La section Nancy 2 du SNESup-FSU ne se félicite absolument pas du vote des statuts de la future UdL, mardi 25 janvier 2011, par les quatre conseils d'administration des universités lorraines. Loin d'être convaincus de l'avenir radieux annoncé par les équipes présidentielles galvanisées par leurs amis, consultants et communicants divers et variés, nous voyons poindre de nombreuses difficultés immédiates liées aux nouvelles transformations des établissements, ainsi que de lourdes menaces sur l'avenir du service public d'enseignement supérieur et de recherche dans la région.
Depuis près de deux ans, nous avons constamment dénoncé, au sein d'instances où nos représentant-e-s ont pu siéger comme en dehors, avec d'autres syndicats, d'autres personnels et étudiant-e-s à chaque fois que nous l'avons pu ou seuls, tous les éléments qui nous ont fait nous opposer au projet tel que l'ont dessiné, main dans la main, le ministère de Valérie Pécresse et les équipes présidentielles, avec l'appui de tous les politiques locaux. Nous le rappelons avec force : l'Université de Lorraine est un projet politique, voire politicien sans contenu universitaire, qui se construit contre une bonne partie des personnels et des étudiant-e-s et qui est mené par des présidents, groupes de travail, conseils hors de tous mandat clairement établi. Aucun président, aucun conseil d'administration n'a été élu pour porter ce projet.
Ajoutons que les présidents et les groupes qu'ils ont constitués, avec la bienveillance des conseils d'administration, ont d'emblée rejeté tout autre scénario que celui de la fusion. Malgré nos demandes, faites dès mars 2009 et renouvelées depuis en de multiples occasions, aucun bilan des coopérations actuelles entre les universités lorraines n'a été réalisé ; bilan qui aurait pourtant pu alimenter la réflexion sur l'opportunité qu'il y avait de conduire ou non une telle restructuration en Lorraine ou de travailler sur un autre mode rapprochement que celui de la fusion, par exemple fédéraliste. Cela montre bien que la volonté des présidents était d'imposer leur projet, dans leur calendrier, au mépris de l'intérêt universitaire.
A la couche de la loi LRU de 2007, la fusion-restructuration des quatre universités ajoute celle du statut de grand établissement, dérogatoire à la loi, qui offre la « souplesse » de supprimer quelques-unes des garanties encore inscrites dans la loi. Les présidents ont sciemment failli à l'engagement qu'ils avaient pris dans un document intitulé « Ambitions et perspectives » de limiter les dérogations. Malgré nos interpellations, ils ont toujours refusé de livrer aux conseils d'administrations une liste mise à jour de ces nombreuses dérogations. Pire, les conseils d'administration ont eux-mêmes, en validant le projet de décret, accepté cette opacité, malgré nos avertissements sur la question.
Parmi ces dérogations, nous notons l'allongement du mandat du président et des conseils ou encore la diminution très significative de la représentation élue des personnels et étudiant-e-s dans les conseils centraux. Une autre dérogation est particulièrement signifiante : l'abandon, par les conseils centraux, notamment le conseil de la formation et le conseil d'administration, de la validation des règles relatives aux examens. Cet "abandon" avait pourtant été dénoncé par deux fois lors de la réunion des quatre CA lorrains du 11 janvier dernier. Les présidents, par deux fois, s'étaient engagés à inscrire dans l'article 10 du projet de décret que le conseil de la formation aurait cette compétence. Ils en avaient même, en séance, formulé la rédaction possible. Pourtant, la version du projet de décret proposée aux conseils d'administration n'en porte aucune trace, l'article sur les compétences du conseil de la formation étant inchangé. Il en résulte que ce seront les collégiums, et uniquement eux, qui disposeront des règles relatives aux examens, sans contrôle central. Il sera donc par exemple possible que sur le campus lettres et sciences humaines de l'actuelle Université Nancy 2, composée de deux collégiums, les étudiants soient confrontés à des règles d'examens différentes selon les disciplines. Est-ce là pour les présidents et les membres des conseils d'administration qui ont voté pour ce projet un gage de qualité des diplômes ainsi qu'une expression de leur préoccupation envers les étudiants ? C'est pour nous, au contraire, la marque d'un projet qui ne se préoccupe que de la "gouvernance", c'est-à-dire qui privilégie la construction de bastions et citadelles au détriment des formations. Les élus SNESup-FSU du CA de Nancy 2 l'ont exprimé clairement avant le vote : loin d'être une fusion, cette Université de Lorraine est en réalité une juxtaposition de collégiums, ressemblant étrangement aux anciennes facultés. Est-ce là une "ambition" ? Le manque de transparence des présidents et leurs manquements aux engagements pris à propos des dérogations liées aux statuts de grand établissement augurent mal des "engagements" qu'ils ont également pris quant aux droits d'inscription et à la sélection. Nous continuons d'affirmer que nous ne sommes pas loin d'un système pernicieux dans lequel des diplômes d'universités (existant certes à l'heure actuelle) viendront se substituer, dans les faits, aux diplômes nationaux, laissant l'université fixer, seule, les droits d'inscription, permettant la sélection.
