Article publié dans le mensuel n°587 de septembre 2010
Cet article mis en page pour impression ( 73.04 kb)
- par Dominique Barbolosi, MCF de mathématiques, université Paul-Cézanne
L’enseignement des sciences a toujours posé des problèmes, mais actuellement nous constatons une recrudescence de la désaffection des étudiants pour les études scientifiques, notamment en mathématiques, qui se traduit par une baisse drastique du nombre d’inscrits dans les universités. Parmi les raisons avancées pour expliquer cette chute des effectifs, on retrouve souvent l’opposition entre les méthodes d’enseignements dispensées en classes préparatoires et dans les universités.
Récemment encore, Valérie Pécresse présentait l’université comme une machine à échec en incitant les néo-bacheliers à s’inscrire en classe préparatoire. Chacun est capable de comprendre l’origine de la réussite des classes préparatoires : un recrutement sélectif des étudiants, des moyens accrus par rapport à l’université, en particulier l’organisation d’interrogations orales (« colles ») hebdomadaires et un corps d’enseignants choisis sur des critères élitistes dont la mission est exclusivement consacrée à la préparation de leurs élèves au concours des différentes écoles d’ingénieurs.
Néanmoins, il est essentiel de faire savoir que l’université offre un cadre exceptionnel d’apprentissage de la démarche scientifique, principalement par son lien direct avec le monde de la recherche. Contrairement à ce que pensent implicitement certains acteurs de la vie politique, sa disparition causerait des dommages irréversibles dans la formation des futurs scientifiques. Je ne prendrai comme exemple que l’expérience des « stages hippocampe », initiés par l’IREM de Marseille, qui prouvent que la coopération entre chercheurs et enseignants peut aboutir à de nouvelles pistes d’enseignements qui connaissent beaucoup de succès auprès de lycéens et étudiants issus de milieux sociaux divers. L’analyse de la réussite de ce type d’activité montre sans équivoque que cela est dû à une approche plus heuristique, privilégiant la compréhension de la genèse des idées par rapport à une technicité souvent excessive, source de blocage pour de nombreux élèves. En outre, ces activités permettent de voir certaines applications concrètes des mathématiques dans divers domaines, ce qui en outre permet de répondre à une attente bien légitime, couramment exprimée : « Les mathématiques à quoi ça sert ? »
Force est de constater qu’actuellement, quel que soit le système, nos enseignements sont devenus très synthétiques et connaissent les mêmes carences en termes d’innovation pédagogique. Les classes préparatoires, en raison de leurs objectifs ciblés sur les concours, et l’université en raison du fait que la carrière d’un enseignant-chercheur se bâtit quasi-exclusivement sur les résultats de ses recherches. Pourtant, malgré des moyens très réduits, un travail immense a déjà été accompli, notamment dans les IREM. L’expérience « Hippocampe » est une parmi beaucoup d’autres qui montrent qu’il existe de nombreuses voies pédagogiques très prometteuses, à ce jour ignorées par les décideurs politiques préférant opter pour des stratégies fondées sur quelques arguties simplistes.
Ainsi, de vraies solutions existent pour lutter substantiellement contre la fuite et l’échec de nos étudiants, et elles sont à notre portée. Elles ne consistent certainement pas à opposer les différents acteurs du système éducatif mais au contraire à les fédérer en mutualisant les diverses compétences disponibles. Evidemment, il faudra avoir le courage d’équirépartir les moyens alloués entre les étudiants des classes préparatoires et de l’université, et de revaloriser les activités d’enseignements dans la carrière des universitaires.