Cette tribune est passée dans le Journal "L'Humanité" :
http://humanite.fr/20_10_2010-l%E2%80%99heure-est-aux-alliances-et-%C3%A0-l%E2%80%99action-456149
Par Marc Delepouve, Coresponsable du secteur international du SNESUP-FSU.
Du 12 au 14 octobre s'est tenue à Genève la conférence internationale « Services publics de qualité. Passons à l'action », organisée par le Conseil des syndicats mondiaux, qui regroupe la Confédération syndicale internationale (CSI) et des fédérations syndicales internationales : l'Internationale des services publics (ISP), l'Internationale de l'éducation (IE)... De toutes les régions du monde, des syndicalistes, ainsi que des représentants d'ONG et de collectivités locales avaient fait le déplacement, à l'exception notable de la Chine. Cette conférence, programmée il y a trois ans, avait pour objet de mettre en œuvre une stratégie commune face aux attaques systématiques que subissent les services publics partout dans le monde depuis deux ou trois décennies. Les pays les plus pauvres en ont été les premières victimes avec les plans d'ajustement structurel imposés dès le début des années 1980 par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, c'est-à-dire par les pays riches, détenteurs de la majorité des droits de vote au sein de ces organisations.
Un bilan des politiques néolibérales de dégradation, voire d'abandon, des services publics est partagé par l'ensemble des organisations syndicales. Nous noterons ici la réduction du droit à la santé, à l'éducation, à l'accès à l'eau potable pour les populations les plus pauvres, ainsi que la détérioration de l'information et de la vie démocratique. Mais l'heure n'est plus au bilan. Depuis 2008, paradoxalement, la crise du néolibéralisme nourrit et intensifie les attaques néolibérales contre les services publics, la protection sociale et les retraites. Sont en cause le manque de stratégie et la dispersion des forces sociales. L'heure est aux alliances et à l'action. Tel est le signal donné par la conférence de Genève. À cette fin, un projet de charte et un plan d'action ont été au centre des échanges et des débats.
La question des alliances est essentielle, entre syndicats, mais aussi et de façon indispensable avec des associations et des organisations non gouvernementales (ONG) de lutte contre la pauvreté, pour les droits humains, pour la défense de l'environnement, et enfin avec des collectivités locales. Alliance à l'échelle internationale tout d'abord. Des objectifs stratégiques et des actions doivent se situer à ce niveau. Ainsi le projet de charte met en exergue une taxation adéquate des entreprises et une taxation des transactions financières, indispensables pour le financement des services publics partout dans le monde. Alliances aux échelles nationales et locales ensuite. En France, à la suite de la manifestation du 5 mars 2005 à Guéret, a été lancée la Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics. Puis, le 30mars 2010, a été lancé l'appel pour des états généraux des services publics. La conférence de Genève peut offrir à ces initiatives un cadre international.
Toutefois, si une première impulsion nous vient de la conférence de Genève, tout ou presque reste à faire. Tout d'abord, pour peser et engranger des victoires, il importe que les alliances aux plans local, national et international, mais aussi européen, soient suffisamment larges et se fixent des objectifs précis. Ensuite, face à la gravité de la situation, partout dans le monde certaines organisations syndicales dont les revendications ne portaient que sur les intérêts directs des salariés sont aujourd'hui amenées à investir des questions plus générales. La généralisation de cette évolution est une condition de la portée de ces alliances. Enfin, il y a l'indispensable articulation avec le mouvement altermondialiste.
Genève du 12 au 14 octobre 2010
Denis Jouan pour le SNCS et moi-même pour le SNESUP avons participé à la délégation de l'Internationale de l'éducation (IE) à la conférence syndicale internationale « Services publics de qualité. Passons à l'action », tenue à Genève du 12 au 14 octobre 2010. Cette conférence a constitué une étape importante dans la préparation d'une campagne internationale pour les services publics, plus précisément d'une campagne à organiser à tous les niveaux, du local à l'international, s'appuyant sur des alliances large (syndicats, associations, ONG, collectivité locales), et à dérouler sur plusieurs années à partir de début 2011. Différentes ONG internationale (Greenpeace, Oxfam, Alliance mondiale contre la pauvreté, War and Want, etc.) y ont participé,, ainsi que des représentants de collectivités locales et des chercheurs. Samir Amin, une des figures internationales de l'altermondialisation, y est intervenu.
