(Réunion du 10 avril du collectif " Formation des enseignants " du SNEsup)
François Bouillon, membre du SN, responsable du secteur Formations Supérieures
10 avril 2003
Au lendemain de la communication ministérielle du 9 avril sur la réforme de la formation, le collectif " Formation des Enseignants " a examiné le texte de l'intervention de Luc FERRY avec le souci de dégager la logique des orientations ministérielles, de repérer ce qui pourrait servir de point d'appui à une réforme réellement efficace et d'identifier les points qui, lors de discussions à venir, pouvaient être des raisons de blocage.
Le résultat de ce travail est préoccupant.
Si le ministre a lissé son discours à la suite de la mobilisation des personnels et remis sa réforme à la rentrée 2004, rien dans sa communication présentant les axes des modifications qu'il entend apporter n'est susceptible de nous satisfaire sur le fond,
Les principes énoncés sont hors de toute finalité et démarche éducative acceptable.
Le SNESup ne reconnaît pas dans les propositions ministérielles les orientations du " rapport Bancel " qui avait donné une orientation pédagogique à la formation des enseignants que nous approuvions dans ses fondements même si nous étions alors réservés sur certaines formes de sa mise en œuvre.
Alors qu'une réforme de la formation devrait permettre de progresser dans la ligne tracée par ce rapport, les mesures préconisées par Luc FERRY s'inscrivent dans une logique radicalement différente.
1. Il est évident que cette formulation - sur laquelle l'attention du ministre avait déjà été attirée lors de précédentes rencontres - signifie clairement une révision à la baisse des intentions de formation. Un enseignant doit évidemment en savoir plus que les programmes qu'il doit enseigner. Il doit avoir des connaissances sur la transmission des savoirs et leur appropriation par les élèves, sur l'éducation et ses valeurs, sur le développement de l'enfant et l'adolescent ....
2. Dire que " la formation théorique solide " est reçue " pour l'essentiel à l'Université ", c'est entériner une coupure radicale entre théorie/pratique, la première étant confiée à l'Université, la deuxième à l'IUFM.. Affirmer qu'un enseignant doit " ensuite se familiariser progressivement avec la façon dont ces connaissances théoriques peuvent être enseignées " ; qu'il doit enfin " s'initier à la pratique de son métier auprès des élèves ", c'est dire qu'il n'y a pas de connaissances professionnelles à acquérir. Il n'y a qu'une "façon " d'enseigner avec laquelle il s'agit de se " familiariser " et non un métier qu'il convient d'apprendre.
3. Pour nous, apprendre ne se réduit ni à une familiarisation, ni à une pratique, ni à une initiation, mais requiert l'accès à des savoirs sur les pratiques et à une réflexion sur celles-ci.
4. La préparation des concours se ferait sans lien avec la formation professionnelle de 2° année ce qui est contradictoire avec les besoins de progressivité de la formation.
La rénovation nécessaire des concours ne peut se limiter à les organiser autour d'une vérification d'une vérification de la connaissance du contenu des programmes. L'année de préparation au concours doit intégrer des éléments d'une véritable formation professionnelle. Les épreuves du concours doivent intégrer cette dimension professionnelle.
Vérifier la représentation que les candidats se font du métier (s'assurer qu'ils ne se font pas de celui-ci une représentation inexacte) ressemble à une épreuve de " normalisation et de conformité" qui correspond bien à la logique ministérielle repérée ci-dessus mais qui est tout à fait inacceptable pour nous.
L'idée est juste dans sa généralité, mais on aurait ici aimé trouver une référence à la nécessité de développer la " pré professionnalisation " dans l'ensemble des études universitaires et plus de cohérence de l'ensemble des propositions en matière de continuité de la formation. Nous avons, à plusieurs reprises, abordé cette question dans nos contacts avec le ministère.
L'intention est juste. Le développement du vivier de candidats répond à une nécessité " démographique ".
Actuellement, la reconnaissance des qualifications acquises au cours de la formation en IUFM est insuffisante. Une réflexion sur les modalités de la reconnaissance universitaire de ces formation est souhaitable. Mais il ne faut pas négliger, sur cette question, les risques encourus pour le maintien, à terme, du mode de recrutement par concours en cas de la validation des préparations sous forme de crédits. Voir article dans FDM n° 23 : " Et si c'était ça l'enjeu ".
Les aides et allocations pour préparer les concours sont quasi inexistantes.
Leur rétablissement serait pourtant un solide et sérieux moyen de développer l'attractivité des concours ! Ne peut-on recréer des filières des pré recrutement à partir de bac+2 (cf. les IPES autrefois).
A l'inverse, il est tout à fait inadmissible que des voies de recrutement à Bac +2 soient ouvertes.
Le modèle séquentiel de la formation brise toute perspective de progressivité.
Par ailleurs, allonger la durée de stage en responsabilité en deuxième consacre la rupture et n'a rien de " progressif ".
On ne peut accepter de gager le retour en formation au cours des premières années par un alourdissement des stages en responsabilité en 2ème année. Le ministre ment par omission en ne disant pas clairement comment il va financer ces retours.
Une formation professionnelle ne se réduit pas à la réponse aux demandes des formés. Elle requiert l'analyse des besoins en formation en fonction des finalités éducatives.
La présence dans un établissement ne peut que donner de simples aperçus sur un terrain singulier et ne permet pas de construire la capacité d'analyser des situations plus complexes et diversifiées.
Il s'agit d'apprendre un métier et non simplement de le découvrir.
