Avis du CSRT sur le projet de budget de la MIRES pour 2011

Publié le : 17/12/2010

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Avis du Conseil Supérieur de la recherche et de la technologie sur le projet de budget de la Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur pour 2011

Adopté le 5 novembre 2010- à la majorité (4 voix contre, deux abstentions)

Préambule

Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans une progression des budgets depuis 2007, qui affichent une priorité pour la recherche et l’enseignement supérieur. Il se place toujours dans le cadre des engagements de Lisbonne qui visent à créer une société de la connaissance et à porter l’effort de recherche à 3% du PIB.

Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie approuve la constance de la priorité faite au budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, dans un contexte où les efforts de réduction des déficits publics sont particulièrement marqués pour le budget 2011 de l’Etat. De même, il faut souligner le fait que l’enseignement supérieur et la recherche sont les seuls secteurs qui échappent à la règle générale de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Le projet de budget doit aussi s’apprécier, au-delà des crédits budgétaires proprement dits, au regard des investissements d’avenir (ex-grand emprunt), et des revenus des dotations non consommables du plan CAMPUS.

Le Conseil constate néanmoins, à partir des chiffres de la Dépense Intérieure de Recherche et de Développement (DIRD) et de la Dépense Nationale de Recherche et de Développement (DNRD), que le taux de R&D français reste en deçà des objectifs de Lisbonne. L’évolution du ratio DIRD/PIB depuis 2002 décroît régulièrement jusqu’à 2007 (2.06%) et reprend une tendance légèrement positive en 2008 (2.07%). Le ratio DNRD/PIB suit la même tendance (2.09 en 2007, 2.11 en 2008 et 2.21 en 2009). Le taux de croissance de la DIRD restant le plus bas de ceux des pays de l’OCDE, le CSRT reste préoccupé par la situation et souhaite que l’effort actuel des pouvoirs publics perdure et s’intensifie encore pendant de nombreuses années pour que notre pays reste dans la course des plus développés en matière de recherche, d’innovation et de performance économique.

  1 - Emploi scientifique et attractivité des carrières

La masse salariale avoisinant 80% des crédits budgétaires de la MIRES, le Conseil est sensible aux nouveaux moyens affectés à l’attractivité des carrières. Cependant, une part majeure étant dévolue au financement des pensions, (et la réforme du régime des retraites va affecter la masse affectée aux pensions) le CSRT recommande que l’évolution de ce poste, avec des données démographiques prospectives associées, soit évaluée sur plusieurs années, afin de pouvoir apprécier le montant disponible pour les recrutements et les améliorations de carrière des actifs. S’appuyant sur les premiers résultats des enquêtes du Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications (CERQ) (juillet 2010), le Conseil constate que l’embauche des jeunes docteurs en France dépend largement autant des dépenses privées ou publiques dans la recherche que du nombre de postes dans la recherche publique académique. Il souligne, comme il l’avait fait dans son rapport sur les jeunes chercheurs et jeunes enseignants chercheurs de 2007, que l’effort doit être maintenu : •

  • pour favoriser l’embauche des jeunes docteurs ;
  •  pour préparer les futurs docteurs - dans tous les champs disciplinaires – à rechercher des débouchés dans et hors du monde académique ;
  •  pour ne pas allonger les périodes d’emploi précaire (multiplication des post-docs) avant les recrutements.

S’agissant de la prime d’excellence créée en 2009, le CSRT observe que le dispositif se développe plus vite du côté des enseignants-chercheurs que du côté des chercheurs des EPST. Il reste favorable à l’idée de récompenser les meilleurs mais ne peut se prononcer sur sa pertinence tant que le dispositif n’aura pas atteint son régime de croisière avec un nombre de candidats systématiquement supérieur au nombre de primes proposées. Il propose de plus que des équipes puissent être éligibles à la prime d’excellence.

