Texte de la Commission Administrative Nationale du 7 janvier 2010
Succédant à une année 2009 marquée par l'explosion de la crise, 2010 s'ouvre dans un contexte social particulièrement tendu. La démolition de l'emploi se poursuit dans le public (33 000 suppressions en 2010) et le privé, le nombre de chômeurs a augmenté significativement en 2009 et le nombre de chômeurs non indemnisés va s'accroître considérablement au cours du 1er semestre, le nombre de suicides liés aux conditions de travail augmente notamment dans le secteur public, une nouvelle réforme des retraites avec augmentation de la durée de cotisation est annoncée. Si les raisons de mobilisation dans la population sont nombreuses et donnent lieu à de fortes luttes tant sur les salaires (grève dans le RER A, Pimkie) que sur l'emploi (Poste, grève de la faim à GDF...), les résistances qu'opposent le gouvernement et le patronat sont extrêmes et brutales. A ce jour en témoigne aussi le refus de régularisation des travailleurs sans papiers. Dans le même temps, le débat sur l' « identité nationale » réveille la xénophobie et le racisme. Les atteintes aux libertés se poursuivent.
En ce début d'année 2010, l'enseignement supérieur et la recherche continuent d'être le terrain des manœuvres gouvernementales dont l'ampleur inégalée déstabilise l'ensemble des établissements, les équipes de recherche, les formations, et décompose le service public. Le gouvernement maintient son objectif d'une application pleine et entière de la loi LRU dont nous demandons l'abrogation. Le passage à marchée forcée de 39 nouveaux établissements aux responsabilités et compétences élargies, est marqué par le chantage à l'attribution de moyens, des possibilités accrues de gestion locale des carrières et de précarisation, les reculs des représentations démocratiques, les menaces sur les solidarités et le poids des exécutifs locaux sur les activités des universitaires, sur la vie démocratique. Le SNESUP rappelle son refus de passage aux responsabilités et compétences élargies et que rien n'oblige les universités à y recourir. Il appelle les élus à s'engager dans ce refus y compris par des démarches juridiques.
Le plan Campus catalysé par le « grand emprunt », extrêmement sélectif et opaque, poursuit le remodelage du tissu universitaire qui vise à fusionner quelques établissements situés dans les grandes villes ou en Île de France et à reléguer les universités de proximité - si elles subsistent - à de simples collèges universitaires cantonnés à un cycle Licence appauvri, déconnecté de la recherche. Les mastodontes ainsi projetés, privés de vie démocratique et collégiale cèdent aux sirènes de la concurrence et concrétisent le développement d'universités à deux vitesses. A l'opposé de la volonté affichée de rapprochement entre universités et grandes écoles, le gouvernement creuse le fossé entravant les coopérations entre ces établissements et ne combat pas réellement la ségrégation sociale des élèves et la sélection des étudiants qui encouragent la reproduction des élites.
Conséquence de l'entrée en vigueur du décret enseignants-chercheurs modifié et de la prise d'effet des contrats quadriennaux, de nombreux enseignants-chercheurs, dont la recherche ne s'inscrit pas dans les priorités locales ou dans les projets ANR, se voient mis en situation d'exclusion dans leur établissement. Il est intolérable que la politique locale de réduction du champ de la Recherche amène à considérer comme « non-publiants » des collègues dont l'activité de recherche sortirait de ce cadre exigu. À ce titre, la situation des enseignants-chercheurs dans le domaine des Lettres, Langues, Arts, Sciences Humaines et Sociales est particulièrement préoccupante. Dans les établissements, le droit effectif et la possibilité réelle de faire de la recherche doivent être accordés à tous tes enseignants-chercheurs et aux enseignants qui le souhaitent. C'est à cette condition que les universités maintiendront la richesse des capacités créatrices. Par ailleurs, le SNESUP rappelle que les évaluations quadriennales individuelles font l'objet d'un moratoire jusqu'à la fin de l'actuelle mandature CNU.
Bien qu'ayant subi un désaveu de la communauté universitaire à l'occasion de la présentation en CNESER le 21 décembre du projet de circulaire de cadrage des Masters, le gouvernement passe en force sur la réforme dite de « mastérisation » en adressant de manière précipitée la circulaire aux présidents et en publiant au J. O., le 6 janvier, les arrêtés modifiant les concours de recrutement. Le gouvernement prend ainsi de front l'ensemble des syndicats et la communauté universitaire. Il tente de sommer ainsi les universités, UFR ou IUFM, de régler la note des bouleversements dont il a seul la responsabilité. Il voudrait en outre utiliser les PRES pour y déléguer la mission de formation et le monopole de collation des diplômes (cf. mission confiée à l'IGAENR par Valérie Pécresse), ce qui permettrait que des établissements privés confessionnels, par exemple, délivrent des masters enseignement (Institut Catholique de l'Ouest membre associé du PRES « Université Nantes, Angers, Le Mans). En même temps, tandis que pour le service public, les postes mis au concours sont publiés en nombre très insuffisant au regard des besoins - particulièrement du remplacement des départs en retraite -, voire n'existent pas dans certaines matières dans le second degré, le nombre de postes ouverts dans le secteur privé augmente considérablement (multiplication par plus de 2 dans la plupart des disciplines du .secondaire).
Cette réforme inacceptable ne doit pas être appliquée. Le SNESUP exige le retrait des décrets et des textes d'application déjà publiés. C'est nécessaire pour que s'engage une véritable négociation pour une tout autre réforme.
Face à une telle brutalité gouvernementale, il est de notre responsabilité collective d'opposer une résistance résolue. Le SNESUP appelle à :
o refuser - en concertation avec l'ensemble des collègues et des étudiants - l'application de la réforme de la formation des enseignants (place du concours, circulaire illégitime sur les Masters, mise en œuvre des stages dès cette année...) et rejeter toutes les tentatives d'improvisation pédagogiques, pour introduire des parcours de formation des enseignants, susceptibles de bouleverser en profondeur les Masters existants et de mettre en péril les IUFM
- poursuivre le vote de motions dans tous les conseils, comités, jurys... condamnant cette réforme de la formation des enseignants ; participer à des actions en direction de toute la population
- résister, notamment dans tes conseils, aux recompositions forcées des universités, porteuses de mise en concurrence, de / précarisation et de reculs des représentations démocratiques et de toutes les solidarités;
- dans la deuxième quinzaine de janvier, participer à la grève et aux manifestations des fédérations de fonctionnaires du 21 janvier pour défendre le service public et ses personnels et faire une réussite de la manifestation de l'éducation le 30 janvier prochain à l'initiative de la FSU.
Pour fixer de nouvelles ambitions au service public d'enseignement supérieur et de recherche et proposer des alternatives à l'actuelle politique gouvernementale, le SNESUP appelle tous les collègues à participer aux Etats Généraux qu'il organise avec l'UNEF.
Le SNESUP appelle les collègues à voter et faire voter pour la liste SNESUP-FSU au CTPU et pour la FSU au CTPMESR.
Pour dire non au déclin programmé du service public d'enseignement supérieur et de recherche
Pour dire oui à un service public d'enseignement supérieur et de recherche renforcé.
Unanimité moins 5 abstentions