Extrait du rapport Filâtre : 15 propositions pour réussir la réforme

Publié le : 28/10/2009


Rapport Filâtre (inter conférence universitaire) -juillet 2009

4- En conclusion, 15 propositions pour réussir la réforme

En synthèse de ce rapport, il convient de rappeler que les universités, dans toutes leurs composantes, sont favorables à une élévation du niveau de formation des futurs enseignants. Cependant, la manière dont s'est engagée la réforme de leur formation et de leur recrutement a conduit à de très vives réactions et, au final, à une impossibilité de la mener à bien.
Les décisions politiques de différer d'un an son application, de mettre en oeuvre des mesures transitoires et d'ouvrir des structures de concertation ont été un facteur non négligeable d'apaisement des tensions. Mais l'annonce de la publication de décrets, en parallèle des concertations engagées, a été perçue par beaucoup comme une volonté de passage en force ou un contournement des discussions en cours.
Faute d'un accord, les représentants des conférences universitaires et des experts enseignants-chercheurs ont décidé le 10 juin 2009 de suspendre leur participation à la commission nationale de concertation. Cette décision s'est toutefois accompagnée d'une volonté d'apporter, par une auto-saisine, leur propre contribution à l'indispensable réflexion sur cette réforme.
Tel est l'objet de ce rapport qui ne saurait englober tous les points de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants. Certaines questions ont été ici abordées. D'autres n'ont pu été traitées comme l'organisation de l'année de formation continuée, l'accompagnement social des étudiants et des stagiaires, l'équité territoriale, le devenir des IUFM et des sites en région, la spécificité de certains concours, les relations avec les rectorats d'académie et les acteurs de l'éducation nationale, la place des langues et des technologies de l'information, etc.
Du fait de leur volonté d'apporter leur contribution selon le calendrier initialement prévu pour la remise du rapport de la commission nationale de concertation, les membres du groupe « inter-conférences universitaires » ont cependant voulu clore cette étape. Ils ont conscience du caractère incomplet de leur contribution. Ils appellent à la poursuite de cette réflexion collective.
Dans cette attente, ils proposent quinze principes et propositions pour une réforme réussie de la formation des enseignants.

  • 1. La réforme doit apporter une réelle amélioration de la formation des futurs enseignants qui leur confère une plus grande qualité professionnelle. Elle doit comporter une dimension intrinsèquement universitaire articulant exigences scientifiques et professionnalisation. Elle doit permettre de revaloriser la fonction enseignante et le métier. Ces trois objectifs largement partagés doivent conduire à engager la réforme de la formation des enseignants vers une plus-value significative.
  • 2. Les masters doivent s'inscrire dans un cadrage national qui définit les référentiels de formation au niveau global et par discipline. Ce cadrage national doit garantir les mêmes règles pour toutes les universités, et préserver l'égalité des chances pour les étudiants. Les concours doivent également conserver leur caractère national.

 

  • 3. Toute réflexion à venir sur la réforme doit prendre en compte d'une part, l'unité de la profession enseignante et de ses valeurs et, d'autre part, la spécificité des différents métiers et de leur contexte d'exercice.
  • 4. La réforme doit permettre une meilleure intégration à trois niveaux : formation disciplinaire et formation professionnelle ; préparation du concours et du master ; savoirs disciplinaires liés aux enseignements et savoirs scientifiques liés à la maîtrise d'un champ disciplinaire.
  • 5. Le positionnement du concours ne doit pas affaiblir la qualité de la formation de master. Il est donc primordial d'engager une réflexion nouvelle sur une meilleure articulation entre le concours et le master. C'est à cette condition que les deux hypothèses envisagées pour la place des épreuves du concours préservent la qualité de la formation et du concours : admissibilité en fin de M1 et admission en fin de M2 (hypothèse 1) ; admissibilité et admission en fin de M2 (hypothèse 3).
  • 6. Le positionnement du concours et l'articulation entre concours et master doivent permettre les possibilités d'orientation ou de ré-orientations des étudiants.

 

  • 7. Le nombre annuel élevé de candidats potentiels aux métiers de l'enseignement démontre heureusement l'attractivité que ceux-ci conservent dans le pays. Néanmoins, mis en face des places aux concours, ce nombre impose de concevoir une formation qui assure, à tous ceux qui en auront satisfait les exigences mais qui ne seraient pas reçus au concours, des débouchés professionnels. La place et l'organisation des concours, comme les régulations de flux à envisager, ne devront pas perdre de vue cet objectif essentiel.

