Article publié dans le mensuel n°587 de septembre 2010
Cet article mis en page pour impression ( 77.38 kb)
- par Marc Champesme, responsable du secteur « Formations supérieures », membre du comité de suivi licence (commission du CNESER)
L’innovation pédagogique n’a pas attendu le « plan pour la réussite en licence » pour se manifester dans l’enseignement supérieur français. On peut même dire qu’elle arrive encore à se maintenir – combien de temps encore ? – malgré le train de réformes régressives imposées brutalement ces dernières années aux établissements, aux personnels et aux étudiants. Tutorat, développement des cours/TD en groupes à effectif réduit et des TP, UE interdisciplinaires, semaines de prérentrée, élaboration du projet professionnel de l’étudiant, méthodologie du travail universitaire, enseignants référents, services universitaires de pédagogie, constitution d’équipes pédagogiques... autant de dispositifs connus et mis en place dans certains établissements bien avant l’arrivée de V. Pécresse au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le seul mérite que l’on peut reconnaître au « plan pour la réussite en licence » est d’avoir suscité des discussions et débats parmi les universitaires, conduisant à mettre en place ou réactiver certains de ces dispositifs. C’est à peu près dans ces termes que le comité de suivi licence a fait un premier bilan de la mise en oeuvre de ce plan : lorsqu’ils ont été mis en place – car de nombreuses filières de formation n’ont pas été concernées – ces dispositifs pédagogiques le furent de manière très disparate (très fortes variations d’une filière à l’autre, y compris au sein d’une même université ou d’une même UFR). De plus, le comité de suivi licence constate que cette mise en oeuvre repose souvent sur les épaules de quelques enseignants et enseignants- chercheurs particulièrement motivés, mais souvent déjà à la limite du découragement devant le manque de soutien institutionnel – en premier lieu en terme de moyens humains – qu’ils subissent.
Refus dogmatique de créer des emplois, dégradation de la situation sociale des étudiants, promotion systématique des CPGE et grandes écoles (conduisant de fait à dévaloriser le cursus licence et à dissuader les lycéens ayant de bons résultats scolaires de s’y orienter), nouveau système de répartition des moyens survalorisant les enseignants-chercheurs « publiants » – et ignorant complètement les autres (notamment ceux s’investissant fortement dans les activités pédagogiques), nouveau statut menaçant les enseignants-chercheurs d’une modulation s’ils ne « produisent » pas suffisamment en recherche, mépris profond de tout ce qui est pédagogie de la part de nos gouvernants (illustré de façon très brutale par la réforme de la formation des enseignants et la suppression des CIES), toutes ces mesures sont autant d’entraves au développement, voire au simple maintien à son niveau actuel, de l’innovation pédagogique.
Comme nous l’avons suggéré, l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur a toujours été fragile et le restera si un effort important n’est pas fait pour la valoriser et la soutenir au niveau institutionnel. Cet effort passe notamment par la mise en place d’une véritable formation pédagogique initiale et continue pour tous les enseignants et enseignants- chercheurs, appuyée sur la généralisation à l’ensemble des universités de services universitaires de pédagogie comme il en existe déjà dans certaines universités. Cela passe aussi par une très forte impulsion en faveur de la recherche en éducation concernant l’enseignement supérieur, mais aussi par des mesures tout aussi ambitieuses au niveau structurel, notamment pour en finir avec le dualisme absurde entre universités et grandes écoles.