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Dans le cadre de la circulaire interministérielle sur la protection du potentiel scientifique et technique de la nation (7 novembre 2012), a été créé le dispositif de « Zone à Régime Restrictif » (ZRR). Ces zones sont censées protéger les travaux scientifiques contre quatre grands types de risques d'atteintes aux intérêts nationaux1. Du fait notamment du risque R1 ("protection des intérêts économiques de la nation"), de très nombreux secteurs de recherche sont déclarés « secteurs scientifiques et techniques protégés » et, sur demande du chef d'établissement, n'importe quelle unité relevant de ces secteurs peut être déclarée ZRR par le cabinet du premier ministre.
http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/01/cir_36329.pdf
Témoignages de collègues en ZRR
Quelques minutes souriantes sur "les MOOCS en ZRR" pour finir : Presse-et-documentation?aid=6924&ptid=5
ZONES A REGIME RESTRICTIF :
Le fonctionnement des laboratoires sous la coupe du ministère de la Défense ?
Les textes sur ces ZRR restreignent l'accès des personnes y travaillant (accord préalable du ministère sur la base d'un CV extrêmement complet) et des visiteurs, dont les étudiants, soumis à déclaration préalable d'identité (dont adresse, profession et employeur). Leur mise en place nécessite l'élaboration de nouveaux règlements intérieurs (RI) pour les unités de recherche. Le CNRS a approuvé un canevas commun en septembre 2013, qui doit être discuté et adapté aux différentes unités. Dans ce canevas de RI, toute la production scientifique d'une unité de recherche en ZRR est jugée par définition confidentielle. Ainsi les publications, mais aussi les communications sont sous contrôle du directeur d'unité et les missions et les accords de collaboration sous celui du « fonctionnaire sécurité défense » (FSD), avec menaces de sanctions pénales en cas de non respect des consignes.
Si le besoin de protéger certaines données sensibles peut être compris (en particulier en ce qui concerne leur détournement à des fins militaires, terroristes, ou de piratage industriel) ce nouveau dispositif, par ses caractéristiques et l'ampleur des périmètres concernés, est en contradiction directe avec les libertés académiques et un fonctionnement serein des unités. Il pose également un problème majeur pour l'accès des étudiants aux laboratoires, et est donc néfaste pour le lien enseignement-recherche.
En effet, les témoignages de collègues en ZRR montrent que les consignes de la circulaire ne sont pas respectées ("Le ministre devra veiller: à ce que la réglementation de la circulation au sein de ces zones n'ait pas pour objet ou pour effet de remettre en cause le principe d'enrichissement de l'enseignement par la recherche").
Dans un courrier au Premier ministre daté du 18 décembre, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche écrit "Nous devons pouvoir concilier les impératifs réels de sécurité et de protection de notre patrimoine scientifique et technique, et ceux du développement de la coopération internationale et du renforcement de l'attractivité internationale de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
Je proposerai, dans un délai de deux mois (...) un modus operandi acceptable par la communauté scientifique. Dans l'attente de ces propositions, je souhaiterais qu'un moratoire de création de nouvelles zones à régime restrictif (...) puisse être instauré".
La réponse du Premier ministre et du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) rendue publique le 21 février 2014 indique que les laboratoires déjà classés « établissements à régime restrictifs » deviendront des ZRR. Quant aux autres laboratoires concernés par la réglementation ZRR, un groupe d'analyse examinera, au cas par cas, la pertinence et le périmètre du classement en ZRR.
Le SNESUP considère que cet examen est le strict minimum et demande des informations et des garanties sur les critères qui seront employés, mais qu'in fine le fonctionnement des laboratoires ne devrait pas être soumis aux desiderata du ministère de la défense. Il demande donc une remise à plat complète de ce dispositif, et le retour à des conditions de travail normales pour les unités d'ores et déjà en ZRR, les problèmes rencontrés par ces dernières n'étant pas pris en compte dans la réponse du premier ministre et du SGDSN.
« Au niveau du recrutement de stagiaires et des prolongations diverses en postdoc, c'est la catastrophe.
- Refus arbitraire de renouveler un postdoc. Le labo a fait appel.
- Impossible de réagir pour le recrutement de stagiaire. Lorsqu'un stagiaire renonce, il est impossible d'en trouver un nouveau du fait des 10 semaines de délai pour obtenir un accord.
- Le ministère (ou le CNRS) est très tatillon sur le contenu du CV : une ligne non renseignée (une année de maladie, de travail qui a interrompu les études...) conduit à une demande de complément.
- Les visiteurs n'ont aucun droit : restaurant, compte informatique... »
« Dans mon labo, cela devient insupportable. Déjà deux avis négatifs d'accueil de visiteurs par le FSD dans d'autres équipes. Moi, je ne déclare plus mes visiteurs au labo qui sinon transmet au FSD. Le directeur de labo me demande de rectifier le tir, je refuse, voila où j'en suis.
Nous n'en sommes plus à la collaboration, mais à la délation. »
Lettre Flash n°22 : Zone à régime restrictif, Le fonctionnement des laboratoires sous la coupe du ministère de la Défense ?
Publié le : 25/02/2014