Engager la rupture

Publié le : 17/06/2012


Engager la rupture

Par Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESUP

Au-delà d'un appel unanime à la rupture, c'est un ensemble cohérent de propositions déclinées dans le temps, approfondissant l'appel du SNESUP dévoilé à la mi-janvier, que le congrès a élaboré pour enclencher dès maintenant de réels changements de politique.

Le congrès d'étude du SNESUP s'est déroulé à un moment politique singulier : à michemin entre le résultat de l'élection présidentielle, qui a vu l'échec de Nicolas Sarkozy, et le scrutin législatif. Ce congrès important a rassemblé plus de 125 délégués venus des quatre coins du pays, ancrés dans la vie de
leur établissement pour des débats riches. Les communautés universitaire et scientifique attendent des premiers signaux forts de rupture avec les politiques menées depuis plus d'une dizaine d'années qui fragilisent le service public d'enseignement supérieur et de recherche. Récemment installé après l'élection de François Hollande, le gouvernement a mis en perspective deux lois d'orientation concernant l'enseignement scolaire et l'enseignement
supérieur et la recherche. Nous considérons essentiel une réflexion approfondie sur leur articulation, en particulier pour un lien renouvelé entre le lycée et
l'université. Le SNESUP y prendra toute sa part. L'objectif de démocratisation de l'enseignement supérieur justifie à lui seul cette prise en compte croisée des attentes des services publics d'éducation et de recherche. Une urgence économique et sociale est celle de qualifications de haut niveau, reconnues dans le secteur public comme dans le privé, et donc de l'augmentation du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur (DUT et licence, master et doctorat), accompagnée par la reconnaissance de ces diplômes dans les conventions collectives et la mise en oeuvre d'une synergie entre toutes les formations post-bac. Cette élévation du niveau de qualification ne se fera pas sans une augmentation du nombre d'étudiants bénéficiant de la richesse des formations de l'université et des diplômes qu'elle délivre.

Dès l'entrée à l'université, le lien entre les formations et la recherche est la condition de connaissances actualisées ainsi que la garantie d'une pratique réflexive et émancipatrice du savoir. Nous sommes porteurs de propositions pour le cycle licence, et le post-bac en général, et de transitions et articulations entre formations avant et après bac, qui rompent avec en particulier celles de la Conférence des Présidents d'Université de « bac - 3 à bac + 3 » dont l'objectif serait la constitution de collèges universitaires de premier cycle, sous contrôle des régions déconnectés de la recherche. La formation des enseignants sinistrée par le pouvoir présent exige une attention immédiate. Un régime transitoire, qu'il conviendra de rendre le plus bref possible, est à mettre en oeuvre dès la rentrée 2012. C'est le sens des mesures d'urgence permettant de préfigurer et d'entamer la réflexion de fond sur la formation des enseignants et sur les concours.

Ces cinq dernières années ont vu les conditions d'exercice de nos missions se dégrader profondément, le tissu universitaire se disloquer, nos libertés scientifiques et pédagogiques être entravées, la précarité exploser... Si les mesures à engager nécessiteront du temps et de la concertation, certaines décisions ne doivent pas tarder : dénonciation des conventions État-Idex, recrutements exceptionnels, revalorisation des salaires à la hauteur des qualifications exigées, maintien dans l'emploi des contractuels existants... La liste de nos propositions et exigences est longue, elles engagent l'avenir du service public d'enseignement supérieur et de recherche.
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a confirmé l'écriture d'une nouvelle loi d'orientation de l'enseignement supérieur et de la recherche laissant derrière elle la loi Pacte pour la Recherche et la loi LRU. Faire de ces textes des réponses aux revendications de la communauté universitaire et scientifique est un enjeu majeur pour le SNESUP, première organisation chez les enseignants du supérieur. Nous devrons peser.
Geneviève Fioraso a également indiqué la méthode que le gouvernement entendrait mettre en oeuvre (assises régionales suivies d'assises nationales) pour aboutir à une loi début 2013. La tenue d'assises fait écho à une des demandes anciennes du SNESUP, celle d'un grand débat national. Nous demandons la création d'un comité de pilotage indépendant du gouvernement, permettant la représentation des établissements ainsi que des organisations syndicales en tenant compte de leur poids réel respectif, et ouvert à la société civile.
Contrairement à ce qui s'est passé en 2004 après les États généraux de la Recherche, le débat démocratique que nous souhaitons voir organiser ne pourra pas être confisqué ou détourné. Le SNESUP demande que ce comité de pilotage des assises définisse, dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur le service public national d'enseignement supérieur et de recherche, les thématiques traitées (institutionnelles, financières, pédagogiques et d'organisation de la recherche) et les périmètres géographiques adéquats permettant d'associer largement la communauté.