Les recherches en éducation et leurs liens avec l’enseignement et la formation Quelles perspectives pour les recherches en éducation ?

Publié le : 15/10/2008

  • par Joël Lebeaume, Directeur STEF, ENS Cachan, INRP, Université Sud Paris

Joël Lebeaume se propose d’identifier les questions majeures
permettant de penser des orientations pour les recherches en éducation
à venir.

Dans la conjoncture contemporaine marquée par des évolutions rapides et de grande ampleur, l’examen des perspectives pour les recherches en éducation et en formation ne pourrait être qu’un exercice de prophétie ! Il est alors préférable d’identifier les questions majeures susceptibles de penser quelques orientations prospectives à partir d’un bilan de la vingtaine d’années de construction des IUFM.

Professionnalisation, universitarisation et unification

Depuis leur création, les IUFM ont indéniablement dynamisé les recherches en éducation et en formation à la fois du point de vue des emplois d’enseignants-chercheurs que des publications. Mais, depuis près de vingt ans, la formation des enseignants en France est en transformation permanente. La création des écoles intégrées aux universités, la mastérisation des formations et la prescription du « cahier des charges de la formation des maîtres » sont quelques mesures récentes de cette réforme en cours. Si la dimension « universitaire » de la formation - ainsi qualifiée par la loi d’orientation de 1989 - est au centre de ces profonds changements, les textes réglementaires récents tendent à privilégier la désignation « formation professionnelle » sans souligner l’acception du qualificatif « universitaire ». La refondation de la formation des maîtres en France porte en effet trois processus dynamiques associés: de professionnalisation, d’universitarisation et d’unification. Celui de la professionnalisation accompagne d’une part la redéfinition de l’identité sociale et professionnelle des enseignants et d’autre part la reconnaissance de la complexité de l’exercice des différents métiers de l’enseignement. Dans cette perspective, la formation professionnelle suppose des contenus et dispositifs particuliers qui réduisent l’initiation professionnelle par imitation-reproduction, jugée et admise insuffisante. Cette visée de rationalité implique l’universitarisation.La recherche doit permettre de décrire, d’analyser et de modéliser le travail enseignant et les actions professionnelles en élaborant les outils intellectuels contribuant à l’analyse distanciée et instrumentée des diverses pratiques. Ces deux dynamiques croisent celle de l’unification (homogénéisation statutaire et indiciaire, alignement du niveau de recrutement).

Toutefois, ces principes fondateurs ne sont pas sans ambiguïtés car la formation« universitaire » s’avère surtout localisée dans ce nouvel espace institutionnel mais sans en préciser les caractéristiques spécifiques. Pour Bourdoncle (2007), les IUFM constituent alors un exemple de fausse universitarisation. Les IUFM sont en effet rattachés par convention aux universités et la recherche s’avère également rattachée à la formation, plus précisément destinée aux formateurs considérés comme les médiateurs des résultats. Le cahier des charges de la formation des maîtres (2007) rappelle cette fonction de la recherche destinée seulement indirectement aux enseignants. Dans ce contexte, les recherches sur la thématique de la professionnalité ont été nombreuses avec des problématiques centrées sur les nouveaux publics, le travail enseignant, les pratiques effectives, les gestes professionnels, la didactique comparée, le contexte institutionnel, l’efficacité des enseignants… Ces recherches et les modélisations des interventions enseignantes qu’elles ont produites mettent ainsi à disposition des concepts et des outils pour l’objectivation et la conception des formations différenciées des maîtres dans leurs contenus et leurs modalités.

La mastérisation en cours s’ancre ainsi sur ces développements de la recherche mais avec une forte ambiguïté liée d’une part à la conception de la recherche, d’autre part à celle de cette certification universitaire. Deux schémas sont alors susceptibles de s’opposer. Le premier est un schéma linéaire de l’enseignement: la recherche produit des connaissances dont les formateurs assurent la transmission-appropriation par les apprentis-enseignants. Le master est alors considéré commeun diplôme attestant d’une somme de connaissances engrangées. Le second schéma est davantage celui de la formation. Le master correspond alors à un niveau de qualification attestant des compétences pour l’intervention dans des situations de haute complexité, ce que sont les situations d’enseignement-apprentissage. La recherche est alors un moyen de formation par les postures distanciées qu’elles valorisent et qu’elles initient, par les constructions intellectuelles et pratiques qu’elles mettent en place ainsi que par les façons de faire et les manières de penser qu’elles objectivent, qu’elles critiquent et discutent.

Les perspectives des recherches dépendent fortement des réponses à ces questions qui ne sont pas disjointes et qui abordent les questions vives de leurs fonctions, de leurs productions et de leurs structurations. Elles sont fortement dépendantes de la conception de la formation des maîtres, pensée comme une formation professionnelle ou bien une formation technologique.