 

  • 8. La réussite de la réforme est conditionnée par la définition d'un référentiel de formation qui repose sur la meilleure intégration possible des quatre blocs de compétences retenus : savoirs, connaissances et savoir-faire spécifiques nécessaires à l'enseignement de la discipline ; savoirs didactiques et maîtrise des éléments (principes, méthodes, outils) intervenant dans leur transmission ; maîtrise des compétences disciplinaires et méthodologiques nécessaires à l'évolution et l'approfondissement des compétences enseignantes ; savoirs et compétences nécessaires à une claire perception de l'environnement institutionnel et social dans lequel s'inscrivent les missions de l'enseignant.
  • 9. L'initiation et la participation à la recherche sont, pour un enseignant, une véritable formation professionnelle, nécessaire à l'exercice du métier et à sa capacité d'évolution. C'est en effet de la capacité à transmettre une science vivante autant que d'en adapter l'enseignement aux dernières évolutions scientifiques et sociétales que dépend la capacité d'insertion sociale et professionnelle future des élèves. La recherche n'est pas une simple conséquence de la mastérisation, non plus que le moyen d'éviter que les nouveaux masters ne s'enferment dans une formation en vase clos sans poursuite possible d'étude ; elle est au contraire la légitimation profonde d'un recrutement au niveau master. Il est donc essentiel que lors de la formation initiale, lors de l'année de formation continuée et à certains moments de la carrière de l'enseignant, un lien s'établisse entre la recherche et l'enseignement quels que soient les niveaux et les lieux d'exercice, les publics et les disciplines enseignées. Ce lien doit prendre des formes variées et adaptées.
  • 10. La concomitance de la formation et du concours et la différence fonctionnelle de l'une et de l'autre obligent à mieux intégrer le concours dans la formation de master. Cela conduit à :

• imposer des épreuves composites dans les concours, c'est-à-dire des épreuves relevant de plusieurs blocs de compétences du référentiel de formation ;
• repenser les épreuves traditionnelles pour éviter que le concours ne contrôle que des acquis déjà vérifiés dans le cadre de la formation de master ;
• proposer qu'une ou plusieurs épreuves du concours puissent s'appuyer sur un travail personnel réalisé lors du master.

  • 11. Les contraintes propres aux champs disciplinaires et pratiques scientifiques, les diverses structures des savoirs académiques, les divers métiers d'enseignant selon les publics scolaires visés font qu'on ne peut pas raisonner sur un modèle unique. C'est pourquoi il est nécessaire de concevoir des architectures de master et de concours distinctes selon les types de métiers et selon les grands champs disciplinaires : Formation et concours PE, Formation et concours PLC ALLSHS (dont CPE et Doc), Formation et concours PLC Sciences et Techniques, Formation et concours PLP, Formation et concours professeurs agrégés. Ceci ne contredit en rien le principe préalable d'un cadrage général qui assure l'unité de la formation des enseignants et réaffirme l'absence de hiérarchie entre les différents métiers de l'enseignement et de l'éducation.
  • 12. Les stages pleinement intégrés dans le dispositif de formation sont nécessaires car il ne peut pas y avoir de formation universitaire professionnelle sans alternance entre formation à l'université et formation sur le(s) terrain(s) d'exercice de la profession. Il convient cependant de s'assurer que les stages soient encadrés et accompagnés, respectent les principes réglementaires notamment en termes de gratification, s'intègrent dans les cursus sans les alourdir, adoptent des dispositions particulières nécessaires à la prise en compte de la diversité des situations des étudiants.
  • 13. La réforme du recrutement et de la formation des enseignants doit permettre un recrutement, en phase avec le corps social pris dans sa diversité, ouvert à la société et permettant l'accès de tous et toutes à la profession enseignante. C'est pourquoi il est indispensable de renforcer les bourses au mérite et à caractère social à l'intention des étudiants s'inscrivant dans les masters conduisant aux métiers de l'enseignement, mais également de proposer un modèle d'allocation aux candidats les plus méritants, afin d'assurer la démocratisation de l'accès aux métiers de l'enseignement.
  • 14. Les universités et leurs composantes sont, depuis de longues années, engagées dans la formation des enseignants. Chaque année, elles contribuent à préparer directement ou indirectement les 230 000 candidats aux divers concours de la formation et de l'enseignement. C'est pourquoi, face à une réforme d'une telle ampleur et aux enjeux qui en découlent pour la nation, pour les candidats et leurs familles, ainsi que pour les formateurs, elles revendiquent d'assumer pleinement leur responsabilité majeure dans ce domaine. Il est donc essentiel que les universités soient considérées non comme des opérateurs de la réforme, mais qu'elles soient, au contraire, pleinement associées à sa définition et à sa mise en oeuvre.
  • 15. Les évènements des dix derniers mois, les réactions et tensions de diverses origines, l'importance des contributions provenant de nombreux acteurs montrent toute l'importance de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants. C'est un enjeu majeur pour construire une société de la connaissance et de progrès. C'est aussi une réforme complexe à définir, pour au moins trois raisons : la concomitance du concours et de la formation, la diversité des concours et les spécificités selon les secteurs disciplinaires, l'importance des flux étudiants concernés. C'est pourquoi il est indispensable de revenir à une véritable concertation entre tous les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche d'une part et de l'éducation nationale d'autre part. C'est à cette condition que la réforme sera réussie.