Dans les universités, durant le premier semestre 2009, s'est développée la mobilisation la plus importante, tant dans la durée et l'intensité que dans l'unité de ses acteurs. Loin d'être spontané, ce mouvement résulte en grande partie de la prise de conscience de la nocivité des choix imposés à la communauté universitaire. L'adoption au cœur de l'été 2007 de la loi dite de « liberté et responsabilités des universités » (LRU) dans le prolongement du « pacte recherche » de 2006, présentée comme la priorité du quinquennat de Nicolas Sarkozy, a confirmé le processus de déstructuration en profondeur du service public d'enseignement supérieur et de recherche. L'opposition de notre syndicat a été marquée dès la préparation de la loi LRU et son passage à l'Assemblée Nationale. En juillet 2007, il a été, avec d'autres organisations syndicales à l'origine de l'Appel des Cordeliers refusant cette loi et a organisé une Conférence de presse de 27 organisations dénonçant notamment les atteintes aux libertés scientifiques et pédagogiques portées par cette loi.
Depuis deux ans, l'empilement des décrets de mise en œuvre des principes de la loi « LRU » s'est produit à un rythme accéléré :
A cela se sont ajoutées les questions budgétaires :
En même temps, des opérations de restructuration du paysage universitaire se sont développées, notamment avec le Plan Campus, l'opération Campus Saclay -avec l'adjonction d'établissements privés de statuts divers et la faible part des deux universités-, les évolutions des PRES dans certaines académies (Lille), les fusions faites (Strasbourg) ou projetées d'établissements d'enseignement supérieur (Aix-Marseille), les transferts (de Paris VIII à MLV) ou fusions d'UFR (Lyon 1, par exemple). Elles se caractérisent par une diminution de la vie démocratique, un manque de collégialité et portent la marque d'un fort pilotage ministériel comme dans les restructurations parisiennes.
La composition du CNESER a été modifiée pour y introduire notamment une représentation ès qualité de la CPU ou des proviseurs de lycée. Pour autant les avis du CNESER restent non suivis par le gouvernement. A l'instar de la loi sur la représentativité, le CNESER devrait redébattre six mois plus tard des textes refusés, que le ministère ne pourrait publier en l'état.
Le mode de scrutin, par les modalités de constitutions des listes (obligation de présenter des collègues issus de tous les secteurs définis par la loi et prime à la liste majoritaire), peut exclure du CA toute représentation contestatrice à la liste du président, ou les réduire à une présence symbolique même s'ils représentent une part importante de l'université. Le SNESUP demande l'application d'une vraie proportionnelle pour les scrutins aux conseils des établissements d'enseignement supérieur. Les évolutions législatives envisagées vers un vote électronique ne vont pas dans le sens de la vie démocratique : les collègues enseignants-chercheurs participent largement aux scrutins locaux dans les conseils.
La loi LRU s'est traduite par une présence de moins de collègues élus dans les CA (14 au maximum pour les enseignants-chercheurs, chercheurs et enseignants), ce qui fait que moins de collègues élus peuvent participer aux commissions existantes dans les universités. Ceci est aussi vrai pour les Sections Disciplinaires, qui - compte tenu du mode de scrutin - peuvent n'être composées que de membres issus de la majorité présidentielle, ce qui peut jeter a priori le doute sur sa capacité à instruire et à juger sereinement. On le voit avec Toulon où le recteur, sur demande de la ministre, a contesté cette commission (« suspicion légitime »). Il faut augmenter le nombre de membres élus des CA de manière significative. La réduction à 30 membres maximum ne permet en aucun cas d'assurer un fonctionnement collégial des universités, d'autant plus pour des universités comme Strasbourg comportant plus de 40 UFR différentes et accueillant plus de 40000 étudiants.
Avec des ordres du jour de plus en plus importants -où se sont ajoutées par exemple, des discussions sur des questions débattues en CTP- et des calendriers de plus en plus contraints, les élus sont le plus souvent dans l'impossibilité de discuter avec leurs mandants des points à l'ordre du jour des CA (ou des CS et CEVU).