Enfin, L’amélioration de la carrière des personnels des établissements publics de recherche (EPSC et EPST) ne saurait se résumer à l’instauration d’un nouveau régime indemnitaire. Il serait souhaitable notamment de revoir les grilles indiciaires de ces personnels.

D’autre part, en ce qui concerne l’intéressement collectif des chercheurs, le Conseil attire l’attention sur l’impératif de bien comprendre l'assiette sur laquelle s'appuie le calcul de cet intéressement ; cette compréhension passe par la définition des coûts, qui doit être cohérente entre les organismes et universités participant aux projets de recherche, de manière à rendre fiable et transparente la détermination du résultat. Il demande que soit vérifiée la compatibilité de l’attribution de l’intéressement avec les règles de financement des agences de moyens nationales et internationales. Il ne faudrait pas que la règle d’intéressement aggrave le différentiel entre la contribution française au budget européen de R&D (16% actuellement) et le financement par l’Union européenne de projets de recherches accordés à des projets d’équipes françaises (les chiffres provisoires indiquent moins de 11% pour 2010). En effet, il y a un risque que les chercheurs se détournent des sources de financement européennes qui ne peuvent pas entrer dans ce dispositif.

  2 - Recherche privée, collaboration public/privé, soutien à l’innovation

Le Conseil note la progression de l’aide à la recherche privée mesurée par la créance du crédit d’impôt recherche (CIR), qui est passée de 1.68 Md€ en 2007 à 4.155 Md€ en 2008, 4.812 Md€ en 2010 et devrait atteindre 4.9 Md€ en 2011.

Il relève cependant une diminution des mesures fiscales concernant les jeunes entreprises innovantes. Cet ajustement budgétaire va à l’encontre de l’encouragement du transfert de technologie par la création de jeunes sociétés innovantes. Celles-ci seront doublement pénalisées par cette modification et celle relative au calcul du CIR.

Le CSRT se félicite de la progression du nombre de sociétés qui bénéficient du CIR (de 8000 en 2006 à plus de 12 000 en 2009). Ce dispositif a permis en 2009, malgré la crise qui a touché plus particulièrement les industriels, d'augmenter la R&D ainsi que la R&D partenariale avec la recherche publique. Ceci s’est traduit positivement par l’augmentation de l'activité des instituts Carnot, du nombre de bourses CIFRE et de leur embauche dans les entreprises.

Le CIR a fait en 2010 l'objet de rapports du Parlement et de l'Inspection Générale des Finances. Ces rapports n’intègrent pas les modifications fondamentales apportées en 2008 au dispositif, faute du recul suffisant. L’efficacité de ces nouvelles dispositions pourra être évaluée pleinement en 2013 sous réserve du maintien du mode de calcul du CIR.

L’importance de l'effort budgétaire engagé devrait s'accompagner, dans ces conditions, d'un renforcement des dispositifs statistiques et de la qualité des moyens de contrôle afin d'évaluer la recherche éligible ainsi que l'efficacité du crédit d’impôt recherche avec des indicateurs pertinents.

Par ailleurs, le CSRT constate que les difficultés rencontrées par notre pays pour atteindre les objectifs de Lisbonne de 3 % du PIB affectés à la recherche et au développement, proviennent pour une part des effets de la crise de 2008, de la désindustrialisation de la France mais aussi de la relative faiblesse de l'effort de recherche assumé par les entreprises du fait de la composition structurelle de l'industrie française, peu axée sur les industries high tech à haut taux de R&D. Il considère, dans ces conditions, que le CIR seul n'est pas à même de résorber les faiblesses qualitatives et quantitatives de notre secteur industriel. Au-delà de la recherche et de l’innovation, il conviendrait de développer une politique industrielle plus globale.

Le Conseil souligne l’importance de l’articulation de la Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation de la recherche publique (SNRI) avec la stratégie des entreprises privées. Il estime que le principe du lancement et du financement de programmes stratégiques devrait être pérennisé.

