Sans se préoccuper des conséquences sur l'organisation pédagogique globale des formations, le ministère a choisi de mettre en place de nouvelles dispositions très éloignées de l'objectif d'améliorer la réussite en licence.
L’article 26 du nouvel arrêté licence -qui ne faisait pas partie du projet de texte soumis au CNESER du 12 juillet et n’a donc fait l’objet d’aucune concertation - définit un calendrier d’application de cet arrêté qui va mettre les établissements et les équipes pédagogiques en grande difficulté pour les prochaines années. Selon ce calendrier, l’entrée en vigueur de l’arrêté est reportée à la rentrée 2012. Cependant, cet article prévoit deux exceptions importantes : les dispositions de l’article 16, qui instituent la compensation « entre deux semestres immédiatement consécutifs » et l’interdiction des notes éliminatoires, entrent en vigueur dès le 12 août 2011 et se cumulent donc avec les dispositions de l’arrêté d’avril 2002 pour l’année universitaire 2011-2012 ; à l’opposé, le volume horaire minimal de 1500 heures introduit par l’article 6 peut voir sa mise en oeuvre davantage retardée (jusqu’à la rentrée 2014).
Dès cette rentrée, les modifications concernant les modalités de contrôle des connaissances (applicables dès septembre 2011 alors que leur interprétation précise est encore loin d’être claire) mettent les personnels devant de nombreuses difficultés pour lesquelles rien n’a été anticipé. Les équipes pédagogiques doivent notamment proposer et faire adopter « au plus tard à la fin du premier mois de l’année d’enseignement » (selon l’article L. 613-1 du code de l’éducation) des modalités de contrôle des connaissances conformes à la nouvelle réglementation et modifier en conséquence le paramétrage du logiciel APOGEE dont la complexité et le manque de souplesse sont bien connus.
De plus, pour la rentrée 2012, tout ce travail devra être repris pour mettre en place la nouvelle réglementation résultant de l’abrogation de l’arrêté d’avril 2002 qui fera notamment disparaître le droit à « la poursuite des études dans un nouveau semestre […] pour tout étudiant à qui ne manque au maximum que la validation d’un seul semestre de son cursus » et avec lui le statut d’AJAC (i.e. AJourné Autorisé à Continuer) qui en avait été la conséquence.
La possibilité - déjà présente dans l’arrêté de 2002 - de mettre en œuvre « sur proposition du conseil des études et de la vie universitaire adoptée par le Conseil d’administration, un dispositif spécial de compensation » est intégralement reprise dans le nouvel arrêté. Cette dernière disposition a été utilisée dans la très grande majorité des établissements pour mettre en place des modalités de compensation complémentaires à la seule compensation entre les unités d’enseignement d’un même semestre prévue par l’arrêté de 2002. En l’absence de tout cadrage national, cela a donné lieu à une grande disparité de dispositifs : compensation annuelle, entre les quatre premiers semestres, entre les deux derniers semestres… Alors que, comme le réclame le SNESUP, la conception de tels dispositifs devrait être subordonnée aux objectifs pédagogiques globaux de la formation, aucun bilan concerté de la mise en œuvre de ces dispositifs n’a été fait et le ministère a délibérément choisi de mettre en place de nouvelles dispositions en faisant abstraction de leurs conséquences sur l’organisation pédagogique globale des formations.
À la lumière du fonctionnement actuel des formations et contrairement à ce que les organisations étudiantes ont laissé entendre, le plus probable est que, parmi les ex-AJAC (i.e. les seuls étudiants concernés), le nombre d’étudiants qui « bénéficieraient » - bénéfice tout relatif du point de vue pédagogique - de la compensation annuelle sera très restreint, la plus grande partie d’entre eux étant destinés à basculer dans le statut d’ajourné/redoublant. Alors que les conséquences de la semestrialisation en termes d’organisation des formations n’ont jamais été sérieusement prises en compte - notamment le coût insupportable par la quasi-totalité des établissements de l’organisation de semestres décalés (i.e. répétition des enseignements de premier semestre au deuxième semestre de l’année universitaire) -, la mise en œuvre du nouvel arrêté à la rentrée 2012 laisse entrevoir une augmentation importante du nombre d’étudiants qui seront dans des situations pédagogiques aberrantes (par exemple, redoublement de la première année avec premier semestre validé) et totalement contre-productives dans un objectif d’amélioration de la réussite en licence.
Le nouvel arrêté licence. Les effets néfastes du calendrier d'application
Publié le : 12/10/2011