Le gouvernement socialiste acte la décentralisation de l'enseignement supérieur et de la recherche

Publié le : 21/01/2013


Le gouvernement socialiste acte
la décentralisation de l’enseignement
supérieur et de la recherche

Par Heidi Charvin, membre du bureau national,
secteur Recherche

Bien que le gouvernement ait promis d’introduire plus de démocratie et de collégialité,
l’importance donnée à la régionalisation et l’attribution des moyens à la Grande
Université, tourne le dos aux engagements.

D’ici à la fin du deuxième semestre 2013,
la nouvelle loi d’orientation de l’ESR
devrait être promulguée. Les prémices du
texte, dévoilés oralement avec un diaporama
par le MESR aux organisations syndicales
le 17 décembre dernier, sont loin des
échanges des Assises et de l’audition de
l’OPECST et enfin, des promesses orales
faites par la ministre. Voici en substance ces
propositions. 

S’agissant du point central de la structure
des établissements, la loi LRU ne serait pas
abrogée mais très légèrement amendée. La
volonté de garder l’ESR inscrite dans le
processus de Bologne, énoncée par Jean-
Marc Ayrault en discours d’ouverture des
Assises, le laissait présager. La promesse
d’introduction de plus de démocratie et de
collégialité dans la gouvernance se résumerait
en fait à un CA élargi pour les BIATSS et
les étudiants (élection à 2 tours de 40
membres environ) et issu de listes paritaires en genre. Les personnalités extérieures participeraient
à l’élection du président, mais
devraient être choisies collégialement. Le CA
ne traiterait plus que « la stratégie, le budget
et le management de l’établissement(1) ». Un
conseil académique, regroupant CS et CEVU,
dirigé par un président et un vice-président
étudiant élus, aurait un
pouvoir élargi sur le recrutement
et la recherche. Mais
un conseil des composantes,
issu des membres des
conseils des écoles et instituts,
serait créé pour
« élaborer et mettre en
oeuvre les décisions du CA ». Le SNESUP est
intervenu pour refuser la participation à
l’élection du président des personnalités extérieures,
refuser toute création de conseil
équivalente au sénat académique, demander
la réaffirmation du rôle du CT, contester la
nécessité d’un conseil de composantes et,
l’absence de modification de la liste des
grands domaines, qui maintiendrait les SHS
dans un rôle subalterne au sein des structures
décisionnelles. 

La régionalisation rentrerait par la grande
porte au travers de la décision de regrouper
les établissements (fusion ou fédération ou
confédération) d’ici à 2014 en une trentaine
de Grandes Universités (GU) pluridisciplinaires,
à l’instar de Strasbourg, Aix-Marseille
ou Lorraine (les PRES seraient abrogés).
Chaque GU aurait le statut d’EPCSCP et serait
hiérarchiquement organisée avec, en son
centre, les établissements qui deviendraient
des composantes, puis les établissements
intégrés (grandes écoles…) et enfin, les
établissements rattachés (établissements
privés…). 

Cette structure reproduirait celle des établissements
avec son CA élargi (mais comprenant
50% d’élus seulement) et son conseil
académique. La fonction des GU serait de
définir la politique de recherche et de formation
régionale dans le cadre d’un contrat
d’objectifs, de moyens et de répartition
tripartite État-Région-Grande Université. L’entrée
des régions répond à une revendication
de ces dernières consécutive à un soutien
financier croissant envers les établissements du supérieur, compensant le désengagement
de l’État mais sans contrepartie. Chaque
GU fonctionnerait sur le principe de droit
commun et de subsidiarité. Inscrire un tel
principe dans la loi demande de revenir sur
les compétences élargies des établissements,
ce que le SNESUP appelle bien évidemment
de ses voeux ! Les moyens
seraient donc attribués non
plus aux établissements mais
à la GU, élément-clef contre
lequel nombre d’entre nous
ont lutté lors de la constitution
des PRES et Fondations.
De même, si la politique de
recherche et de formation est relativement
non concurrentielle entre secteurs disciplinaires,
qu’en serait-il dans le cadre de la
fusion entre établissements pluridisciplinaires
? La GU devrait-elle arbitrer la répartition
des sites de formation et de recherche ?
Après accréditations/habilitations quinquennales
des laboratoires et des formations
? Plus largement, quel équilibre de
répartition géographique des sites ? Compte tenu
de la disparité financière, géophysique
et démographique entre régions, il serait
extrêmement dangereux que le curseur de
répartition soit au niveau régional.
Le point central d’achoppement est le financement
de l’ESR : le MESR n’entend pas
reprendre la gestion de la masse salariale, le
financement pérenne des laboratoires est réaugmenté
d’un petit 73 M€ pour 2013, ne
permettant pas l’embauche de fonctionnaires,
le financement sur projet reste concentré sur
un tout petit nombre de secteurs de
recherche et aucune loi de programmation
budgétaire n’est actée.
Cette première mouture, bien que reconnue
comme perfectible par les membres du
cabinet ministériel, donne l’image de
l ’« accouchement d’une souris », post- et
pro- loi LRU, basée sur la régionalisation
partielle de la gouvernance, sans réelle
refonte salutaire de l’ESR. Quel gâchis !  

(1)  http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/
article/2013/01/14/genevieve-fioraso-veutremodeler-
l-offre-universitaire_ 1816537_1473692.html

 

GLOSSAIRE 

ANR : Agence Nationale de la Recherche 

BIATSS : Personnels des Bibliothèques,
Ingénieurs, Administratifs, Techniciens
de Service et de Santé 
CNESER : Conseil National de
l’Enseignement Supérieur Et de la
Recherche 
CRCT : Congé pour Recherche ou
Conversion Thématique 
CSRT : Conseil Supérieur de la Recherche
et de la Technologie 
CNU : Conseil National Universitaire 
EPCSCP : Etablissement Public à Caractère
Scientifique, Culturel et Professionnel 
GdR : Groupement de Recherche 
GIS : Groupement d’Intérêt Scientifique 
GU : Grande Université 
EPST : Etablissement Publics Scientifiques
et Techniques 
LRU : Liberté et Responsabilité des
Universités 
MESR : Ministère de l’Enseignement
Supérieur et de la Recherche 
OPECST : Office Parlementaire
d’Evaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques 
UMR : Unité Mixte de Recherche