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L'évaluation continue, une modalité pédagogique pour faire réussir le plus grand nombre ?
Contribution du SNESUP-FSU, juillet 2016
L'évaluation des étudiants constitue un moment important dans leur formation, puisque ses résultats vont conditionner l'obtention des diplômes et le choix des parcours dans le cursus. Par conséquent, elle va peser sur les poursuites d'études des étudiants ou/et l'accès à la vie professionnelle. Le débat sur les types de contrôles, d'évaluation, leur organisation et leurs modalités existe depuis des années et est concomitant avec celui sur la pédagogie. Se substituant à la forme univoque de contrôle terminal selon un type d'épreuves standard en temps limité (dissertation, problème), avec ou sans document - avec unique note pour les étudiants - sont apparues d'autres modalités.
Le contrôle continu individuel, sans seconde session, mais avec des épreuves de rattrapage sous conditions d'absences justifiées, des évaluations collectives sur un temps moins restreint (projet encadré ou réalisation de dossier, par exemple) et le rapport de stage (avec soutenance orale) sont ainsi la réalité des IUT depuis leur création en 1969, avec des variantes pour le contrôle continu (répartition des épreuves sur toute l'année, épreuves communes à toute une promotion, épreuves sur une partie du programme ou tout le programme, etc). Pour les licences à caractère technologique et professionnel, le contrôle continu existe aussi, n'excluant pas la seconde session. Aujourd'hui, c'est en licence que le contrôle continu est appelé à se généraliser (Cf arrêté licence). Mais, aucun texte réglementaire ne définit réellement ce contrôle continu.
Dans la suite, nous allons apporter quelques éléments sur le contrôle continu sans discuter les différents concepts d'évaluation développés par les chercheurs en éducation. L'évaluation continue dont nous parlons est répartie sur la durée de la séquence pédagogique et accompagnée d'une note, selon la pratique actuelle dans les établissements. Nous soulignons que d'autres formes d'évaluation sont peu répandues faute d'une formation suffisante des enseignants du supérieur aux pratiques existantes, mais aussi faute de moyens humains.
Définir les différentes formes de contrôle continu : d'un contrôle continu normatif à une évaluation continue formative.
L'évaluation continue comporte plusieurs évaluations régulières individuelles et, le cas échéant, des évaluations collectives. Reposant sur des évaluations régulières du début à la fin de la séquence pédagogique, suivies de corrections écrites ou orales, elle doit permettre la mise en place d'une boucle de contrôle rétroactive entre le niveau évalué au temps « t » des connaissances et savoir-faire des étudiants et la progression prévue par l'équipe pédagogique. Il s'agit donc d'une évaluation continue des acquis des étudiants et d'une mise en mouvement corrélée des enseignements et de la pédagogie selon les objectifs à atteindre précisés dans la maquette de la formation.
Les phases d'évaluation et d'apprentissages sont indissociables et doivent être conjointement organisées. Cela suppose l'explicitation de ce qui est attendu de l'étudiant et la vérification des pré-requis. Ainsi, une évaluation doit porter sur un contenu et des outils méthodologiques enseignés en cours, TD et/ou TP. Le programme précis - pouvant porter sur des parties déjà évaluées - d'une épreuve individuelle en temps limité, ses modalités (sans ou avec documents ou matériel, types de documents autorisés le cas échéant, types d'exercices demandés, indications de barème...) doivent correspondre à des clauses clairement annoncées, sans piège, par exemple à la faveur de la préparation interactive que permet l'évaluation par contrat de confiance.1
Dans certaines disciplines, la mise en place d'outils numériques, en adéquation avec la progression pédagogique de l'UE, peut aider les étudiants à s'auto-évaluer et participe ainsi à l'évaluation continue.
Avantages de l'évaluation continue
L'évaluation continue permet de repérer le plus rapidement possible une lacune de l'étudiant, une démarche inappropriée, et d'y porter un remède avant que ne s'installe la « spirale de l'échec » . Il faut poser le bon diagnostic : l'analyse fine des erreurs de l'étudiant, en remontant la chaîne des apprentissages, peut permettre d'identifier le défaut de compréhension qui a entraîné les erreurs. Une fois mise en évidence son origine, une « remédiation » peut être alors mise en œuvre.
