Publié le : 17/07/2005

Memorandum Formations du SNESUP-FSU de juillet 2005

1) Besoins de formation et de qualification

Qu'il s'agisse des aspects scientifiques, culturels ou professionnels, la diffusion et le partage du savoir sont une condition essentielle du développement économique et social. S'agissant de la France, les perspectives liées aux besoins en créations nettes d'emplois qualifiés et aux départs en retraite pour les professions, branches et territoires, supposent un regain d'accès et de réussite à des formations diplômantes tant de niveau Bac + 3 que de niveau Bac + 5 ou Bac + 8. Ces perspectives sont inséparables des politiques qui seront suivies en matière de création ou de fermeture d'activités, de statut des salariés, de reconnaissance des diplômes et de droit du travail dans le cadre français et européen.

Le SNESUP demande que les discussions en cours sur les certifications professionnelles se traduisent par des prérogatives renforcées du service public d'éducation, et que soit engagé un nouveau processus de reconnaissance sociale des diplômes, y compris le doctorat.

2) Démocratisation

La démocratisation est en panne, notamment concernant l'accès des publics issus des milieux défavorisés. Les bacheliers d'aujourd'hui ont des acquis différents, qui sont insuffisamment pris en compte dans l'élaboration des formations. L'annonce de mesures comme la mise en place d'une sélection à l'entrée du Master (« orientation dirigée » de la CPU), la volonté de borner les études au niveau Licence pour de nombreux étudiants, portent le risque d'une chute des poursuites d'études, notamment pour les étudiants ayant des difficultés financières, sociales ou ne connaissant pas les parcours d'initiés. Ces orientations risquent d'exacerber la concurrence entre établissements et vont à l'opposé des exigences sociales, qui imposent de former de plus en plus de personnes à tous les niveaux et notamment au niveau Bac + 5 pour remplacer les départs en retraite, tant dans le privé que dans le public, et répondre aux besoins de formation initiale et continue de la population.

Le SNESUP s'inscrit dans une logique de connaissances, de qualifications, de culture, à l'opposé d'une logique de compétition mondiale exacerbée qui toucherait tous les secteurs. C'est pourquoi il fait de l'objectif de 50% d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur un objectif majeur. Cela exige une réflexion sur la diversification des filières et sur les contenus, des moyens pour mettre en œuvre des innovations pédagogiques permettant la réussite, un effort particulier en direction des baccalauréats technologiques et professionnels. Cela exige aussi des mesures pour développer l'aide matérielle et financière aux étudiants (allocations, bourses, logement, restauration, bibliothèques, laboratoires de langues, accès au multimédia, etc). Mais aussi un accès élargi à la formation continue des salariés et demandeurs d'emploi.

3) Les formations LMD

Au moment où tous les établissements universitaires auront présenté leurs habilitations dans le cadre LMD, le SNESUP fait le bilan suivant :