On est donc en face d'une situation où moins de collégialité s'exerce et où la charge importante pour les élus qui « font leur boulot » n'est pas reconnue (décharge ou tableau d'équivalence).
Dans certaines universités, le CS et le CEVU voient pratiquement leur rôle réduit à néant. C'est le cas par exemple de Lyon 1. Dans d'autres, le choix a été fait que le CS et le CEVU instruisent réellement des dossiers (Paris Sud).
Certains CA sont des organes d'enregistrement de décisions prises par une équipe managériale restreinte ou par le président (ex : Aix-Marseille 2).
Il faut constater qu'il n'y a pas réellement de meilleure participation des personnalités extérieures aux conseils : celles-ci laissent en général leur pouvoir au président et aux vice-présidents.
Publié en catimini le 4 août, l'arrêté « portant délégation de pouvoir en matière de recrutement et de gestion des professeurs d'université et des maîtres de conférences » détaille en des termes très explicites l'étendue des pouvoirs exorbitants des présidents d'universités à compter du 1er septembre 2009.
Ce texte est dans la droite ligne du décret « Enseignants-chercheurs » modifié et du passage aux » responsabilités et compétences élargies » impliqués par l'application de la loi LRU et condamnés par le SNESUP. Son objet est de lister l'ensemble des prérogatives qui étaient celles du Ministre et dont pourra user tout « président manager » d'université dans une gestion purement locale des carrières (recrutement, avancement, mutation, congés...).
Par delà ces pouvoirs concernant les personnels, la loi LRU permet de déléguer aux présidents des pouvoirs du CA comme ester en justice, accepter legs et donations, signer des DBM ou des conventions diverses. Sous prétexte de remédier à l'alourdissement des ordres du jour des CA ou d'améliorer sa réactivité, de telles délégations, parfois impulsées par les services, sont en cours. Il s'agit là de rendre responsable le seul président de décisions qui peuvent être lourdes pour l'avenir de l'université : dépenses importantes liées à une action en justice, respect des conditions accompagnant legs ou dons... D'autres solutions doivent être trouvées.
L'un des aspects les plus inacceptables de la loi LRU concerne les modalités de recrutement des enseignants-chercheurs : remplacement des commissions de spécialistes par des comités de sélection ad hoc et instauration d'un droit de veto pour les chefs d'établissements qui se conjuguent pour accroître la nocivité des « concours sur emplois » et donner un pouvoir exorbitant aux Présidents d'Université.
Le système des « concours sur emplois », qui place les recrutements des enseignants-chercheurs dans la logique de la concurrence entre établissements, est déjà ancien. Il a connu de nombreuses variantes, selon le rôle donné à une reconnaissance nationale des qualifications. Depuis 1996, on est revenu à une intervention « en amont » (sauf pour certains concours réservés) : le CNU intervient par discipline pour établir -sans numérus clausus, mais pour une durée limitée à 4 ans- une « liste de qualification ». Mais le dernier mot revient à l'établissement : avant la loi LRU, c'était successivement la commission de spécialistes qui décidait d'un classement des candidats retenus, et le CA de l'établissement qui acceptait ou non le classement. Pour chaque emploi, on pouvait préciser, outre la discipline, un profil (qui n'était d'ailleurs pas toujours respecté dans le choix définitif) ; mais, dans un établissement, la commission de spécialistes était la même pour les divers emplois de la (ou du groupe de) discipline (s) concernée (s).
La justification donnée aux concours sur emplois (auxquels font exception les concours d'agrégation pour la majorité des recrutements de Professeurs dans les groupes 1 et 2) est que tel établissement doit avoir la possibilité de choisir ses enseignants-chercheurs en fonction de ses spécificités en matière de formation et de recherche. Mais ce système présente de nombreux effets pervers. Il déroge aux principes d'unité en vigueur dans les autres corps de la fonction publique, et - comme les mutations obéissent aux mêmes modalités - il constitue un obstacle considérable à la mobilité. Il favorise trop souvent le localisme dans les recrutements, en même temps qu'il conduit à ne pas pourvoir une proportion importante d'emplois. Enfin, il oblige de nombreux candidats qui veulent augmenter leurs chances à effectuer - éventuellement plusieurs années consécutives - un pénible et coûteux « Tour de France ».