L'évaluation continue favorise la diversité des méthodes et moyens de l'évaluation (individuelle ou en groupe, écrite ou orale, de durées variables, en présentiel ou à distance à l'aide des outils numériques), en opposition à une épreuve ponctuelle sur table évaluant autant des connaissances, que la maîtrise à les transmettre par écrit. Elle augmente donc les chances de l'étudiant de faire la démonstration qu'il maîtrise des connaissances et des savoir-faire. L'épreuve écrite terminale, individuelle en temps limité, dite de synthèse, est indispensable, mais ne saurait être l'unique voie pour évaluer. L'évaluation continue constitue une modalité favorisant la progression et la réussite des différents types d'étudiants présents en licence, mais elle est également favorable aux autres : décrocheurs, empêchés, handicapés, salariés, sportifs de haut niveau, artistes.
L'évaluation continue rend cependant obligatoire la présence régulière des étudiants en cours, TD et TP ; elle est donc difficilement compatible avec le travail salarié qui concerne une part croissante des étudiants en Licence. Elle pose ainsi problème à des étudiants salariés ne bénéficiant pas de la reconnaissance de ce statut (nombre d'heures insuffisant, travail non déclaré, baby-sitting ...) ou aux étudiants empêchés. Le contexte actuel de crise économique, qui frappe particulièrement durement la jeunesse, renforce le besoin urgent de mesures de grande ampleur permettant d'améliorer les conditions de vie des étudiants, particulièrement en termes d'aides financières2 et de logements étudiants.
L'évaluation continue est une méthode proche de ce qui est pratiqué au lycée, ce qui peut être un atout pour la réussite en première année de licence, mais qui doit évoluer progressivement afin de rendre l'étudiant plus autonome en fin de cycle. Le renforcement de l'articulation Lycée-Université, pour améliorer du taux de réussite en cycle licence, ne saurait conduire à supprimer les changements de paradigme entre secondaire et supérieur. La généralisation uniforme de l'évaluation continue ne saurait nier la diversité des populations étudiantes et la nécessité de la prendre en compte dans les parcours pour qu'ils réussissent.
Difficultés de mise en œuvre de l'évaluation continue
Pour être efficace, l'évaluation continue nécessite que plusieurs notes soient délivrées, ce qui peut rassurer les étudiants et leur permettre d'organiser leur travail, mais le corollaire est qu'elle accroît le travail de préparation et de correction de l'équipe pédagogique. Il faut donc insister sur le fait qu'elle se heurte à l'atomisation des UE et à une semestrialisation, qui réduit de façon importante la durée des modules d'enseignement et la durée d'un semestre. C'est encore plus vrai en L1, avec la multiplication des matières, rendue nécessaire par la mise en place de troncs communs à plusieurs mentions.
Selon les objectifs pédagogiques des UE, l'évaluation continue n'est pas nécessairement pertinente. Le morcellement des matières ? dont certaines peuvent ne représenter que 10 à 20 heures de formation ? et les semestres raccourcis, tendent à en rendre impossible la mise en place par matière. Elle peut aussi favoriser une appropriation morcelée des connaissances par les étudiants. C'est particulièrement vrai dans certaines matières, faisant peu appel à des pré-requis, ou lorsqu'aucune épreuve de synthèse ou de durée plus longue n'est prévue. La vue d'ensemble sur la formation est alors altérée.
Morcellement des matières et semestrialisation engendrent également une multiplication des épreuves ; cela pose particulièrement problème pour les cursus, dont les débouchés principaux sont les concours de la fonction publique, dont les épreuves écrites relèvent d'exercices standards de type dissertation ou commentaires de textes, auxquels les étudiants doivent aussi être préparés. L'évaluation doit donc être construite pour l'ensemble de la formation, de façon cohérente, tout en préservant la liberté et la créativité pédagogiques, qui sont des principes du métier des enseignants. L'évaluation continue est donc un type d'évaluation particulier, en cohérence avec un type de pédagogie. Elle ne peut pas être un remède universel à l'échec des étudiants, même si elle possède des caractéristiques qui permettent de le combattre.