Les handicaps sont multiformes, certains handicaps physiques ou moteurs ne doivent pas empêcher les élèves d'être accueillis dans la communauté scolaire. La formation des enseignants doit, de toute manière, prendre en compte la singularité des personnes. La formation initiale doit répondre à cette exigence.
Certes, on ne peut que le souhaiter. Mais comment le faire avec des temps de formation qui iront en diminution !
On voit clairement apparaître ici que l'opération de recentrage de la formation est bien, en fait, une opération visant à son allégement.
Si on ne parle pas clairement de la suppression du mémoire, on envisage bien sa redéfinition, dans une perspective de l'allégement annoncé des évaluations. Cela laisse tout craindre. Sans le dire explicitement, on indique bien (dernière phrase du §) qu'un bilan de formation remplacera le mémoire. L'intérêt d'un bilan de formation rédigé dans les dernières semaines de la formation peut être argumenté dans la mesure où cet exercice peut, par exemple, conduire à la formulation d'un projet de formation continue. Pour autant il ne peut pas se substituer à un mémoire qui a une tout autre finalité.
Une meilleure intégration dans les équipes des conseillers pédagogiques et des maîtres formateurs serait une bonne chose. Nous avons toujours soutenu la nécessité de constituer, pour encadrer la formation, des équipes pluricatégorielles.
Pour autant, ce n'est pas l'affirmation selon laquelle les établissements devront devenir des lieux de formation qui peut permettre de réaliser cet objectif.
Quels moyens administratifs, techniques et financiers seront-ils mobilisés à cette fin ?
La création d'un réseau d'établissements qui répondrait aux " besoins de formation " - et non plus aux besoins d'encadrement - relève d'un besoin réel.
L'annonce de cette création - dont l'idée n'est pas nouvelle - telle qu'elle est formulée dans le contexte général de cette communication, relève de la propagande.
En allongeant la durée de la responsabilité en deuxième année on rend en effet plus aléatoire encore qu'aujourd'hui la possibilité de mettre en place ce réseau à proximité des IUFM.
Par ailleurs, on ne peut que dénoncer la volonté de transférer, à terme, la formation des enseignants sur les établissements scolaires, l'isolant ainsi définitivement de l'université.
Compte tenu de l'allongement de la présence sur le terrain, il sera difficile, voire illusoire, d'envisager des échanges internationaux qui ne peuvent se limiter à l'Europe. Où sont les trois années de formation dont parle le projet ?
La volonté de prise en main de la formation par l'autorité centrale, via les recteurs et les corps d'inspection, est clairement exprimée : " Il est nécessaire que l'institution puisse faire valoir ses objectifs et ses priorités ". Le rappel des textes actuellement en vigueur, selon lesquels le C.A conduit la politique générale de l'établissement, perd tout son sens dès lors que la nécessité de donner la priorité aux objectifs de l'institution est posé comme un préalable. Les C.A devront vouloir ce que l'autorité centrale voudra ! Une telle pratique porte un nom ;
On retrouve bien ici
On note, par ailleurs, que le renforcement annoncé des liens avec l'université conduit à ce que la formation lui échappe au profit d'enseignants du premier et second degré, simplement chargés de cours et probablement privés de garantie statutaire.
On ne peut pas ne pas relever le mépris affiché pour tout le travail des formateurs permanents à l'IUFM qui ne donneraient aucune crédibilité à la formation. Les formateurs des IUFM avaient l'habitude des critiques parfois virulentes. Ils n'avaient encore jamais eut le sentiment d'être insultés à ce point.
Ce paragraphe est là pour le décor et le " faire bien ".
Quels moyens seront mis à la disposition des personnels pour aller suivre des " formations diplômantes " à l'Université.
Cette mesure est une mesure de période de vaches grasses alors qu'on nous annonce que nous allons entrer dans une période de vaches maigres. Les suppressions de formation auxquelles nous assistons actuellement minent la crédibilité d'une telle orientation.
L'esprit des " 28 mesures " (publiées en encart dans Former des maîtres n° 23) est bien toujours là, intact, masqué sous une terminologie plus " soft ", mais dramatiquement à l'œuvre.
Il semble a priori extrêmement difficile d'engager avec le ministère des discussions pour la mise en œuvre de principes que nous récusons sur le fond.
Le SNESup réclame le retrait de ce projet de réforme : voir communiqué de presse du 10.04.03.
Observations sur la communication de FERRY au conseil des ministres du 9 avril
Auteur(s) :
Plan
1 - Recentrer la formation des enseignants sur les connaissances qu'ils auront à enseigner
Le premier objectif de la réforme appelle les remarques suivantes :
Se préparer à enseigner relève donc, pour le ministre, d'un processus initiatique et non d'un apprentissage raisonné. C'est une vision que nous ne pouvons pas partager.
Rénover les concours
Mieux inscrire la première année dans l'ensemble de la formation professionnelle
Rendre les préparations aux concours plus attractives et développer les viviers de candidats.
2 - Mieux préparer les enseignants à leur futur métier
Rendre la formation professionnelle plus progressive
Mieux découvrir le métier d'enseignant
Elargir le champ de compétence des professeurs
Redéfinir les dispositifs d'évaluation
Faire des établissements des lieux de formation
3 - Réformer le fonctionnement des IUFM.
Renforcer les liens avec les universités
Donner un nouvel élan à la F.C
Conclusion
Observations sur la communication de FERRY au conseil des ministres du 9 avril 2003
Publié le : 12/09/2003