La sixième session du Forum social européen (FSE) s'est tenue à Istanbul, du 1er au 4 juillet 2010. Avec 3000 participants, en Turquie nous étions loin des 60 000 participants de Florence (novembre 2002), où même des 20 000 participants des précédentes éditions (Londres, Athènes, Malmö). Il faut préciser que les italiens avaient été très nombreux à Florence, à l'opposé des turques au forum d'Istanbul ; mais cela ne peut cacher une faible participation quelque-soit le pays européen considéré. Toutefois, les militants ont quitté Istanbul avec l'espoir d'un nouvel élan.
L'assemblée finale a appelé à se mobiliser le 29 septembre prochain et autour de cette date, jour où la Confédération européenne des syndicats (CES) organise une euro-manif à Bruxelles et appelle à des actions dans tous les pays de l'Union européenne (manifestations, arrêts de travail...). Il s'agit de franchir une première étape de la mobilisation sociale et citoyenne européenne dont la nécessité est au cœur du processus FSE.
Les séminaires (plus de 200 répartis sur trois jours) ont notamment porté sur la crise financière, économique et sociale en Europe, sur les plans d'austérité, sur les services publics et les privatisations, sur les droits sociaux, l'éducation, les droits de la femme (le forum a été précédé d'une journée organisée par la Marche mondiale des femmes, le 30 juin), sur la Palestine, les questions de guerre et paix... Ils ont permis des échanges sur la situation dans les différents pays européens, et des débats sur les analyses et les propositions.
L'environnement n'a occupé qu'une place relativement secondaire et la présence d'organisations environnementalistes était très réduite, d'ailleurs celles-ci ne sont pas citées dans la déclaration de l'assemblée finale. Aussi un séminaire a porté sur les liens entre les crises environnementale et sociale, mais il s'est pour l'essentiel tenu entre syndicalistes, lesquels étaient seuls à la tribune.
Les questions internationales en générale et celle des échanges internationaux plus particulièrement ont été aussi des parents pauvres du forum. Ainsi le libre-échange (qui se heurte à l'intervention des Etats les plus puissants, lesquels dans un même temps en sont le moteur) et les entreprises multinationales ont été les grands absents du séminaire sur les crises environnementales et sociales. Toutefois lors de ce séminaire certains syndicalistes ont indirectement montré l'impasse dans laquelle le libre-échange nous mène, mais sans jamais remettre en question celui-ci, ni même le nommer.
D'autres n'en ont tout simplement pas tenu compte, ce qui leur a permis de faire des propositions qui n'ont de valeur que verbale, et qui de plus n'articulent pas la question sociale européenne avec celle de la solidarité internationale. Finalement, si ce séminaire a montré une conscience du problème de l'environnement et de la nécessité de le mettre au centre, il a par contre souffert d'une faiblesse, la difficulté à penser les échanges internationaux et les rapports géopolitiques.
Les questions qui ont rapport à la culture, à la connaissance, à l'information et aux rapports humains, ainsi qu'aux sciences, aux technologies et à la recherche ont elles aussi été largement délaissées. Pourtant un des caractères fondamentaux des néolibéraux et une de leurs armes sont justement d'opérer une transformation sociétale en profondeur, couvrant quasiment l'ensemble des activités humaines, visant l'irréversibilité et la soumission des populations. Pour exemple, notons l'intrusion, la diffusion et l'exacerbation du principe néolibéral de concurrence partout, y compris dans les relations entre les personnels au sein des services publics, au détriment des valeurs de coopération, de la culture du collectif et de l'intérêt général. Ce problème devrait constituer un axe premier des FSE.
Le processus du FSE, et plus largement l'altermondialisation, ne pourront renverser les rapports de forces et ouvrir la voie d'une autre Europe que s'ils prennent à bras le corps les questions d'environnement, d'échanges internationaux, de géopolitiques ainsi que les aspects sociétaux allant de la culture à la recherche en passant par les relations entre les humains.
En ce sens, englobant les différents aspects sociétaux, le SNESUP a participé à l'organisation de deux séminaires sur l'enseignement supérieur et la recherche, et d'un séminaire sur Sciences, technologies et démocratie. Ce dernier, plus particulièrement, a mis en évidence la nécessité internationale de libérer la recherche de l'emprise du marché et des entreprises. Il s'agit d'une condition indispensable à ce que les sciences et les technologies (re)deviennent une légitime source d'espoirs, et n'ont pas de craintes de nouveaux dangers. Ainsi assainie et fortifiée, la recherche sera à développer fortement et à orienter afin qu'elle contribue effectivement et pleinement aux réponses à apporter aux problèmes environnementaux, sociaux et sociétaux. Ce qui implique d'ailleurs de développer la recherche fondamentale et la recherche non finalisée.
Enfin, deux séminaires ont porté sur l'avenir du FSE. Sur la base du constat d'un net essoufflement du processus depuis Florence, une quasi-unanimité s'est constituée sur la nécessité de mieux organiser les forums et les intervalles entre les forums. Ainsi la déclaration de l'assemblée finale appelle à « une assemblée Européenne le 23-24 octobre (ou 13-14 novembre) à Paris pour poursuivre les réflexions et réponses a la crise, les mobilisations et la coordination des mouvements et aussi pour faire le bilan du FSE et débattre de son avenir ». Le FSE ne pourra faire l'économie d'un nouveau mode d'organisation, qu'il nous faut inventer. La faiblesse de la déclaration de l'assemblée finale du FSE d'Istanbul, voir ci-dessous, illustre une fois encore la difficulté à décider et à animer dans le cadre d'assemblées ouvertes à tous, sans responsabilité identifiée et à la composition mouvante. D'assemblées dont les équilibres internes ne reflètent aucunement le potentiel de mobilisation du mouvement social, écologique et citoyen européen.
Marc Delepouve
4 Juillet 2010
Nous, les participants au FSE d'Istanbul, réaffirmant notre engagement contre toute guerre et occupation et pour une résolution politique à la question kurde, avons pris la résolution suivante
Agir ensemble en Europe contre la crise
Dans un contexte de crise globale et face à l'offensive des gouvernements, de l'UE, et du FMI pour imposer des politiques d'austérité et de régression sociale, les mouvements sociaux réunis au FSE d-Istanbul appellent à agir ensemble en Europe.
Compte rendu du Forum social européen d'Istanbul
Les conditions d'un nouveau souffle
12 juillet 2010
Déclaration de l'Assemblée finale du FSE d'Istanbul
Face à cette offensive, des mobilisations et des résistances se développent dans toute l'Europe. Il est urgent de construire dans la durée et dans toute l'Europe la convergence des luttes, rassemblant des mouvements sociaux, syndicats, associations et réseaux citoyens.
En ce sens, nous appelons à faire du 29 septembre et de la période qui l'entoure, une première étape pour développer des mobilisations partout en Europe.
Nous devons imposer des politiques alternatives permettant de satisfaire les besoins sociaux et de répondre aux impératifs écologiques.
Les mouvements sociaux européens appellent à une assemblée Européenne le 23-24 octobre (ou 13-14 novembre) à Paris pour poursuivre les réflexions et réponses a la crise, les mobilisations et la coordination des mouvements et aussi pour faire le bilan du FSE et débattre de son avenir.
Compte rendu du Forum social européen d’Istanbul à Istanbul, du 1er au 4 juillet 2010
Publié le : 17/07/2010