  • le pilotage imposé par le ministère et ses experts nommés, sans discussion avec la communauté universitaire d'un cadrage et sans texte réglementaire, a conduit à la mise en cause de formations correspondant à des besoins avérés (filières pluridisciplinaires, AES, IUP, FLE, filières STPI, STAPS), à des regroupements artificiels forcés, voire à la disparition de certaines formations, à l'illisibilité des intitulés de formation et à l'absence de mobilité en France et en Europe, ce qui est à l'opposé des buts annoncés de cette réforme.
  • lors de la procédure d'habilitation, des expertises très négatives de dossiers de Master notamment (rôle de la MSTP) ont été rendues, sans que les critères soient connus à l'avance et débattus dans la communauté scientifique. Le rôle du CNESER est minoré par le Ministère, bien que ses membres posent des questions jugées pertinentes et intéressantes par les présidents d'Université concernant les formations présentées, les collaborations entre établissements ou les droits des étudiants.
  • pour le Ministère, le lien avec la recherche est un lien de subordination qui se réduit à un « adossement » des cursus aux équipes de recherche labellisées : architecture des domaines, mentions, etc. Cette conception ne permet pas à des petites et moyennes universités de continuer à proposer des masters dans des domaines où elles proposaient la maîtrise. En outre, le lien formation-recherche est considéré comme moins important pour les formations de Licence, ce qui se traduit par une expertise différente des Licences et des Master (pas d'examen des Licences par la MSTP) et rejoint sa conception cloisonnée entre le L et le M.
  • les directives ministérielles ont poussé à reléguer en fin de cycle l'essentiel de la spécialisation et de la professionnalisation, voire à ne distinguer master professionnel et master recherche que par le stage. Le mot Spécialité a disparu en Licence. Un tel schéma nuit dans de nombreux domaines à la lisibilité des diplômes et à leur reconnaissance au stade de l'emploi. Les questions de la dimension professionnelle par référence aux divers métiers, tant dans le public (enseignement notamment) que dans le privé, les liens avec la profession dans le champ considéré, sont trop vues sous l'angle des conceptions du seul MEDEF.
  • des collègues, notamment des Maîtres de Conférences non titulaires de l'Habilitation à Diriger les Recherches, ont été exclus de certaines formations de master, sous prétexte d'un « adossement à la recherche ».
  • pour l'essentiel, les étudiants, les IATOSS, la grande majorité des enseignants-chercheurs et enseignants ainsi que les partenaires extérieurs ont été tenus à l'écart du chantier de l'élaboration des maquettes du LMD.
  • des mesures pédagogiques d'aide à la réussite des étudiants, comme le tutorat ou le soutien ont souvent été remises en cause et peu d'innovations ont été relevées, même en matière d'utilisation des TICE.
  • l'enseignement des langues, de l'informatique souffre de l'absence de moyens et la validation du niveau est trop souvent laissée à des certifications privées payantes (par exemple, TOEIC en anglais) faute d'un développement suffisant des certifications publiques tant en langues (CLES) qu'en informatique.
  • l'organisation du contrôle des connaissances est très disparate et ne procure pas suffisamment aux étudiants la garantie de mise en oeuvre d'un réel contrôle continu. De plus, la mise en place très fréquente d'une deuxième session de contrôles rapprochée peut porter préjudice aux étudiants et s'accompagne d'une dégradation des conditions de travail de nombreux collègues.
  • la question des accès de plein droit ou sur dossier aux différents cursus (modalités de sélection) est rendue plus brûlante par la déclaration de la CPU en faveur d'une « orientation dirigée », alors que les besoins en emplois qualifiés à bac + 5 sont appelés à croître considérablement dans les années à venir et qu'aujourd'hui l'arrêté Master donne aux étudiants l'accès de droit au M1 (même si certaines universités ont mis des obstacles à ce droit)..
  • les moyens nécessaires en mètres carrés, en équipements, en fonctionnement et pour la mobilité sont notoirement insuffisants.

Le Ministère doit dresser un état des lieux approfondi sur la mise en œuvre du LMD. Cet état des lieux doit associer le CNESER et en prendre en compte les travaux des Comités de suivi, les bilans effectués par les divers acteurs de la communauté scientifique - dont la CPU -, les organisations syndicales enseignantes et étudiants, ainsi que celui de l'IGAEN, dont nous n'avons eu connaissance que par le biais d'une communication orale en comité de suivi Master.

Nous demandons une négociation avec les organisations syndicales de personnels et d'étudiants sur le chantier de la réforme des cursus. De manière plus précise, les cursus doivent permettre :

  • un accès élargi et une meilleure réussite en formation initiale ou continue pour les publics étudiants d'aujourd'hui,
  • la double finalité de sortie qualifiante et de poursuite d'étude à toutes les étapes
  • la réponse aux besoins de qualification dans les différents secteurs d'activité,

Cela exige des cursus diversifiés, élaborés dans le cadre d'un co-développement enseignement-supérieur recherche et des collaborations librement choisies entre universités.

Le dispositif LMD doit s'appuyer sur un cadrage national assurant cohérence et lisibilité, lien enseignement - recherche à tous les niveaux et mobilité tant nationale qu'internationale

Ce cadrage doit être élaboré avec la communauté universitaire, discuté et validé par le CNESER, et prendre en compte l'expérience acquise dans les universités et les travaux des Comités de suivi...

Nous demandons une concertation sur les modalités et critères d'expertise et d'évaluation des formations, qui doivent donner à nouveau au CNESER un rôle réel sur chacune des formations.

Nous demandons la réhabilitation des cursus dont l'existence ou la lisibilité ont été mises en cause en dépit de leur qualité et bien qu'ils répondent à des besoins avérés.

