Si on reste dans le cadre de réflexion et des éléments de langage imposés par nos interlocuteurs, les solutions syndicales que l’on peut proposer ne nous permettent que de coller des rustines sur un service public de l’ESR qui s’éloigne de ses missions originelles.
Le groupe de travail s’est interrogé sur le concept de réussite étudiante, considérée comme une des missions de l’ESR.
Trois définitions de la réussite étudiante ont émergés :
- la réussite aux examens
- l’employabilité immédiate de l’étudiant, c’est-à-dire réussir à faire de l’étudiant un produit prêt à l’emploi dans l’Entreprise
- réussir la mutation de l’étudiant vers un professionnel autonome et un citoyen émancipé.
Le SNESUP-FSU fait sienne la dernière définition de la réussite étudiante.
Quelque soit la ou les définitions envisagées, définir la réussite étudiante renvoie automatiquement à définir l’échec étudiant.
Ce binôme réussite/échec induit un malaise chez les étudiants mais aussi chez les personnels de l’ESR et par conséquence sur les pratiques pédagogiques et les modes d’évaluations des enseignant.e.s et des enseignements. Le fait de prendre comme indicateur le binôme réussite/échec contribue à la mise en place de la logique entrepreneuriale conduisant à la destruction des missions de service public de l’université.
L’université devient un outil au service des entreprises et non plus au service de la construction de la société de demain. Nous avons un renversement de la « #HiérarchieDesNormes ».
Pour sortir de ce paradigme, nous devons réaffirmer les finalités de l’université, opérateur de transformation sociale:
- Appropriation par les étudiants de savoirs multiples ce qui implique une réflexion sur la multidisciplinarité, sur la hiérarchie des disciplines et sur l’ouverture des grandes disciplines fondamentales,
- Émancipation du citoyen/étudiant qui a pour vocation à devenir l’auteur-interprète de sa vie et non pas se réduire à être l’acteur d’un rôle imposé par l’Entreprise,
- Maintien et développement de la diversité des profils au sein de la communauté universitaire.
Ces finalités donnent tout le sens à notre rôle de fonctionnaire de l’ESR : il n’existe pas de priorité entre recherche et enseignement comme il n’en existe pas entre recherche appliquée et recherche fondamentale.
Quelles seraient les pistes de réflexion à poursuivre en travail des secteurs du SNESUP-FSU ?
- Comment réinventer l’Université ? Les structures opérationnelles actuelles des universités (Fusion, COMUE, …) renforcent le cadre ultralibéral de l’ESR et le déterminisme social de la réussite étudiante. La politique d’austérité budgétaire est un outil de structuration de l’université dans ce cadre contraint. C’est à la lumière de cette réflexion qu’il nous semble nécessaire d’analyser l’évolution des structures et des cartes de formation que l’on nous propose. L’accréditation et la soutenabilité budgétaire apparaissent comme les outils ultimes au service du paradigme de l’employabilité.
- Comment interpréter les blocs de compétences et comprendre le rôle des ingénieurs-pédagogiques ? Si le diplôme a pour but d’illustrer l’employabilité de l’étudiant pour un bassin d’emplois et un groupe d’entreprise, la logique des blocs de compétences devient évidente. Les fonctions des ingénieurs-pédagogiques, qui font actuellement débat (statut, objectifs de leurs missions,…), doivent être interrogées par l’ensemble de l’équipe pédagogique pour que ce métier acquiert toute sa légitimité. Si l’on sort de ce cadre et que l’on considère que le diplôme est une étape dans le cheminement de l’étudiant, la formation est alors un objet de recherche qui nécessite des équipes pédagogiques intégrant aussi des ingénieurs-pédagogiques. L’enseignant/chercheur est non seulement chercheur dans sa discipline mais aussi chercheur dans son enseignement. Dans le droit fil de cette réflexion, la formation initiale pédagogique des jeunes recruté.e.s est une nécessité qui doit être pleinement prise en compte tout comme celle de la formation continue des équipes pédagogiques.
- L’acquisition des savoirs et des connaissances nécessitent un temps long qui est incompatible avec la semestrialisation et l’atomisation des UE qui en a découlé. Réussir la démocratisation de l’ESR et diplômer 60 % d’une classe d’âge suppose en outre de revoir et d’adapter la pédagogie à la diversité des profils. Il faut une adaptation des parcours : il devrait être possible de proposer à un étudiant qui en a les capacités de valider une licence en deux ans, et à un autre qui a eu un autre parcours, de le valider en 4 ans et avec in fine le même diplôme.
- Le SNESUP-FSU est contre la sélection, qui induit la reproduction des inégalités sociales, mais cela ne signifie pas que l’université doive être "open bar". Les prérequis doivent être respectés. L’élaboration d’une cartographie (quels masters recrutent dans quelles licences) doit servir de base pour l’orientation.
Les interactions entre les questions de formations et de statuts des personnels méritent d'être explorer dans des travaux communs des secteurs dédiés du SNESUP-FSU.
La réflexion autour du thème 2 contribue à donner du sens et du dynamisme à notre action syndicale pour réinventer l’Université porteuse de ses missions originelles.
Vote: 21 pour, 7 contre, 14 abstentions, 1 NPPV
3 juin 2016