En France, les Etats Généraux des services publics tiendront une réunion les 29 et 30 janvier, soit une semaine avant l'ouverture du Forum social mondial de Dakar. Vu l'engagement altermondialiste des organisations impliquées dans les Etats généraux, il pourrait sembler utile que la réunion des 29 et 30 fassent explicitement référence au forum de Dakar. Enfin, cette réunion pourrait aussi être l'occasion de faire connaître la campagne internationale objet de la conférence de Genève.
Le contexte de cette conférence est celui de la crise qui a éclaté en 2007/2008, et aujourd'hui des plans d'austérité en Europe. C'est aussi celui où les syndicats à l'échelle internationale ont pris en considération le fait que pour peser ils doivent œuvrer ensemble et avec des ONG et des collectivités locales. Comme dans de nombreux pays, les syndicats étasuniens de l'IE connaissent une situation difficile : Roger Toussaint, vice président du syndicat étasunien des employés des transports, a rappelé que le taux de syndicalisation est tombé à 12% aux Etats-Unis. Mais ce chiffre ne s'aggrave plus et des syndicats se remobilisent. Une campagne de communication des conservateurs et de certaines entreprises, largement relayée par les médias, accusent les syndicats d'enseignants d'être les responsables du délabrement du système d'enseignement étasuniens. Délabrement dont les mêmes conservateurs portent la responsabilité. Si bien que ces syndicats sont plus que jamais combatifs et mobilisés contre les politiques néolibérales. Plus largement une évolution positive du syndicalisme dans le monde est en œuvre depuis un peu moins de dix ans, en lien avec le développement du néolibéralisme. Cela était particulièrement visible lors de la conférence de Vancouver de septembre 2010 du comité enseignement supérieur recherche de l'IE, puis l'a été encore davantage lors de la conférence syndicale internationale de Genève sur les services publics.
A noter l'intervention de Richard Samans, directeur général du Forum économique mondial (Forum de Davos), qui a notamment défendu les nécessités, selon lui, de passer des décennies du tout marché à une position « marché et étique » et de ne pas développer un bipolarisme « entreprises, salariés », et a condamné la politique de « vos fonds de pensions » qui ne tiennent compte que du court terme, et d'appeler à ce que ces derniers intègrent le moyen et le long terme. Ses propos révélaient une stratégie classique des leaders de la classes dominantes reposant sur un discours s'appropriant la critique et diluant et/ou déplaçant la responsabilité de la situation afin d'éviter l'affrontement avec les populations.
La campagne internationale « Services publics de qualité. Passons à l'action » connaîtra-t-elle un développement permettant de peser sur le cours du monde et de s'opposer avec une certaine efficacité au néolibéralisme, en faveur des services publics et de leur financement ? Cette question internationale trouvera sa réponse aux niveaux national et local, mais aussi européen. C'est l'engagement à ces différents niveaux qui constituera l'effectivité de cette campagne.
De la conférence de Genève, des multiples interventions relatant expériences, analyses et réflexions stratégiques ont mis l'accent sur la nécessité de campagnes répondant à trois critères :
Marc Delepouve
Conférence syndicale internationale : Comment défendre les services publics ?
L'heure est aux alliances et à l'action
Le 12 octobre, jour de l'ouverture de la conférence, en France la mobilisation pour défendre les retraites s'intensifiait. La conférence de Genève, jeudi 14 octobre, a apporté son soutien aux syndicats français mobilisés pour la défense des retraites et l'ouverture de négociations.
Complément
Compte-rendu de la conférence syndicale internationale « Services publics de qualité. Passons à l'action »
Conférence syndicale internationale « Services publics de qualité. Passons à l’action »
Publié le : 27/10/2010