du travail du CERNI. Contact avec Thierry Mandon. Courrier avec 20 questions. Affaires juridiques. Réponses laissant entendre que toutes les recherches ne sont pas concernées.
Jardé : Concerne les connaissances biologiques ou médicales.
STIC concernées : 2 critères : porter sur humain + être en vue dede connaissances biologiques et médicales. Loi européenne. Examen au cas par cas. Qui ?
Les techniques enregistrées (EEG, MEG, …) font-elles partie du biomédical ou non, selon si sans objectif biomédical. Pistes sur les critères.
Autres pistes : COERLE (comité éthique INRIA).
Recherche en cosmétique : ordonnance du 8 février 2017. Recours auprès du conseil constitutionnel pour sortir du cadre du décret. Cela a marché.
Autre proposition : un directeur d’établissement peut saisir la direction des affaires juridiques pour interpréter une loi.
Périmètre CERNI : ne se substitue pas au CPP. Nombre important de disciplines : psychologie, neurosciences, sciences langage, sciences de l’éducation ; staps, sciences de l’ingénieur, sciences médicales, informatique, robotique, droit.
3 activités :
- Evaluation du protocole
- Réflexions collectives
- Communication/expertise
Obligation : retrait si les membres sont du même laboratoire que celui du projet déposé ou si conflit d’intérêt.
Droit de suppression des données.
VII.Conclusion et perspectives
Institut national de veille sanitaire (INVS): responsabilité d’un établissement ? Porter l’interrogation auprès du législateur. Obligation de satisfaire à l’obligation légale ? Exceptions ? Avoir une direction d’établissement qui porte la demande. Intérêt que la question soit envoyée à l’INVS qui fera partie de l’Office de l’HCERES (idem CNRS et INSERM). Faire remonter ce type de question. Par rapport à l’INVS, question mal ressentie par l’INSERM. Comment construire les cohortes, si la base de données peut être supprimée ? Il faut que le consentement le précise. Si différentes institutions sont impliquées dans la recherche, il faut pouvoir croiser les données. Pluridisciplinarité. Relier les expériences.
Objectif du Worshop
Comment va-t-on procéder ? Sortir de la réunion d’aujourd’hui avec des propositions. On doit saisir la CPU. Saisir le ministère avec ce problème spécifique. SHS ou biomédical ? Décret pensé pour la Santé… Les SHS sont disloquées par ce manque de décentration de la réflexion et de mise en pratique réalisables sur leurs domaines de recherche.
Mener des actions par la discipline. Le CERNI de Toulouse a continué, même si « hors la loi ». Interpréter la loi. Les recherche en SHS sont-elles biomédicales ou non ? Donner l’avis sur le type de recherche. Quand données très sensibles, envoi vers le CPP.
Nécessité de formation des psychologues. La plupart ne se sentent pas concernés.
Faire appel aux sociétés savantes. Le CERNI a envoyé des questions. Se mobiliser tous sur ces questions. Faire un courrier qui fasse mouche. Diffuser le courrier. Les groupes CERNI peuvent-ils continuer à être sollicités ? Quels appuis ? La SFP (Société Française de Psychologie) soutiendra. Travail sur un courrier commun envoyé par la CPU, SFP, CERNI, FFPP (Fédération Française des Psychologues Praticiens), … Prendre un avis collégial pour construire une force de la position. Etre appuyés.