L'ALTERNANCE POUR CHOISIR ET FORMER AUTREMENT

Publié le : 10/11/2014

L'ALTERNANCE POUR CHOISIR ET FORMER AUTREMENT

L'exemple de l'IUT LUMIERE

Dés l'émergence de l'idée de créer un IUT à l'université Lumière Lyon2, celui-ci se voulait ancré dans son environnement et acteur social. Dans le cadre d'un programme de rénovation urbaine, il aurait dû s'implanter dans l'une de tours Démocratie des Minguettes à Vénissieux. Elles furent finalement démolies et l'IUT (http://iut.univ-lyon2.fr) s'implanta à Bron avec l'idée, déjà quelque peu préconstruite en Sciences éco. (Groupes de tuteurât, formations en alternance proposées à l'issue du premier trimestre), d'utiliser les ouvertures de la loi de 1987 étendant l'apprentissage à tous les niveaux d'enseignement, et le financement d'études qu'il permet, pour :

  • mener l'expérience de construction progressive d'un IUT entièrement pensé autour du « Choix de l'alternance » ;
  • et former ainsi autrement des publics ayant des qualités autres que celles habituellement valorisées par les critères académiques dominants.

Cela supposait préparation et accompagnement : processus de sélection posant l'étudiant comme acteur de celle-ci, première année sous statut étudiant avec stage d'essai mutuel dans des entreprises prêtes à proposer un contrat de treize mois la deuxième année, création de groupes de projet personnel et professionnel dès l'entrée à l'IUT et accompagnement de la recherche de stages + contrats.
Dans un contexte d'université de masse n'ayant pas fondamentalement changé son mode de transmission du savoir et de construction des compétences, il s'agissait :

  • d'offrir une possibilité, certes numériquement faible (puisque nous sommes passés de 47 à 700 étudiants), à ces flux d'étudiants stagnant en première année et regrettant de ne pas avoir été pris en IUT ou BTS, sans pour autant les dévaloriser ;
  • d'éviter que l'IUT soit utilisé comme moyen de contourner l'inconfort pédagogique du premier cycle (une note de math d‘un bac techno valant celle d'un bac S par exemple lors de la sélection), tout en posant qu'une poursuite d'étude issue d'un goût revenu pour les études serait un succès ;
  • de donner une certaine priorité aux réorientations (note déjà obtenue au bac ajoutée au total des points donnés au dossier de candidature, âge ajouté lui aussi..) assumées et quelque peu réfléchies ;
  • de valoriser (par la sélection, la formation elle-même et les évaluations) des qualités appréciées en situation de travail mais non valorisées par les critères habituels de sélection et notation (dossier de candidature accordant autant de place aux questions sur les expériences, ce qu'on en tire et le projet qu'aux bulletins scolaires) ;
  • de tenir compte des personnalités (audition devant des jurys paritaires universitaires entreprises) et de susciter, dès la sélection et la première année sous statut d'étudiant, la mise en réflexion et projet ;
  • d'accompagner la recherche d'entreprises et la construction du projet personnel et professionnel, tout en rendant les étudiants de plus en plus acteurs et auteurs de leur parcours, de leur insertion et de leur vie ;
  • d‘impliquer progressivement entreprises et employeurs et de travailler pendant un an la bonne adéquation besoins projet entre entreprises et apprentis : de la sélection à l'entrée de l'IUT, au stage d'essai mutuel de première année et à la signature d‘un contrat de treize mois en deuxième année ;
  • de veiller à ce que la présence en entreprises soit réellement formatrice à des savoir, savoir faire, savoir être et savoir devenir, non en soi mais parce qu'on saurait préparer et traiter ces riches temps d'expérience vécus en situations de travail et s'imposer et imposer à l'IUT des comportements faisant écho à certaines des exigences rencontrées (contrôle des présences..) ;
  • de ne recruter que des personnels (enseignants, enseignants-chercheurs, administratifs et techniques) clairement prévenus des conditions de fonctionnement et de l'engagement de toute l'institution dans ce processus ;
  • d'utiliser les fonds de l'alternance pour créer des conditions de travail et d'encadrement en rapport avec le professionnalisme des formations, des suivis et des encadrements : jeux d'entreprise d'intégration mélangeant les départements, équipement informatique posant dès l'origine (il y a 20 ans..) cet outil comme un moyen normal de travail ; création de groupes de projets personnels et professionnels pour tous les étudiants, accompagnement de la recherche de contrats, salles téléphoniques de prospection formation ; obligation pour chaque enseignant de suivre au moins un étudiant en entreprise (2 visites en première année, 5 en deuxième) et reconnaissance de ce moment de formation dans son service, prise en charge des frais de déplacement ; institution de décharges de 96h pour les chefs de département (touchant aussi une prime), les directeurs des études et les responsables de la relation aux entreprises ; création d‘un Service Communication et Relations aux Entreprises ; recrutement de personnels sur fonds propres (administratifs, techniciens, ingénieurs d'études, conseiller d'orientation) et obtention de postes de titulaires gagés (ingénieur d'étude, PRCE et même maître de conférences en Sciences de l'éducation à profil recherche centré sur l'alternance).

Il en a résulté :

  • des taux d'admission des bac pro et technologiques n'ayant eu aucun besoin de quotas pour s'imposer (40 % des admis cette année alors qu'ils n'étaient que 25 % des candidats),
  • des taux de réussite tout à fait semblables à ceux des autres IUT,
  • la meilleure des valeurs ajoutées mesurées par le Ministère dans son étude sur les réussites au DUT en deux ans raisonnant toutes choses égales par ailleurs concernant la composition des promotions sur des critères explicatifs du succès,
  • des taux d'insertion supérieurs à la moyenne et des carrières tout à fait honorables, voire même remarquables, avec de nombreux ex apprentis devenus eux-mêmes maîtres d'apprentissage.

Paul ROUSSET, Ex directeur fondateur de l'IUT LUMIERE
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