Communiqué de presse : Europe 2020, la fuite en avant

Publié le : 15/03/2010

Communiqué du 15 mars

 Europe 2020 La fuite en avant

Le 3 mars 2010,la Commission européenne a communiqué au Conseil européen (chefs d’Etats et de gouvernement) son projet de stratégie Europe 20201 Une stratégie européenne pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Pour son président, José Manuel Barroso, il s’agit rien de moins que « d’imprimer une orientation claire à nos sociétés ». Le Conseil européen est invité à l’avaliser les 25 et 26 mars prochain.

Quelle est cette orientation ? L’éducation y occupe une place centrale, mais à seule fin de la constitution du capital humain, au service de la compétitivité et de l’emploi. Rien sur la formation du citoyen, ni sur le développement de la personne humaine pour elle-même et pour la société.

Quant aux libertés scientifiques et intellectuelles, elles n’apparaissent pas une seule fois dans le document de la Commission. Par contre les liens qu’il s’agit de renforcer entre les entreprises, l’éducation et la recherche sont au cœur du projet, sans limite ni garde fou. Les indicateurs et le « benchmarking » de la stratégie de Lisbonne restent à l’honneur, ainsi que l’excellence et les classements. Parmi ceux-ci, celui de Shanghai, qui détient pourtant la palme de la vacuité, y est devenu une référence.

Dans ce cadre, nous ne pouvons que constater les objectifs quantificatifs fixés par la Commission, dont : 3% du PIB investi dans la R&D (au lieu d’un peu moins de 2% aujourd’hui), avec une progression tout d’abord attendue du privé. Mais ce chiffre pourrait désormais couvrir l’ensemble de l’innovation et signifierait un recul par rapport à l’objectif de 3% de la stratégie de Lisbonne (2000 – 2010). L’objectif d’élévation du taux de diplômés de l’enseignement supérieur de 31% à 40%, tout en donnant une place centrale aux notions de compétence et de certification.

Aussi, dans « une stratégie budgétaire de sortie de crise », il s’agit de mettre en place « d’importantes réformes structurelles, notamment dans les domaines des retraites, des soins de santé, et des systèmes d’éducation. » Ainsi le taux des actifs (de 20 à 64 ans) doit passer de 69% à 75% en dix ans. (Pour rappel, il était de 61% en 2000 et la stratégie de Lisbonne visait 70% en 2010).

La commission propose que soient renforcés les moyens dont dispose l’Union pour amener chacun des Etats membres à mettre en œuvre la stratégie européenne. Pour cela elle s’inspire des méthodes appliquées pour le Pacte de stabilité et de croissance portant sur la discipline/rigueur… budgétaire.

La proposition Europe 2020 de la commission présente une nouvelle étape de la stratégie présentée il y a déjà 17 ans par le livre blanc « Pour entrer dans le XXIe siècle » validé par le conseil européen de décembre 1993. Il s’agit depuis lors d’ouvrir toujours davantage l’Union européenne au libre échange international afin de développer les opportunités pour les firmes et les exportations européennes, et par conséquent d’adapter l’économie européenne et ses populations à une compétition internationale exacerbée, avec in fine une soumission de la recherche, de l’éducation, des travailleurs aux intérêts économiques immédiats.

Le SNESUP condamne cette fuite en avant et appelle à une autre orientation pour l’Europe. La recherche a dans certains secteurs des liens indispensables à entretenir avec le monde de l’entreprise. L’enseignement supérieur doit répondre à des besoins de formation professionnelle. Mais la recherche et l’enseignement supérieur ont aussi à remplir d’autres missions, reposant sur l’indépendance à l’égard des entreprises : formation à la citoyenneté, participation à la vie démocratique, formation de la personne humaine, vie culturelle…

Le SNESUP alerte sur le cadre fixé par la stratégie européenne. Cadre dans lequel, malgré les résistances, le gouvernement français impose une transformation radicale de l’enseignement supérieur et de la recherche, au détriment de la démocratie, du savoir et de notre société.

Afin de tracer un bilan de cette stratégie européenne et de poser les jalons d’un projet pour une autre politique de l’enseignement supérieur et de la recherche en Europe, le SNESUP participe avec le Collectif printemps 2010 à l’organisation d’un sommet alternatif à Bruxelles, le 25 mars 2010 (http://www.snesup.fr ).

Paris, le 15 mars 2010