par Lise Dumasy, présidente de l'Université de Grenoble 3
Le déséquilibre au détriment des ALLSHS est patent. Difficile d'envisager leur développement lorsqu'on les réduit à une place secondaire au sein de projets définis par d'autres disciplines.
Que les investissements d'avenir n'aient pas été prévus au départ pour développer la recherche en ALLSHS, non plus d'ailleurs que celles-ci ne sont vraiment présentes dans la SNRI ou dans le dernier PCRD, il suffit pour s'en convaincre de se rappeler les buts indiqués au lancement de l'opération
Les ALLSHS dans les investissements d'avenir
: développer une recherche très appliquée, en liaison avec des entreprises censées cofinancer les opérations, en vue de résultats en termes de retombées économiques rapides, démontrables (ou du moins supposables) et éventuellement mesurables. L'idée de prendre en compte, fût-ce timidement, de possibles retombées socioculturelles et patrimoniales a surgi plus tardivement, ce qui fait que les équipes ALLSHS se sont souvent lancées très tard dans la mêlée, persuadées dès le début qu'une fois de plus la manne n'était pas pour elles. Autre obstacle : l'exigence d'une taille critique des équipes plus
difficilement accessible à une recherche plus atomisée, moins regroupée en grosses équipes que dans d'autres domaines scientifiques,inconvénient qui s'est également vu dans la discrimination appliquée aux projets d'Equipex. Sans même parler de la complexité technocratique de dossiers exigeant un traitement par des ingénieurs spécialisés, dont les équipes ALLSHS disposent beaucoup moins que d'autres. Ou encore des innombrables appels à projet des IE dont les ALLSHS étaient tout simplement dès l'abord exclus, ou bien où elles ne pouvaient occuper qu'une place marginale : IRT, IHU, IEED
et autres SATT... Si bien qu'au résultat des courses, et selon le principe adopté de faire pleuvoir là où c'était déjà mouillé, l'écart n'a pu que s'accroître entre le financement des ALLSHS et celui des autres sciences.
On nous dira (on l'a déjà dit) que les ALLSHS, comme Dieu, sont partout - autre façon den'être nulle part. En vérité, s'il ne peut pas faire de mal d'introduire les ALLSHS dans quelques projets scientifiques ou technologiques, on ne développe pas des disciplines en leur attribuant une place secondaire et ancillaire au sein de projets définis par d'autres disciplines selon les buts, les concepts et les méthodes propres à ces autres disciplines. La véritable innovation au carrefour des disciplines ne peut naître que d'une confrontation à armes égales. Ces points de départ rappelés, on ne s'étonnera donc pas des résultats à l'arrivée. Je ne prendrai que les chiffres des Equipex et des Labex, ils sont parlants : 26 projets ALLSHS sur 100 (9 en ALL) dans la première vague de Labex, 14 Labex sur 71 dans la seconde vague, soit au total 40 sur 171 (25 %) - 20 % des financements. Si l'on entrait dans le
détail, on verrait de plus que seuls certains secteurs restreints des ALLSHS sont réellement concernés. La répartition géographique, sans surprise, donne une primauté exagérée à l'Île-de-France, en raison de la concentration des UMR dans cette région pour ces disciplines. Prenons maintenant les Equipex : cinq projets ALLSHS lauréats dans la première vague, pour un montant de 21,65 M sur 340 M (6,25 % de la dotation), cinq dans la deuxième vague (dont un piloté par l'INSERM, sur la nature duquel on peut éprouver quelque doute), quatre pour un montant de 22,5 M, le projet INSERM pour un montant
de 13 M, deux Equipex dans la troisième vague, pour un montant de 25,9 M. Bilan global : sur 576 M, 53,5 M sont allés aux SHS, soit 9,3 % du budget
(11,5 % avec le projet INSERM). Seul le projet IDEFI a un peu mieux reconnu les ALLSHS, avec 12 projets retenus sur 37. Ne ferait-on donc que de la recherche pédagogique en ALLSHS ? Ces chiffres seraient évidemment à mettre en relation avec les sommes beaucoup plus importantes réservées aux IRT, IEED ou SATT (556 M par exemple pour les 9 SATT retenus).
Décidément l'homme et la société ne semblent guère avoir d'avenir en France...
Les ALLSHS dans les investissements d'avenir
Publié le : 18/04/2012