La loi supprime les commissions de spécialistes, qui - composées pour 4 ans - statuaient sur l'ensemble des emplois d'une (ou plusieurs) disciplines d'un établissement, et leur substitue des « comités de sélection » ad hoc, qui peuvent être différents pour chaque emploi. Le recrutement sur emploi vacant peut se faire à tout moment en passant par un tel comité composé à cet effet, ce qui supprime toute campagne (nationale) de recrutement, lancée par la publication simultanée de tous les postes à pourvoir.
Par rapport au projet de loi initial, la parité A/B a été rétablie et il a été ajouté qu'une majorité doit être composée de spécialistes de la « discipline en cause », mais la définition de cette discipline reste floue et il n'y a pas de correspondance avec les sections du CNU. Alors que les commissions de spécialistes étaient issues, pour l'essentiel, d'élections, les membres des comités sont « proposés par le Président et nommés par le CA » (siégeant en formation restreinte), après avis du CS. Les mutations deviendront encore plus difficiles, puisqu'on ajoute - dans ce cas - une condition supplémentaire : l'avis favorable -en amont du comité- du conseil scientifique.
Les comités de sélection ne devant fournir qu'un avis motivé, c'est le CA restreint qui effectue le choix (en proposant un nom ou un classement), le président pouvant s'octroyer la prérogative de le saisir d'une proposition à prendre ou à laisser. Pour parachever le renforcement du pouvoir présidentiel, le chef d'établissement dispose d'un droit de veto (droit réservé jusqu'à présent aux seuls directeurs de composantes relevant de l'article 33 comme les IUT).
De la sorte, est poussée à l'extrême la nocivité des concours sur emplois, puisque chaque comité peut être différent selon le poste à pourvoir (et adapté au candidat favori de la direction). Et loin d'atténuer le risque de localisme ou de clientélisme (argument donné pour justifier la présence d'une majorité d'extérieurs), ce nouveau système ne peut que l'accroître : le Président - qui dispose de la majorité des voix dans le CA - peut fixer à sa guise la composition des comités (notamment dans le choix des « extérieurs ») et peut jouer de son droit de veto pour pousser « ses » candidats.
Ces nouvelles procédures, qui remettent en cause la collégialité et instaurent dans l'Université des modalités de recrutement dignes des entreprises les plus autocratiques, ont suscité l'indignation de nombreux collègues, y compris parmi ceux qui n'étaient pas aussi hostiles à d'autres dispositions de la loi (en particulier les conférences de Doyens de Droit et de Sciences économiques). Elles ont été mises en place partout depuis la campagne d'emploi 2009, certaines universités choisissant cependant les membres des comités de sélection dans un « vivier » stable d'élus de l'université et de collègues extérieurs à l'université. Ces procédures sont à l'origine de nombreux dysfonctionnements : réunions des comités de sélection en effectif très réduit (4 par exemple pour les professeurs) - ce qui ne peut que contribuer à renforcer les effets de chapelle -, inversions de classements par les CA lorsque les comités de sélection en avaient fourni, non pourvoi des emplois, peu de mutations...
Allant plus loin encore dans cette remise en cause de la fonction et des services publics, la nouvelle loi ouvre en grand la possibilité de recrutements de contractuels, y compris pour les activités d'enseignement et de recherche.
Ces seules dispositions -contraires aux traditions démocratiques de l'Université et remettant en cause la qualité et l'objectivité scientifiques des recrutements- suffisent à justifier l'exigence d'abrogation de la loi LRU. En attendant, le SNESUP appelle à des mesures immédiates : désignation de comités « stables » valables pour l'ensemble des emplois à pourvoir dans une discipline et fondés sur des élections, composition paritaire (A/B), établissement par ces comités d'une proposition de classement, refus du droit de veto présidentiel. Au niveau national, il demande le rétablissement d'un mouvement national, avec l'organisation d'un « deuxième tour » pour pourvoir les postes laissés vacants, ainsi que des mesures (telles qu'un tour préalable, ou un quota) pour favoriser les mutations.
