[Article du dossier "Pédagogie et didactique à l'université : des questions vives" de la revue Former des Maîtres n°593 de mars 2011]
- par Bernard Vitoux, directeur du CIES de Lorraine, animateur de l’Assemblée des directeurs de CIES, Faculté des Sciences et Technologies de Nancy, Université Henri-Poincaré
Bernard Vitoux interpelle la communauté universitaire sur les conséquences de la fermeture programmée des CIES et sur les moyens de continuer à relever les défis de la formation professionnelle des enseignants du supérieur.
Créés en 1989, les Centres d’Initiation à l’Enseignement Supérieur (CIES) fermeront leurs portes le 31 août 2011 à l’issue de l’année universitaire en cours. En 22 ans d’existence, ils auront accueilli et formé plus de 40 000 doctorants moniteurs, ainsi que quelques milliers de doctorants contractuels chargés d’enseignement (DCCE) dans la période la plus récente. De pair avec la mise en oeuvre du monitorat de l’enseignement supérieur, les CIES ont été conçus pour préparer les doctorants bénéficiaires d’une allocation de recherche ministérielle aux fonctions d’enseignantchercheur. Beaucoup parmi les moniteurs ont été ensuite recrutés par les établissements d’enseignement supérieur, et nombre d’entre eux occupent désormais des fonctions importantes.
Parmi les caractéristiques spécifiques aux 14 CIES, il convient de noter leur légèreté structurelle (un directeur accompagné d’une ou deux assistantes) ainsi que leur positionnement extérieur aux périmètres universitaires traditionnels, avec en corollaire une relation directe et privilégiée avec le ministère. Durant deux décennies, les CIES se sont adaptés en permanence aux évolutions pédagogiques, logistiques et sociétales de l’enseignement supérieur, tout en maintenant le cap sur l’essentiel : favoriser l’émancipation des talents des doctorants et le décloisonnement des cultures disciplinaires. Socle primordial de cette dynamique de portée nationale, le réseau des 14 CIES a non seulement créé des liens durables de forte convivialité entre tous les acteurs concernés, mais aussi permis un formidable partage d’expériences et de pratiques.
Côté bilan, trois missions d’études confiées à l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) ont évalué les CIES en 1992, 1998 et 2009. Disponible sur internet, le rapport le plus récent brosse un tableau élogieux du fonctionnement actuel, en insistant sur le rapport qualitéprix incomparable de ces structures à la fois peu coûteuses, efficientes, et innovantes bien avant l’heure en matière d’autoévaluation. Il faut également souligner combien ce document met en avant l’importance de la motivation et de l’engagement des acteurs au regard des succès obtenus. N’est-il donc pas absurde de programmer la disparition des CIES au moment où leurs mérites, performances et adaptabilité sont à ce point vantés ?
Plus que le contrat doctoral, qui met un terme au statut de moniteur et entraîne mécaniquement la fermeture des CIES, c’est l’autonomie offerte aux universités, via la loi LRU, qui est en réalité la cause première de leur disparition. Appliquant cette autonomie à l’organisation des formations doctorales destinées aux DCCE, les établissements sont désormais en demeure de repositionner le savoir faire des CIES au sein de structures dont la liste est révélatrice du désarroi ambiant : écoles doctorales, collèges doctoraux, Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), Services Universitaires de Pédagogie (SUP), départements de formation continue ou encore IUFM.
Que penser de cette évolution ? À l’évidence, les points forts des CIES, à savoir cohésion et légitimité à l’échelle nationale, vont très probablement s’effondrer dans le nouveau dispositif. On y trouvera des formations disparates, soumises à une logique d’arbitrages essentiellement locaux. De fait, les transferts récents de compétences, opérés par certaines universités vers divers services prestataires internes, laissent augurer d’un paysage complètement hétéroclite à terme. Ceci étant, partout en France, des acteurs de terrain motivés et lucides continueront de porter haut et fort cette mission, l’essentiel étant de les fédérer en urgence dans un nouveau tissu relationnel se réclamant ouvertement de l’héritage légué par les CIES.