Le contrôle continu nécessite le recours à des enseignants référents pour le suivi des étudiants en difficulté. Cela suppose donc la constitution réelle d'une équipe pédagogique, dont la composition peut varier selon les disciplines et le nombre d'étudiants concernés.
Un autre inconvénient du contrôle continu, par la répétition des évaluations qu'elle génère, est qu'elle ne laisse pas aux étudiants un temps suffisant de maturation des concepts. Si une évaluation réalisée en novembre montre qu'une compétence est non acquise, il est possible qu'une autre évaluation, réalisée en janvier, peut-être même dans une autre UE, révèle l'acquisition de cette compétence. L'évaluation finale du candidat devrait pouvoir en tenir compte.
Deuxième session ?
L'évaluation continue n'est incompatible ni avec un examen terminal ni avec une deuxième session d'examens. Celle-ci ne doit d'ailleurs pas être supprimée par le biais d'un chantage aux moyens alloués aux examens. Les étudiants bénéficiant de modalités pédagogiques adaptées, notamment ceux ayant un profil spécifique (en situation de handicap, salariés, jeunes parents, sportifs ou musiciens de haut niveau,...), ou empêchés pour un motif légitime, doivent pouvoir bénéficier d'une deuxième session d'examens, précédée d'une période de révisions d'une durée suffisante (2 à 3 semaines minimum), encadrée par l'équipe pédagogique, évaluant les mêmes connaissances que celles de la première, mais avec des modalités d'examens différentes : épreuves écrites de durées plus courtes, exercices différents, sujets portant sur plusieurs matières, oral, ....
Rattrapages
Les rattrapages permettent à un étudiant ponctuellement absent (examen du permis de conduire, rendez vous à la préfecture, maladie avec certificat médical, etc.) de participer à une évaluation du contrôle continu. Leurs modalités d'organisation sont laissées à l'équipe pédagogique, en accord avec les règlements des modalités et contrôles des connaissances de la formation.
Moyens nécessaires à la mise en oeuvre
Les évaluations et les corrections font partie, à part entière, de l'acte pédagogique. Le temps dévolu à ces actes fait donc partie du temps de formation et, à ce titre, doit être entièrement comptabilisé dans le volume horaire de l'UE. L'évaluation continue sera au service de la réussite étudiante à la condition qu'elle serve les démarches pédagogiques mises en place par les enseignants et la progression des étudiants dans l'acquisition des connaissances et savoir-faire. Elle ne peut, en aucun cas, être un outil au service d'une politique d'austérité budgétaire. Elle nécessite des heures de formation supplémentaires et le renforcement des équipes pédagogiques, donc des créations de postes.
L'évaluation continue ou encore la mise en œuvre de pratiques d'auto-évaluation, ... ne doivent pas masquer le manque de moyens humains et financiers touchant tout le cycle licence. Elles ne pourront être étendues, que si un référentiel national des tâches tient compte de la multiplication des épreuves et corrections, de l'investissement des enseignants dans la mise en place de séquences de remédiation, d'un suivi des étudiants en difficulté par un enseignant référent, de l'implémentation d'outils, etc.
Selon les disciplines, et le nombre d'étudiants, le contrôle continu nécessite des moyens humains et matériels conséquents, avec, par exemple, le nécessaire recours à des enseignants référents pour le suivi des étudiants en difficulté. Cela nécessite donc la constitution réelle d'une équipe pédagogique.
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Ainsi conçu, le contrôle continu, à l'entrée en licence, peut contribuer notablement à la réussite des étudiants, avec une deuxième session leur offrant une chance supplémentaire de réussite. Pour cela le SNESUP-FSU soutient, quel que soit le champ disciplinaire, la généralisation du contrôle continu à la condition que cette modalité d'évaluation soit en adéquation avec le projet de formation, qu'elle soit associée à une deuxième session d'examens précédée d'une période de révision. Le SNESUP-FSU s'oppose en tout état de cause aux examens qui seraient des concours déguisés ou des évaluations couperets. Le SNESUP-FSU souligne l'importance de débattre collectivement des modes d'évaluation et de notation. Il rappelle la nécessité de moyens matériels et humains pour améliorer la réussite des étudiants.
Voir notre communiqué du 4 juillet 2016