L'Humanité: Un monde universitaire diversifié et ouvert par J.Fabbri

Publié le : 21/02/2009

Article paru dans le journal l'Humanité daté du samedi 21 février 2009 (Adobe Acrobat 35.33 kb)

 

Un monde universitaire diversifié et ouvert

Par Jean Fabbri, secrétaire général du SNESUP, maître de conférences de mathématiques à l'université de Tours.


Élever les qualifications, élargir et approfondir l'accès aux connaissances constituent des objectifs qui rencontrent à la fois les aspirations au savoir des jeunes adultes et les besoins diversifiés du pays. Est- il vraiment assumé par les pouvoirs publics actuels, l'objectif européen de diplômer 50 % d'une classe d'âge dans le supérieur? Renforcer le potentiel de recherche, coopérer sans frontières, tout l'enseignement post-baccalauréat comme l'engagement citoyen et le monde économique sont des enjeux complexes. Sont-ils aujourd'hui assumés quand la part du PIB du pays consacrée à ces missions régresse de 2,3 % à 2,1 % pour un objectif fixé à 3 % ? Le constat est sévère sur la carence reconnue des moyens et des ambitions de l'État, dissimulée derrière un volontarisme de façade et une autosatisfaction permanente.

C'est dans ce contexte, le seul qui soit mobilisateur et incitatif, que devraient se lire les questionnements sur «la réforme des universités ». Impossible de dissocier recherche et formation tant au sein des établissements universitaires dans l'imbrication de ces deux missions que dans l'activité individuelle de chaque enseignant-chercheur. Offrir aux étudiants un renouveau disciplinaire, comparé au découpage plutôt figé du secondaire, appuyer leur formation sur la recherche et développer leur esprit critique, proposer une dimension professionnelle dans chaque cursus: c'est ouvrir à des appétits inédits. À leur façon, les filières IUT, IUFM et écoles d'ingénieurs (parties spécifiques des universités) y concourent avec, comme cela devrait être le cas également ailleurs, des effectifs réduits et des pédagogies différenciées. Pour favoriser l'accueil des nouveaux bacheliers, les filières plus classiques ont fourni un considérable travail dé rénovation dans le cadre certes précipité et lourdement concurrentiel du LMD. Simplifier et réorienter ce dispositif, le rendre lisible aux étudiants et à leurs familles et garantir des conditions d'encadrement conformes aux pratiques internationales est incontournable. L'aspiration à la reconnaissance dès le premier emploi du caractère professionnalisant des diplômes, avec des droits sociaux afférents, est maintenant une dimension structurante.

Aujourd'hui encore, le gouvernement pousse à des choix régressifs qui révèlent la nocivité structurelle de la loi LRU: suppression de 1 030 emplois (budget 2009), démantèlement du CNRS et des autres organismes de recherche dépouillés de leurs missions et de leurs personnels, concurrence exacerbée, course aux publications «aux résultats »... rendant difficiles les missions de recherche fondamentale dont les rythmes n'épousent pas ceux des contrats d' objectif. Bien des problématiques sont ignorées ou détournées par le gouvernement actuel. Pourtant les personnels et leurs organisations sont porteurs de propositions d'améliorations. Après le cycle licence qui doit devenir plus attentif aux parcours individuels des étudiants, la simplification et l'accès clarifié au master se feront d'autant mieux que se construira un grand service public rénové du supérieur associant l'ensemble des cursus. L'idée d'inclure dans un monde universitaire diversifié et ouvert toutes les formations post-bac actuellement éclatées (formations paramédicales, économie gestion, écoles d'art, CPGE...) chemine.

Recrutés après plus de dix ans d'études au terme d'un processus où leur énergie scientifique est rudement mise à l'épreuve, les enseignants-chercheurs doivent se voir confortés et aidés dans l'accomplissement de leurs missions. Les débats actuels autour de l'évaluation des enseignants-chercheurs en restent à une vision punitive. Au contraire de cette logique qui met en concurrence permanente des collègues qui devraient coopérer, une ambition politique cohérente doit porter au plus haut la dimension collégiale. Un tel principe de vitalité démocratique révèle qu'il est possible d'animer de vastes collectivités de salariés sous d'autres règles que celles du management libéral.

L'effondrement des logiques consuméristes, individualistes, que portaient les dérèglements économiques sanctionnés par la crise actuelle, rend envisageable dans le court terme au sein du monde des universités et de la recherche des améliorations notables. Dès maintenant, par exemple, la réorientation du « crédit impôt recherche ». (780 millions d'euros en 2009) s'impose pour affecter ces fonds au rétablissement des 1 030 emplois supprimés dans l'enseignement supérieur et la recherche et à des mesures incitatives pour l'emploi des jeunes hautement qualifiés (master, doctorat). Avec son identité syndicale forte, le SNESUP assume, dans cette intense période, un rôle moteur et créatif. La loi LRU n'est pas le cadre législatif qui convient à ces ambitions!