Lettre Flash n°43 : madame la ministre

Publié le : 04/07/2012


 

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Madame la Ministre...

Les personnels de l'Enseignement Supérieur et la Recherche ont vu, ces cinq dernières années, les conditions d'exercice de leurs missions se dégrader profondément, leurs libertés scientifiques et pédagogiques entravées, le tissu universitaire se disloquer, la précarité exploser, la bureaucratie les détourner de leurs missions... Si les réformes de fond nécessitent du temps et de la concertation, certaines mesures doivent être prises en urgence : dénonciation des conventions Etat-Idex, suspension des SATT, arrêt des gels d'emplois, recrutements exceptionnels, revalorisation des salaires, maintien dans l'emploi des contractuels en CDD, notamment de ceux éligibles à la stabilisation (loi 2012-347) et amélioration des conditions d'accès à la titularisation, paiement du dixième mois de bourse ...

La formation des enseignants sinistrée par le gouvernement précédent exige une attention toute particulière et des mesures immédiates. Un régime transitoire, le plus bref possible, est à mettre en œuvre dès la rentrée 2012. Des mesures d'urgence concernant la formation des enseignants et les concours doivent préfigurer la nouvelle réforme et ouvrir ainsi la réflexion de fond que nous attendons. La liste de nos propositions et exigences est ambitieuse, elles engagent l'avenir du service public d'enseignement supérieur et de recherche.

Alors que les déclarations du Premier Ministre ne semblent envisager aucun collectif budgétaire et même si la Cour des comptes n'exclut pas des restrictions dans le budget de la MIRES, des marges de manœuvre existent, en particulier en réaffectant des crédits de l'ANR et du CIR à la MIRES. Un collectif budgétaire est un impératif.
Récemment installé après l'élection de François Hollande, le gouvernement dont vous faites partie a mis en perspective deux lois d'orientation concernant l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur et la recherche. Nous considérons comme essentielle une réflexion approfondie sur leur articulation, en particulier un lien renouvelé entre le lycée et l'université, justifié à lui seul par l'objectif de démocratisation de l'enseignement supérieur. Une urgence économique et sociale est celle de qualifications de haut niveau, reconnues, nourries par ce qui fait la richesse de l'université: la recherche. Dès l'entrée à l'université, le lien entre les formations et la recherche est la condition de l'actualisation constante des connaissances et la garantie d'une pratique réflexive et émancipatrice du savoir. Nous sommes porteurs de propositions pour le cycle licence et le post-bac en général qui visent à faire parvenir le plus grand nombre possible d'étudiants au plus haut niveau de qualification et qui rompent en particulier avec la conception de collèges universitaires de premier cycle, sous contrôle des Régions, déconnectés de la recherche, promue par le précédent gouvernement.

Vous avez annoncé l'écriture, début 2013, d'une nouvelle loi d'orientation de l'enseignement supérieur et de la recherche se substituant à la loi de programme pour la recherche de 2006 et à la loi LRU. Vous avez également indiqué la méthode que le gouvernement entend mettre en œuvre à cet effet (assises régionales suivies d'assises nationales). La tenue d'Assises fait écho à une des demandes anciennes du SNESUP, celle d'un grand débat national. Faire de ces débats un cadre de réponse aux revendications de la communauté universitaire et scientifique est un enjeu majeur pour le SNESUP, première organisation syndicale chez les enseignants du supérieur. Nous y mettrons toute notre expertise et notre énergie. Contrairement à ce qui s'est passé en 2004 après les États Généraux de la Recherche, le débat démocratique que nous souhaitons voir organisé ne devra pas être confisqué ou détourné.

Nous avons exprimé l'exigence que ce processus d'assises soit ouvert à la représentation des établissements, des organisations syndicales en tenant compte de leur poids respectif, ainsi qu'à la société civile. Il est nécessaire que soit constitué un comité de pilotage indépendant du gouvernement qui respecte ces principes. Si des dépêches de presse font état de modalités d'organisation autour de quatre axes (« les relations entre la science et la société, les conditions d'études des étudiants, l'organisation de l'enseignement supérieur en lien avec le troisième acte de la décentralisation et enfin la recherche et sa valorisation »), pour le moment, outre son effectif, relativement réduit, et le choix d'un « scientifique de renom » pour le présider, un grand flou demeure sur sa composition. Nous réitérons notre demande que ce comité de pilotage définisse, dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur le service public national d'enseignement supérieur et de recherche, les thématiques traitées (missions, institutions, questions financières, dimensions pédagogiques, organisation de la recherche, et les conséquences pour les personnels et leurs conditions de travail), ainsi que les périmètres géographiques adéquats permettant d'associer largement la communauté universitaire. Nous insistons particulièrement sur ce dernier point et l'organisation de débats locaux au plus près des collègues.

Conformément à une conception rénovée du dialogue social portée par votre gouvernement, le SNESUP-FSU, premier syndicat des enseignants du supérieur, doit être étroitement associé aux missions et travaux du comité de pilotage national et de ses déclinaisons locales.

Pour s'en tenir aux principes régissant ces assises, deux points sont importants

1- Sans chercher à les verrouiller et pour en faciliter la synthèse, il semble important de définir des thèmes aux spectres larges répondant à la définition et aux missions d'un service public national d'enseignement supérieur et de recherche, pouvant y inclure certaines priorités du gouvernement, mais ne se réduisant pas aux quatre axes précédents.

2- Des Assises articulées en deux temps :
Un premier, de dimension locale, sur des territoires liés aux sites d'enseignement supérieur et de recherche, permettant à la fois une expression au plus près de ses acteurs sur les thèmes précités et un « brassage » des types d'établissements, des disciplines, ou des catégories de personnels. Le second, national, qui discuterait le rapport proposé par un comité de rédaction, composé du comité de pilotage élargi à des représentants des assises locales.

Le périmètre d'un tel texte législatif nécessite d'y consacrer le temps nécessaire. Nous n'avons que trop souffert d'une politique où l'urgence était érigée en argument définitif pour imposer des choix rejetés majoritairement par la communauté. Cela n'empêche en rien les nécessaires mesures urgentes que le gouvernement doit prendre pour affirmer sa volonté de remplacer les structures, les modes de financement et les finalités de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la Ministre, la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche attend de réels changements. Elle n'entend pas être mise de côté. C'est pourquoi nous demandons à être consultés avant toute annonce sur l'organisation des Assises. Le cadre législatif imposé notamment par la loi LRU fait voler en éclats tous les cadres réglementaires nationaux, vecteurs d'égalité sur le territoire. La liberté, la créativité, le développement des connaissances, le droit à la recherche, la collégialité, la démocratisation de l'enseignement supérieur, l'implication de la communauté universitaire nous engagent dans la reconquête de ce qui nous a fait choisir le service public. Il faut dégager un horizon dans lequel les étudiants, les enseignants du supérieur, tous les personnels... dans leur diversité puissent enfin se projeter avec sérénité.

C'est d'une rupture franche et de l'engagement de changements nécessaires pour l'égalité, la démocratie, les moyens de base, la création prioritaire d'emplois publics, dont ont besoin l'enseignement supérieur, la recherche, ses personnels et les étudiants. Les assises de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche doivent être l'occasion de dessiner les orientations d'un texte de loi satisfaisant ces exigences.

Je vous prie d'agréer, Madame la Ministre, l'expression de ma haute considération.

Stéphane TASSEL - Secrétaire Général du SNESUP-FSU