Extrait du rapport Filâtre (inter conférence universitaire)- juillet 2009
3-1 - La place des épreuves de concours
Le positionnement du concours, et tout particulièrement celui des épreuves d'admissibilité, est une question incontournable qui conditionne la structuration des masters, tant du point de vue de l'organisation matérielle que de la progression et de la cohérence pédagogique de la formation.
Trois options aux philosophies et aux conséquences très différentes pourraient être envisagées :
- la première option consiste à placer l'épreuve d'admissibilité à l'entrée du master : cette solution est la plus séduisante en termes de gestion des flux, notamment dans le cas du professorat des écoles, et en termes de conditions de formation. Elle est favorable à un modèle intégré de formation. En revanche, et d'un point de vue pédagogique, elle conditionne fortement le cursus de licence et pose la question de la place de l'épreuve d'admission, difficilement envisageable en fin de master soit deux ans plus tard. En tout état de cause, cette option est écartée pour des raisons politiques et nous ne l'examinerons pas plus précisément.
- la deuxième option consiste à placer toutes les épreuves après l'obtention du master : Cette solution est bien évidemment la plus facile à mettre en oeuvre et elle déconnecte totalement le calendrier du master de celui du concours. Elle est favorable à un modèle intégré de formation. Toutefois, cette option allonge la durée des études pour tous, retarde les réorientations et favorise la mise en place de préparations de concours post bac + 5. Tous éléments peu favorables à garantir l'égalité des chances. Elle pourrait aussi totalement inféoder les contenus de master aux programmes des concours. Cette option est donc écartée dans le cas général mais reste envisagée dans le cas particulier de l'agrégation.
- la troisième option consiste à intégrer les épreuves du concours dans les deux années du master. Dans cette option la place du concours est structurante de l'organisation de la formation. Le fait que l'étudiant doive conjuguer réussite au concours et obtention du diplôme conduit à étudier un ensemble de situations. Notamment, la variable essentielle est la place de l'admissibilité qui devient cruciale car elle construit le cursus de master, organise et conditionne les possibilités d'orientation et de réorientation, distribue l'acquisition des compétences et positionne les stages dans l'ensemble des quatre semestres.
En écartant les deux premières options pour les raisons évoquées plus haut, on se concentrera dans ce rapport sur la troisième option et nous considérerons trois hypothèses :
- Hypothèse 1 - les épreuves d'admissibilité sont placées en fin de M1
- Hypothèse 2 - les épreuves d'admissibilité sont placées en cours de M2
- Hypothèse 3 - les épreuves d'admissibilité sont placées en fin de M2
Dans ces trois hypothèses, on considérera que les épreuves d'admission sont placées en fin de M2 (soit fin juin ou juillet).
Chacune de ces hypothèses a été examinée au regard des différentes conséquences et scenarii qu'elle implique, et plus particulièrement des points suivants :
- qualité du cursus disciplinaire ;
- qualité du cursus professionnel ;
- lien entre formation et recherche ;
- gestion des stages ;
- passerelles et possibilité de réorientation ;
- égalité des chances.
La commission s'est attachée à faire ressortir, pour chacune des hypothèses, ses points forts et ses points faibles.
Hypothèse 1 - les épreuves d'admissibilité sont placées en fin de M1
Points forts
- Cette solution permet de ne pas surcharger le programme pédagogique de l'année de M2 par rapport au concours et à la place des stages.
- Elle permet une réorientation vers d'autres voies ou parcours en M2 en cas d'échec à l'admissibilité et de réussite au M1.
- Elle permet de mieux gérer les flux étudiants en M2 et notamment d'opérer un ajustement du nombre d'admissibles et donc d'étudiants de M2 par rapport au nombre de postes au concours. Ce point est capital dans le cas du professorat des écoles.
- Elle est plus favorable pour l'organisation des stages.
Points faibles
- Cette solution peut conduire à un M1 essentiellement centré sur le disciplinaire si les épreuves d'admissibilité conservent les formats actuels.
- Elle favorise une propension de l'année de M1 à devenir surtout une année de « bachotage ».
- Elle oblige à cadrer le nombre d'admissibles par rapport au nombre de postes au concours, donc demande des arbitrages plus en amont et une programmation prévisionnelle plus précoce des postes ouverts au concours.
Autres remarques
- Cette solution allonge fortement le délai entre l'admissibilité et l'admission.
- Pour les admissibles non admis mais titulaires du master en fin de M2, il faut penser au maintien du bénéfice de l'admissibilité pour un an et offrir une préparation spécifique à l'admission.
Hypothèse 2 a- les épreuves d'admissibilité sont placées en début de S3
Point fort
- Avec cette solution, le concours a moins d'impact sur l'organisation et le contenu des enseignements du M1.
Points faibles
- Cette solution retarde significativement le démarrage de la seconde année de master. En effet, les cours ne peuvent démarrer qu'après les épreuves d'admissibilité. Or, si le principe selon lequel « il faut être inscrit en M2 ou titulaire d'un M2 pour s'inscrire au concours est maintenu », les épreuves d'admissibilité ne peuvent commencer que fin septembre et la formation en master ne peut commencer au mieux que début octobre.
- De plus, et compte tenu de la durée de correction des épreuves, elle transforme la première moitié du S3 en une situation d'attente superflue. Les corrections prenant au moins six semaines, cela porte la date de publication des résultats fin octobre ou début novembre dans le meilleur des cas. Il s'ensuit une incertitude forte pour les étudiants inscrits car l'attente des résultats d'admissibilité les place dans une situation peu propice à des apprentissages et des acquisitions de compétences de qualité.
- Elle induit un renforcement du bachotage durant l'été, ce qui pénalise certains étudiants et fragilise l'ouverture sociale des concours.