3 - Le financement de la recherche et de l’enseignement supérieur

Ce projet de budget de la MIRES, hors crédit d’impôt recherche, s’élève à 25.194 Md€ (crédits de paiement) et se caractérise par une augmentation de 0.431 Md€ par rapport à 2010 (+1.74 3 %). Au-delà de cette progression plus modérée que l’année précédente, deux opérations de transfert budgétaire pour le CEA et OSEO, explicitées dans la suite du texte, d’un montant de 304 M€, conduisent le CSRT à observer que l’augmentation effective de la dotation budgétaire pour la recherche publique et l’enseignement supérieur, représente +127 M€, soit +0.5 % par rapport à 2010.

Les moyens budgétaires pour l’enseignement supérieur sont en hausse de près de 200 M€ (crédits de paiement), si l’on considère la part correspondante des programmes n°150 (formations supérieures et recherche universitaire) n°231 (vie étudiante), n°142 (enseignement supérieur et recherche agricole) et n°192 (recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle). Ceci se traduit par un accroissement des dépenses par étudiant, que le CSRT tient à saluer, et réduit de fait l’écart avec les dépenses consenties pour les grandes écoles.

L’effort de 77 M€ en faveur des universités devenues autonomes va dans la bonne direction et doit être encore soutenu à l’avenir. Cependant ce budget recule en euros constants. L’effort budgétaire affiché en faveur de la recherche représente 267 M€ d’accroissement pour 2011 par rapport à 2010, hors le CIR. Les moyens financiers réels dont disposera la recherche en 2011 par rapport à ceux de 2010 comprennent la re-budgétisation des moyens pour OSEO et le CEA, ce qui conduit à une diminution de 37 M€ des moyens de la recherche, (différence entre 267 M€ et 304 M€). En effet, 189 M€ représentent une dotation budgétaire allouée au CEA en substitution des dividendes d’AREVA, sans que les moyens dont disposera cet organisme soient augmentés de ce fait, par rapport à ceux de 2010. D’autre part, la part de 115 M€ pérennise des moyens d’OSEO couverts en 2010 par les reliquats de l’Agence de l’Innovation Industrielle.

Pour ce qui concerne les organismes de recherche, l’accroissement de leurs moyens réels se réduit à +32 M€. La situation des organismes de recherche est très contrastée, avec des moyens récurrents en très faible croissance (y compris l’INSERM si l’on retranche les crédits pour le plan cancer 2 d’un montant de 19,7 M€) ou qui décroissent (CIRAD, IFREMER, IFP). Au vu du poids croissant de la masse salariale, le Conseil considère que le seuil critique est atteint pour un fonctionnement minimum des EPST et des EPIC. Cela risque de se traduire par un appauvrissement réel de certains laboratoires, de certaines disciplines ou de certains projets engagés, question qu’il faudra regarder avec une très grande attention. Le Conseil recommande à l’avenir de considérer une augmentation significative des dotations des EPST et EPIC.

4 - Les investissements d’avenir

Le Conseil souligne le fait que la recherche et l’enseignement supérieur bénéficient de la plus grande part du programme « Investissements d’avenir », c'est-à-dire 21.9 Md€ sur un total de 35 Md€. La première vague, d’un montant de 15.6 Md€, sera notifiée par l’ANR au début de 2011 pour des opérations pluriannuelles de durée variable et comprenant des dotations consommables et des revenus des dotations non consommables. Il note que pour 2011, les investissements d’avenir représenteront 3.581 M€ en crédits frais (revenus des placements et 4 dotations consommables) et que l’opération CAMPUS avec les partenariats public-privé et les intérêts des revenus placés, se monte à 508 M€.

Le CSRT observe cependant que ces investissements d’avenir hors CAMPUS, en moyenne accordés pour 5 ans, représentent environ 2.8 % du budget de la MIRES, soit un peu plus de 0.5% par an.

