Intervention de Francis Artigue, Président de l’association des directeurs d’IUP

Publié le : 12/11/2009


Assises FSU - Défendre et rénover la formation des enseignants - 7 novembre 2009 - Paris Sorbonne

Table ronde - Quels pas en avant sont possibles à partir du contexte actuel ? Quels cursus de formation pour demain ?

Francis Artigue, Président de l'association des instituts universitaires professionnels (IUP) : comment l'université professionnalise-t-elle ?

La professionnalisation de l'université n est pas chose nouvelle et même peut-on dire que les universités de médecine ou de droit par exemple visent directement des métiers.

La professionnalisation moderne pouvons nous dire concerne essentiellement les métiers autour de l'ingénierie, du management, de l'ingénierie et du commerce formations traditionnellement dévolues à des écoles.

Si on se réfère aux 50 dernières années la création des INSA correspondait à une volonté politique d'amener les formations d'ingénieurs au sein de l université. On a vu dans le même temps se créer des écoles moins identifiées (ENSI) également implantées dans les universités. En fait les exigences de la CTI (Commission du titre d'ingénieur) et de l'identification claire des écoles à imposé rapidement de les placer dans des structures institutionnelles leur assurant une autonomie importante (actuellement article 33 ou 43 de la loi). A partir de 1968 un pas a été franchi avec les IUT. Les classes de BTS qui formait des diplômés bac+2 sont directement liées aux lycées et à l'enseignement secondaire. On a beaucoup gaussé à l ‘époque (j'enseignais en IUT) sur l incapacité de l'université à former de vrais professionnels et que les DUT ne remplaceraient jamais les BTS. Nous savons tous où nous en sommes. Comme avec les écoles d'ingénieurs il est rapidement apparu la nécessité de mettre les IUT dans des structures spécifiques (encore une fois des articles 33). En fait la question de lisibilité se posait moins que pour les écoles d'ingénieurs mais les formes pédagogiques, les enseignants utiles se différenciaient fort des méthodes et personnels universitaires. En particulier les sciences restent fort conceptuelles dans l'université et le personnel enseignant très peu préparé à la formation de techniciens. Avec l'article 33 les IUT, comme les écoles ont un budget et des pédagogies propres et surtout leur mot à dire dans le recrutement des enseignants.

Entre temps on va voir des tentatives de professionnalisation avec des cursus originaux, MST (Maîtrise de Sciences et technique), MIAGE (Maîtrise d'Informatique Appliquée à la Gestion), MSG (Maîtrise des Sciences de Gestion).
En 1991 Claude ALLEGRE veut professionnaliser en masse (1 étudiant sur 2) et crée les IUP. Les IUP concernent les métiers secondaires et tertiaires. Il les place en concurrence des écoles et crée le titre de d'ingénieur-maître. Mais, à la différence des écoles et des IUT les IUP sont intégrés totalement aux universités et délivrent les mêmes diplômes. La création des IUFM date de la même époque.
Il y a eu jusque 300 IUP avec un flux annuel moyen de 50 étudiants. Les plus connus, les plus rependus étaient les génies des systèmes industriels, génie électrique, génie civil et coté tertiaire et commerce et vente, banque et assurance, management ou communication. p Très rapidement ces IUP ont connu un grand succès tant auprès des étudiants que des entreprises. La pédagogie est caractérisée par une forte alternance, la présence d'enseignants issus de la profession, la forte adéquation entre formation et métiers et bien en avance, une pratique importante des langues étrangères (2 langues étrangères obligatoires).

Le placement des diplômés est une réussite.

En 1995 le même Claude ALLEGRE initie le 2, 4,6 qui se transforme en 3,5, 8 et enfin en LMD. Les IUP se situaient du DEUG, Licence, Maîtrise et vont se trouver en porte à faux. Rapidement les IUP vont intégrer un DESS qui les mène à bac+5. Le passage au LMD va se traduire par des luttes difficiles. Le DGES (MONTEIL) de l époque finit par autoriser les IUP à délivrer le master. C'était en 2002. A partir de cette époque la DGES n'a de cesse de détruire le dispositif IUP avec la complicité des experts de la MST. Un des IUP les plus anciens d'une université célèbre est fermé parce qu il prétendait faire des mathématiques ET de l informatique, un autre de l'Informatique ET de la gestion. C'est le retour de l'université la plus académique pour qui le savoir est primordial et le savoir faire sans intérêt. Pour habiliter un IUP on regarde les publications des enseignants et on se moque du placement des diplômés. Ce .sont sans doute des cas d'espèce de la part d'experts mais suffisants pour voir la moitié des IUP disparaître. On a à l'époque différencié un master pro et un master recherche. On a voulu aller au bout du démantèlement de la professionnalisation en voulant plus tard supprimer toute référence à un master pro. Cette époque est révolue mais les dégâts sont immenses. Il reste très peu de structures IUP, elles ont pour la plupart perdu leur visibilité noyées dans le jargon des définitions du LMD. Celles qui restent forment toujours d'excellent professionnels mais il n y a plus de reconnaissance officielle et ce manque de reconnaissance se traduit par une banalisation des moyens. L'arrivée du logiciel SYMPA achève de priver les IUP des moyens nécessaires à des formations professionnelles. Dans le cahier des charges des IUP figurait la nécessité d'enseignement par des professionnels. On avait pour cela créé les PAST. Avec la LRU la notion même de PAST disparaît.

On peut se poser la question du pourquoi de se démantèlement de structures efficaces. Il y a eu je pense une volonté de tout faire entrer dans le moule unique du LMD et en confiant cela à des experts tenants de l'université la plus académique qui soit. Les hommes politiques du moment se sont toujours prononcés pour la professionnalisation (y compris les ministres) alors que dans la pratique on faisait tout pour la détruire. Il faut aussi dire que dans nos universités mêmes, les tenants de l'université à l'ancienne pouvaient se réjouir et reprendre le pouvoir.
Enfin il y avait je pense une véritable incompréhension pour ce qu'est une formation professionnelle, ce qu'est un savoir, ce qu'est une compétence, ce qu'est un savoir faire.

Pour nous il s'agissait de former des cadres d'une entreprise et non des chercheurs. Un cadre doit posséder une large étendue de compétences qui vont au delà de la technicité. Il intègre des responsabilités de management économique mais aussi humaines, il communique dans et hors de l'entreprise, il la représente et de plus est responsable de ses actes technologiques. Dans la technologie même il ne s'agit pas pour lui de technologie à établir hypothétiquement mais il y a toujours un engagement de réussite. Il a une vision de la technologie différente de celle du chercheur. L'expérience de l'enseignant du supérieur est plutôt celle du chercheur. Le chercheur sur une matière doit avoir une vue très pointue, avancée et exploratrice. Le cadre d'une entreprise doit avoir des compétences larges qui lui permettent de dialoguer avec l'ensemble des personnels. Sa connaissance doit être établie à défaut d'être pointue. Si un ingénieur calcule un pont il est évident que le pont doit résister et s'il résiste pas l'ingénieur peut aller en prison. On ne risque pas la prison en se trompant dans la démonstration d'un théorème. Nous sommes sur des cultures fondamentalement différentes. Il est indispensable, pour ces raisons culturelles dans des formations professionnelles d'entendre la voix des professionnels de l'entreprise. Il est aussi indispensable de prévoir une alternance forte (au moins 30% du temps de formation je pense). J'ai relu ces jours ci le cahier des charges des écoles d'ingénieurs. Il est très semblable à ce qui était demandé pour les IUP. Il n'y a pas beaucoup de manières différentes pour former des professionnels