La fusion, c'est aussi la « rationalisation » organisée de l'offre de formation, avec la perspective à peine voilée d'un partage du territoire où certaines disciplines (plutôt SHS ?) seront à Metz, tandis que d'autres (sciences « dures », médecine, droit... ?) seront à Nancy.
Avec près de 55.000 étudiant-e-s et 6.600 personnels, l'Université de Lorraine est une énorme machine dont la mise en place immédiate va poser d'énormes difficultés. A la gestion quotidienne, réalisée en « flux tendu » par les services centraux (DRH, scolarité, finances...) faute de personnels BIATOS en quantité suffisante, quand les dernières années ont vu s'empiler réformes et réglementations nouvelles, s'ajoute la couche de l'harmonisation entre les quatre universités qui risque bien d'être la couche de trop. Pour de nombreux enseignants / chercheurs de l'établissement, il s'agira une nouvelle fois de prendre sur d'autres temps (recherche, pédagogique, autre) pour mettre en place les structures, instances, diplômes, etc., liés à la fusion. Autant dire que cette fusion n'est pas portée par une bonne partie des personnels et étudiant-e-s, qui subissent ce projet.
Ce mardi 25 janvier, une trentaine de collègues et d'étudiants de Nancy 2 ont voulu interpeler une dernière fois les membres du CA pour les inciter à rejeter le projet de décret. Cette interpellation aurait pu décaler l'ouverture du CA d'une demi-heure, voire d'une heure, comme cela a parfois été le cas, notamment lors du mouvement contre la mastérisation des formations d'enseignants. Mais, dans son rejet de toute contestation, la présidence a préféré jouer l'affrontement en faisant appel à une société privée de sécurité. Les vigiles de ladite société ayant organisé une sorte de mêlée à la porte du CA, il a fallu attendre plus d'une heure pour que le président accède à la demande des opposants et les autorise, dans une salle voisine, à présenter leurs positions aux membres du CA et à les inviter à rejeter le projet.
Le CA de Nancy 2, comme les autres CA des établissements lorrains, bénéficie certes d'une légitimité institutionnelle. Il a pu alors s'asseoir tranquillement sur l'avis défavorable du CTP de l'établissement. Or cet avis est, rappelons-le, le seul qui soit formulé par une instance paritaire, donc par des représentants des personnels.
Il peut également revendiquer le soutien des responsables politiques locaux, dirigeants de région, de conseils généraux, de communautés urbaines et maires, de l'UMP et du PS, qui s'invitent dans le débat en envoyant la veille un communiqué partisan de la fusion.
Les opposant-e-s à la fusion telle qu'elle se fait, les personnels et les étudiant-e-s qui vont en subir la mise en place, peuvent se revendiquer d'une autre légitimité même si elle vient d'être foulée aux pieds. Nous resterons de ce côté-là, et continuerons d'alerter les collègues des questions mettant en jeu l'avenir de l'université et de nos conditions de travail. Mais pas plus qu'hier nous ne pourrons agir à la place de la majorité et nous opposer, sans elle, au rouleau compresseur qui passe.
L'université de Lorraine : Un projet politique sans contenu universitaire, pénalisant les formations et la recherche, et aggravant les conditions de travail et d'études
Communiqué du SNESUP-FSU, Université Nancy 2
Publié le : 30/01/2011