Nous demandons que des questions nouvelles et importantes comme le passage Licence-Master, la conception recherche ou/et professionnelle des Masters, l'attribution du Master aux enseignants ou à d'autres catégories de fonctionnaire fasse l'objet d'un vrai débat, associant tous les partenaires.

Le Ministère doit donner aux établissements les moyens nécessaires pour répondre sans malthusianisme aux besoins de formation initiale et continue.

3) Les autres formations supérieures

les IUT

Depuis de nombreuses années, les IUT ont servi d'ascenseur social à de nombreux étudiants du fait du contenu des programmes élaborés avec les professionnels, d'un meilleur encadrement, d'un corps enseignant associant diverses catégories (enseignants-chercheurs, enseignants et professionnels) et de modalités de contrôle continu adapté.

Les nouveaux Programmes Pédagogiques Nationaux des IUT - qui doivent être présentés en CNESER en Juillet - doivent comporter tous les éléments nécessaires pour garantir la valeur nationale du diplôme,assurer l'égalité des étudiants et permettre aux étudiants d'accéder à la vie professionnelle ou de poursuivre leurs études : cela suppose de préciser des éléments qui ne sont pas actuellement prévus : contenu de toutes les UE, notamment celui des modules de différentiation, ECTS affectés aux UE., taille des groupes de TD et TP à préciser selon les nécessités pédagogiques et les normes de sécurité. Ils doivent aussi être conçus pour assurer la cohérence de la formation et non comme un agrégat d'éléments constitutifs fractionnés.

Les Commissions Pédagogiques Nationales doivent voir leur composition revue, notamment en matière de représentation des enseignants.

les LP

De très nombreuses Licences professionnelles ont été construites sur une logique de niche et non sur une logique de métiers, ou de branches professionnelles. De plus, les pratiques du comité d'expertise aboutissent à refuser l'ouverture de LP dans des domaines correspondant aux besoins (tourisme par exemple) ou la réhabilitation de certaines pour cause de trop de poursuite d'études.

Nous demandons une mise à plat du texte régissant les licences professionnelles, renouant avec la double finalité de sortie qualifiante et de poursuite d'études, un processus d'expertise associant les organisations représentatives des personnels enseignants.

les études de Santé

Qu'il s'agisse de décloisonnement entre études médicales et paramédicales et de leurs contenus respectifs, de réponse aux besoins en généralistes et en spécialistes, de régime de l'internat et de carte des CHU, le SNESUP demande à être associés à la réflexion engagée sur une réforme de l'ensemble des études de santé.

les études d'ingénieurs

Nous demandons que s'ouvre une réflexion sur la carte et le contenu des formations d'ingénieurs, le processus d'habilitation de ces formations, le rôle de la commission du titre, le développement de la recherche dans toutes les écoles et des dispositions garantissant un fonctionnement démocratique.

les formations dépendant d'autres ministères (Culture, Agriculture, Affaires Sociales, etc)

Certains ministères demandent aujourd'hui pour certaines formations le grade de Licence ou celui de Master, voire la possibilité de délivrer des doctorats. Cette question, légitime, ne peut être résolue à n'importe quelles conditions.

Nous demandons une réflexion sur la carte, le contenu, le processus d'habilitation de ces formations, un rapprochement avec les cursus dépendant du MEN, un développement de la recherche et des coopérations librement choisies entre établissements, une évaluation nationale des formations .

4) L'enseignement supérieur privé

Le précédent ministère a développé - notamment par le biais du passage en CNESER de dossiers successifs, présentés indépendamment les uns des autres - une politique permettant à l'enseignement supérieur privé (ou consulaire) de se développer, notamment en autorisant des écoles de commerce à délivrer le grade de master ou des facultés catholiques à présenter leur propre diplôme (Licence et Master notamment) dans le cadre de l'offre d'une université publique. S'il est légitime de poser la question de la validation de ces études (niveau, contenus) par un grade ou un diplôme, si la procédure de jury rectoral peut être considérée comme inappropriée, on ne peut se montrer moins exigeant sur les critères d'évaluation de l'activité recherche de ces établissements, les collaborations entre établissements, la qualification des personnels, les conditions d'études.

Nous demandons une discussion publique d'ensemble sur ces questions, ainsi que sur celle des financements publics de ces établissements.

5) Formation des enseignants

Voir la formation des enseignants de A à Z.