- Elle rend impossibles des réorientations en cours de semestre ce qui pose problème à tout étudiant inscrit en seconde année de master et « non admissible».
- Elle pose le problème de l'articulation de l'admissibilité avec une organisation universitaire fondée sur le semestre.
- Elle rend le lien entre formation et recherche difficile à assumer en M2.
- Elle retarde l'organisation des stages par rapport au calendrier scolaire.
Commentaire
- Si cette solution est réalisable techniquement, elle implique un ensemble de conséquences quasi absurdes pour le M2 tout en semblant préserver l'année de M1.
Hypothèse 2b : les épreuves d'admissibilité sont placées entre la fin du S3 et le début du S4
Dans cette hypothèse, les épreuves d'admissibilité doivent avoir lieu en janvier ou, au plus tard, début février.
Point fort
- Cette solution est plus conforme à une organisation semestrielle de l'année universitaire si l'admissibilité est placée idéalement à la coupure entre les deux semestres S3 et S4.
Points faibles
- Avec cette solution, la préparation de l'admissibilité devient l'objet majeur du semestre S3.
- Compte tenu de la durée des corrections des épreuves, elle transforme la première moitié du S4 en une situation d'attente superflue. Les corrections prenant au moins six semaines, cela porte la date de publication des résultats fin février ou début mars dans le meilleur des cas. Il s'ensuit une incertitude forte pour les étudiants inscrits car l'attente des résultats d'admissibilité les place dans une situation peu propice à des apprentissages et des acquisitions de compétences de qualité.
- Aucune réorientation n'est concevable à l'issue des résultats d'admissibilité.
- Cette solution pose le problème de la motivation des étudiants non admissibles à terminer le S4.
- Le lien entre formation et recherche est difficile à assumer en M2, car les épreuves du concours, si elles restent dans leur forme actuelle, mobilisent l'essentiel du travail en S3 et S4.
- Cette solution induit une prédominance du disciplinaire en S1, S2, S3 et conduit à consacrer le S4 aux épreuves d'admission si le format des épreuves actuelles n'est pas profondément revu.
- En conséquence, cette solution pose le problème de la place de la formation professionnelle et du stage en responsabilité
- La date des épreuves d'admissibilité ne peut varier au risque de déstructurer le calendrier du M2.
Autre remarque
• Cette solution conduit à mettre en cause le modèle de formation intégrée sur lequel est fondée la réforme.
Hypothèse 3 - les épreuves d'admissibilité et d'admission sont placées en fin de S4
Points forts
- Avec cette solution, les trois premiers semestres S1, S2 et S3 ne sont pas conditionnés par la seule préparation du concours.
- Le calendrier du concours n'a plus d'impact majeur sur le calendrier du master. Cette solution se rapproche le plus du modèle intégré car tout doit être traité dans le master.
Points faibles
- Cette solution empêche toute réorientation en cours de cursus.
- Elle ne permet aucune régulation des flux étudiants en lien avec l'admissibilité, ce qui induit un problème pour les stages dans certaines préparations, notamment pour le professorat des écoles.
- Avec cette solution, la charge du S4 est particulièrement forte : préparer les épreuves d'admissibilité, rédiger le rapport de stage, préparer les épreuves d'admission.
- Le calendrier et les étudiants sont sous pression, avec toutes les épreuves du concours dans une courte période.
Autres remarques
Cette option est difficilement envisageable sans une transformation significative des concours. Cela suppose un allégement des épreuves qui permettrait de respecter le calendrier des mois de juin et juillet ; cet allégement implique aussi de fait qu'une partie significative des compétences attendues soit évaluée dans le cadre du master. Cette modification des objectifs et du format des épreuves du concours est également nécessaire pour éviter que les contenus de formation du master ne soient totalement assujettis aux programmes des concours ; en un mot, que les deux années de master ne soient que deux années de « bachotage » du concours.
Synthèse générale
Deux solutions se dégagent :
- L'hypothèse 1 (admissibilité en fin de M1) est certainement le compromis le plus apte à concilier l'organisation de la formation sur deux ans et la gestion des flux étudiants. Elle se révèle la plus propice pour traiter le problème de la formation et du recrutement des professeurs des écoles.
- L'hypothèse 3 (admissibilité et admission en fin de M2) est la solution qui permet la meilleure mise en oeuvre du modèle de formation intégré. Sa réussite implique de penser finement l'articulation entre concours et master. Cette hypothèse pose cependant la question de la gestion des flux.
Pour les deux autres options, les problèmes soulevés sont lourds de conséquences :
- L'hypothèse 2b (admissibilité entre le S3 et S4)) peut sembler un compromis acceptable mais soulève deux difficultés majeures. L'organisation du S4 est problématique et le calendrier du master est fortement dépendant de celui du concours.
- L'hypothèse 2a, qui place les épreuves d'admissibilité au début du S3, est vraisemblablement la pire des solutions.
Tant que la nature des épreuves du concours ne reflète pas le modèle intégré, toute épreuve placée en cours de master perturbe la dynamique de formation. Cela signifie qu'il n'y a pas de solution réellement satisfaisante sans une réflexion nouvelle et indispensable sur une articulation entre concours et master qui permette de penser différemment la nature des épreuves.
Ceci oblige à revenir sur l'ensemble des référentiels de formations qui permettent de définir le cadre global de la formation et de clarifier ce qui doit être prioritairement vérifié par le concours.
La question des stages est difficile, car tous les étudiants engagés dans un cursus de master doivent pouvoir accomplir un stage, qu'ils soient admissibles ou non. Plusieurs questions se posent donc : la gestion des flux et des stages, la relation entre stage et concours, les objectifs et la nature des stages au sein de la formation.