Alors que la promotion gouvernementale des chaires mixtes (130 prévues initialement) a fait l'objet d'un battage fort dans les établissements et les organismes, seul un nombre réduit de ces chaires ont été pourvues. La communauté scientifique a parfaitement perçu ce dispositif comme un moyen de pression et de concurrence entre enseignants-chercheurs et chercheurs.
Aucun texte spécifique n'est venu à ce jour préciser leur mode de recrutement dans l'enseignement supérieur alors qu'ils constituent une part importante du corps enseignant. Aucun droit à mutation n'existe. De nombreux établissements ont mis en place des processus avec des commissions ad-hoc pour les recrutements. Si leur service statutaire d'enseignement est défini par les textes (384 h), rien n'existe pour prendre en compte leurs diverses activités pédagogiques et administratives ou leurs activités de recherche lorsqu'ils en effectuent. ,
Deux mois depuis l'entrée en vigueur du décret modifiant le statut des enseignants chercheurs et, déjà, les effets délétères des politiques scientifiques locales, conséquences directes de la loi LRU, s'accentuent. Le SNESUP dénonce les nombreuses situations d'exclusion de leurs laboratoires d'enseignants-chercheurs dont la thématique ne s'inscrit pas dans les priorités de la politique scientifique locale ou dans tel projet ANR. Les pressions financières qui s'exercent sur les établissements, la mise en œuvre zélée dans certains laboratoires des critères bibliométriques et classements de l'AERES conduisent les collègues à une course à la publication ou au dépôt de brevets, au risque de sacrifier le fond de leur recherche et leur liberté scientifique sur l'autel de la « performance ». À ce titre, la situation des collègues dans le domaine des lettres et sciences humaines et sociales est particulièrement préoccupante. Il n'est pas tolérable de rendre responsables ces prétendus « non-publiants » des conséquences de la « politique d'établissement » et notamment de la réduction de la recherche à un périmètre local qui les exclut. Il n'est pas concevable qu'ils soient contraints, pour pouvoir poursuivre sereinement leurs travaux, de trouver seuls une nouvelle équipe de rattachement ou bien de renoncer à leur thématique de recherche. Le SNESUP dénonce la mystification consistant à reprocher aux universitaires leur supposé manque de publication alors que les récentes réformes gouvernementales portent les germes du processus qui conduira certain collègues à devenir « non publiant ».
Outre ces situations d'exclusion imposées par l'établissement via l'AERES ou non, d'autres collègues ne peuvent vivre leur métier dans la sérénité : ceux qui sont contraints d'accepter de lourdes charges pédagogiques ou administratives dans leur établissement (collègues des IUT ou des IUFM par exemple), ceux qui sont dans une situation rendant difficile l'activité de recherche (site isolé, discipline peu présente dans l'établissement, etc.). De telles situations risquent fort de se pérenniser et d'empêcher ces collègues de poursuivre leurs travaux de recherche.
Le SNESUP condamne ces entraves au droit à la recherche comme autant d'atteintes au potentiel de créativité de la recherche publique portées par une politique gouvernementale prônant la performance et la concurrence et imposant en fait un cadre scientifique stérilisant et étriqué.
Or, le lien enseignement-recherche est consubstantiel à l'enseignement-supérieur. Dans les établissements, c'est à tous les enseignants-chercheurs, ainsi qu'à tous les enseignants qui le souhaitent, que doivent être accordés le droit effectif et la possibilité réelle de faire de la recherche.