Le CSRT souligne l’ampleur exceptionnelle de cette opération, qui associe qualité scientifique et caractère innovant et qui doit renforcer encore le partenariat entre tous les acteurs de la recherche sous la forme d’appels d’offres compétitifs. Il s’inquiète toutefois du découpage trop fin des appels à projets qui risque de nuire à la cohérence de l’ensemble et d’être antinomique avec une stratégie à l’échelle nationale. Le Conseil avait fait part de son inquiétude, les années précédentes, sur la multiplicité des structures proposées depuis la loi de 2006, ce qui va à l’encontre de l’efficacité et de la nécessaire simplification du paysage de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les nouveaux appels d’offres et structures autour des investissements d’avenir ajoutent des échelons supplémentaires dans le paysage organisationnel de la recherche française, ce qui risque d’aggraver cette situation.

Le Conseil remarque enfin que le portage de ces projets par les établissements avec leurs moyens récurrents, risque de se traduire par des difficultés sérieuses en matière de financement des coûts de fonctionnement et de personnel. Certes, une partie importante des sommes allouées sont les revenus consommables d’un capital, et donc utilisables pour le fonctionnement. Cependant, il n’est pas sûr que le personnel permanent disponible soit en nombre suffisant pour l’ensemble des projets portés par les équipes concernées, et ce sur la durée des opérations. En outre, la plupart des projets ne comptabilisent pas les personnels permanents et les organismes et universités n’ont pas les mêmes méthodes de gestion.

5 - Les Très Grandes Infrastructures de Recherche (TGIR) et les engagements internationaux

Le CSRT note que la ligne budgétaire des Très Grandes Infrastructures de Recherche est maintenant consolidée dans l’action 13 du programme 172 avec l’ensemble des TGIR, telles que recensés dans la feuille de route française publiée fin 2008. La feuille de route faisant l’objet d’une complète mise à jour dans le cadre du suivi de la Stratégie nationale de Recherche et d’Innovation (SNRI) prévue pour la fin de 2010, le Conseil recommande qu’une attention particulière soit portée aux TGIR directement impliqués dans les enjeux de rattrapage technologique pour les communautés scientifique et industrielle.

Le Conseil s’inquiète de l’ampleur des efforts de gestion supportés par les TGIR existants pour 2011, qui pourraient affecter les services rendus pour la communauté scientifique. De plus, les tensions entre pays européens parfois observées pour le financement de certains TGIR de service (par exemple synchrotrons et neutrons) pourraient conduire à restreindre leur accès pour les utilisateurs non français, indépendamment des critères habituels de qualité scientifique. 

Le CSRT s’interroge sur la rationalisation de la programmation des nouveaux TGIR, compte tenu du fait que la France a le record européen du nombre de ces équipements sur son sol et qu’elle s’est engagée sur d’autres infrastructures implantées ailleurs en Europe. Il considère que le périmètre du parc des TGIR (existants et nouveaux) doit être maîtrisé à l’avenir, tant du point de vue de l’investissement que du fonctionnement et du personnel. Le poids des charges d’exploitation pourrait justifier non seulement de prendre en compte la capacité contributive des opérateurs concernés (CNRS, CEA, IFREMER) mais aussi de réfléchir, pour chaque domaine scientifique et parallèlement aux nouveaux projets, à la fermeture d’installations moins performantes, voire obsolètes.

Le Conseil s’interroge également sur le projet de tarification à l’usage des TGIR qui conduit à une réduction de leur budget de 6 M€ et induit la recherche de nouvelles ressources propres, ainsi que sur ses motivations, sujet sur lequel il se prononcera ultérieurement.

S’agissant des engagements internationaux, le CSRT souhaiterait que la somme affichée pour ITER de 62 M€ pour 2011 soit accompagnée d’une visibilité de la charge budgétaire à venir, compte tenu des fortes dérives des coûts annoncés. Il recommande que la même visibilité pluriannuelle soit apportée à l’ensemble des engagements internationaux, comme pour les investissements d’avenir.