Article publié dans le mensuel n°587 de septembre 2010
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- par Bruno Truchet, MCF de neurosciences, université de Provence
Je souhaite, ici, évoquer trois exemples de pratiques pédagogiques qui donnent, je pense, des résultats intéressants.
En L1 psychologie tout d’abord, j’ai pour effectif un amphi d’une centaine d’étudiants dans une option d’introduction aux neurosciences, que je partage avec plusieurs excellents collègues. Les enseignants-chercheurs sont tous confrontés, je crois, au problème du « je note, mais je ne comprends pas », notamment dans les premières années de licence. Pour contrer cela, j’aborde là aussi chaque concept par des questions aux étudiants, en précisant bien que l’essentiel de ce qu’ils devront retenir sera sur la prochaine diapo du powerpoint, ainsi que sur le polycope qui leur est fourni. Chacun est donc libre de répondre sans peur de « manquer la dictée ». Cela est pratiqué par de nombreux collègues, et n’est pas forcément très novateur en soi, mais on obtient assez rapidement une participation régulière d’une bonne moitié de l’effectif, ainsi qu’une petite séance spontanée de questions autour de l’estrade à la fin du cours.
Ensuite, lors d’une UE de L3 neurosciences (environ vingt étudiants), je fournis aux étudiants un polycope reprenant des extraits de livres (en l’occurrence sur la génétique du comportement). Chacun leur tour, les étudiants doivent lire à voix haute jusqu’à atteindre une phrase particulière, signalée en italiques. Ils doivent alors expliciter le concept dévéloppé dans cette phrase, leurs camarades et moi-même complétant l’explication le cas échéant. Les avantages sont multiples : le fait de savoir qu’il faudra lire à voix haute crée un petit stress stimulant, personne ne peut véritablement être distrait, sous peine de perdre le fil des concepts, et le temps de prise de notes est réduit au minimum. Dans le cas de disciplines pouvant susciter la polémique, l’avantage évident est de stimuler ce qui à mon avis constitue (ou devrait constituer) la clé de voute de l’enseignement supérieur : le développement de l’esprit critique.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que se situe mon troisième exemple. En L1 de biologie, les étudiants doivent choisir en début d’année un « projet », c’est-à-dire une UE à thème, telle que celle animée par une collègue et moi-même, intitulée « A la découverte du cerveau ». Là aussi, nous avons réduit la prise de notes au minimum, et l’essentiel des enseignements se fonde sur des échanges entre les participants. Ainsi, l’une de ces séances est consacrée à un débat entre étudiants avec la consigne suivante : supposons que je sois ministre de la santé, et que je réfléchisse à la pertinence de la pénalisation du cannabis, quels sont les arguments à retenir ? Les étudiants sont alors répartis en deux groupes « Pour » et « Contre », en fonction de leurs desiderata. Des documents différents (scientifiques et sociétaux) sont alors fournis aux deux groupes, charge à eux de convaincre leur professeur, ce dernier arbitrant les débats et prenant parti pour l’un ou l’autre suivant la qualité de l’argument avancé. La conclusion est logiquement partagée, ce problème ne pouvant trouver réponse lors d’une séance de deux heures... Le résultat : des échanges souvent animés entre les deux groupes et pour beaucoup l’apprentissage de la construction d’une argumentation.
En conclusion, il est évident que pour de nombreux collègues et moi-même, l’image d’Epinal d’une université où la pédagogie est méprisée est révolue. Il serait donc plus que temps que l’enseignement, passionnant mais hautement chronophage, soit reconnu et valorisé. Pour cela, il me paraît indispensable que sa qualité soit (osons ce gros mot) évaluée.