courrier adressé aux présidents d'université sur la situation budgétaire dans les établissements d'enseignement supérieur (novembre 2012)

Publié le : 19/11/2012

Paris, le 19 novembre 2012

 

A Mesdames et Messieurs les Président.e.s d'Université

Madame la Présidente, Chère Collègue,
Monsieur le Président, Cher Collègue,

Au lendemain de la remise du rapport Gallois et de la conférence de presse du chef de l'État annonçant une augmentation de la TVA et la multiplication des mesures de crédit d'impôts censées relancer la compétitivité sans réelle contrepartie en matière d'emploi, le contexte est à l'austérité. Ces mesures s'accompagnent de l'annonce de nouvelles coupes dans les dépenses publiques...

L'enseignement supérieur n'est pas épargné. Si le budget global est en augmentation de 2,2 %, les prévisions de budget dans les établissements et les laboratoires sont loin de permettre d'en assurer le financement. Plus grave, elles font apparaître des diminutions de crédits au détriment des formations et de la recherche. Stable en valeur, le budget de la MIRES 2013 inclut les cotisations en augmentation pour les pensions. Il est basé sur un glissement vieillesse technicité (GVT) prévu à zéro et intègre des montants engagés sous la précédente législature. Dans les faits, les dotations budgétaires des établissements vont accroître les restrictions (gels d'emplois, suppressions d'heures d'enseignement, investissements reportés...).

L'annonce de la création des 1000 emplois, bienvenue dans les établissements, doit être assortie de garanties quant à leur financement et à leur nature. Or, le courrier de la directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle, récemment adressé aux membres du CNESER, annonce une répartition préparée en amont avec la seule CPU, de seulement 80 % de la masse salariale (791 emplois valorisés chacun à hauteur de 57 200 € en année pleine), renvoyée à une mise en œuvre conditionnée par l'autonomie financière des établissements et la signature d'avenants aux contrats d'établissement et l'utilisation des 20 % restants pour l'alimentation d'un « fond contractuel »...

La nécessaire résorption de la précarité dans l'enseignement supérieur et la recherche rend urgente la création d'emplois de titulaires à la hauteur des enjeux, Les non-renouvellements de contractuels, leur interdisant d'être éligibles à la titularisation et à un contrat à durée indéterminée, doivent être stoppés. En outre, ces 1000 emplois (dont 20 pour l'enseignement agricole) sont à mettre en regard avec les près de 1500 emplois gelés et avec les plus de 3000 supprimés depuis 2008 (cf. Cour des comptes). Dans certaines universités, le gel d'emplois demandé par le recteur dépasse les créations d'emplois.

Quinze présidents d'universités se sont adressés il y a quelques jours à la ministre de l'enseignement supérieur. Faisant un constat sévère de la mise en œuvre de la loi « liberté et responsabilité des universités », ils ont choisi de dissiper l'écran de fumée d'une autonomie qui n'en a que le nom, et d'exprimer la situation de pénurie dans laquelle tout l'enseignement supérieur est plongé. Refusant de réduire le nombre de postes, de diminuer les crédits de formation et de recherche, ils demandent à la ministre de « repren[dre] la gestion de la masse salariale et des postes des personnels titulaires »... Ce cri d'alarme confirme nos analyses portées depuis 2007 et notamment notre refus des RCE, et, loin de pointer la situation de quelques établissements, il alerte sur l'état dramatique global dans lequel est laissé le service public d'ESR et sur le sort réservé à toutes les universités d'ici 2014 si rien n'est fait. Nous saluons cette expression plurielle de présidents ne souhaitant pas accroître le fossé entre leurs exécutifs et la communauté.

Si la ministre reconnaît ne pas découvrir la situation budgétaire difficile et les inégalités entre établissements, sa réponse confirme sa conception de l'autonomie de gestion des personnels des universités devant « ...quelle que soit leur taille, assum[er] à terme les évolutions de leur pyramide d'emplois et de leur masse salariale », alors que nous demandons un retour à la gestion nationale des personnels titulaires. Nous nous interrogeons sur les récentes déclarations de G. Fioraso, à contre-courant des besoins de formation et de recherche nécessaires en particulier pour la relance de la démocratisation de l'enseignement supérieur. Vouloir instaurer « le suivi obligatoire d'un cours dédié à l'innovation et à l'entrepreneuriat dans toutes les formations de l'enseignement supérieur », est non seulement choquant pour des personnels attachés au développement de l'enseignement supérieur indépendamment de toute pression et au service des besoins sociaux, mais est également inconsistant et dispendieux.

A la veille de la synthèse nationale des assises de l'ESR, à un mois de la présentation des répartitions des dotations des établissements au CNESER en décembre, à quelques mois d'une nouvelle loi sur l'ESR, de réels changements sont attendus. Cette prise de conscience salutaire ne demande qu'à être élargie, tant les tensions dans les établissements et les attentes de la communauté sont importantes. Le SNESUP appelle à voter contre des budgets qui ne permettent pas aux établissements d'assurer les missions qui sont les leurs.
Amoindrir dans l'opacité le potentiel de formation et de recherche fragilise le potentiel scientifique du pays. A l'inverse, rendre visibles les difficultés et exprimer sincèrement les déficits budgétaires dans lesquels se trouvent les établissements, et les choix impossibles qu'entrainerait la recherche de budgets en équilibre à tout prix, sont de la responsabilité des conseils d'administration et des présidents d'université. Nous vous appelons à faire ce choix. Vos collègues, les personnels et les étudiants de vos établissements sont lucides des conditions d'enseignement et de recherche qui se dégradent. Ils attendent des expressions en phase avec leur perception de leurs conditions de travail.

Dans l'attente d'échanges plus approfondis sur un sujet qui mérite d'y consacrer le temps nécessaire, veuillez agréer madame, monsieur, l'assurance de notre considération.

Stéphane TASSEL
Secrétaire Général du SNESUP