Dans ce contexte, il faut noter les inflexions que le gouvernement a dû concéder à la suite du mouvement dans les universités l'an dernier. En effet, suite aux interventions syndicales, la dernière mouture affirme la possibilité - certes insuffisante - pour tout enseignant-chercheur « de participer aux travaux d'une équipe de recherche [...], le cas échéant, dans un établissement autre » (1). Tout doit être mis en œuvre pour permettre aux collègues dont la thématique de recherche ne relève pas de leur établissement de poursuivre l'avancement de leurs travaux. Le cas échéant, des mesures d'aide à la recherche, par exemple par le biais de CRCT, doivent être proposées. Le SNESUP réitère sa ferme opposition à toute forme de modulation inter-individuelle des services. À cet égard, la circulaire d'application du décret Enseignant-Chercheur, limite clairement la portée de la modulation des services au seul report pluriannuel.. À ce titre, les modalités selon lesquelles sera exercée la nouvelle mission d'évaluation quadriennale dévolue au CNU revêtent une importance majeure : cette évaluation doit être conçue de manière formative, et non punitive.
Depuis janvier 2009, 18 universités ont obtenu la possibilité de « bénéficier des responsabilités et de compétences élargies » (RCE) :
Au 1er janvier 2010, trente-trois nouveaux établissements devraient, sous réserve d'un vote favorable de leur CA, s'y ajouter, et dix-neuf établissements feront l'objet de la vague d'audit préalable par l'IGAENR. Au total, soixante-dix établissements voient leurs préoccupations quotidiennes focalisées sur des mesures qui vont bouleverser et faire éclater durablement le service public. Alors que les consultations organisées dans certains établissements montrent un rejet très majoritaire des réformes gouvernementales par la communauté universitaire, pourquoi des présidents d'universités sont-ils conduits à vouloir devancer l'appel ? En fait, le passage aux RCE ne procède pas d'un réel choix, alors que la loi LRU donnait aux établissements jusqu'à 2012 pour prendre cette décision. Les rapports d'expertise ont montré, dans de nombreuses universités, de réelles difficultés notamment en matière de gestion des personnels - est-ce un hasard si le MESR impose que les payes restent gérées par les TPG moyennant un contrat de sous-traitance ? - Mais le ministère fait miroiter aux établissements non encore passés aux RCE la possibilité de bénéficier d'une aide financière et de négocier au mieux plafond d'emplois et masse salariale ou financements par PPP de telle opération. Sur ces bases faussées, et avec des ordres du jour modifiés dans « l'urgence », les conseils votent le passage aux compétences élargies, espérant ainsi un accroissement de la part contractuelle de leurs dotations. .
Quel bilan aujourd'hui pour les universités déjà passées aux « compétences élargies » ?
S'inscrivant dans les orientations de la SNRI, le gouvernement cherche à engager les universités et les organismes de recherche dans la valorisation de la recherche publique et sa mise à disposition aux intérêts économiques immédiats du pays. Doter en capital des fondations ou des « sociétés d'accélération du transfert de technologie » -qui seraient économiquement viables d'ici 10 ans-, illustre parfaitement la volonté affichée de la ministre d'obtenir un retour immédiat sur investissement. Il n'est pas acceptable que le rattrapage budgétaire dont l'ESR a besoin se fasse sur ces modalités. C'est d'un engagement financier public d'ampleur qu'il a besoin.
Convoqués le lundi 17 mars en formation restreinte, les membres du CNESER ont reçu le mardi 11 mars par courrier électronique un complément à l'ordre du jour annonçant la mise en débat du décret financier : texte dont l'importance, à l'instar du décret électoral, aurait nécessité un débat en formation plénière. Mis aux pieds du mur, les élus de la plupart des organisations syndicales ont quitté la séance après avoir voté une motion de protestation. Cela n'a pas empêché le ministère d'organiser le vote de ce texte par quelques organisations acquises pour la plupart à la mise en oeuvre zélée de la loi LRU (MEDEF, UNI, QSF...). De la voix même du cabinet de la ministre, martelant sa volonté de « simplifier » et « d'assouplir » l'organisation budgétaire et de faire un « enjeu fort » de la globalisation du budget, il s'agit de « faire réalité des grandes transformations » liées aux « compétences élargies » données aux universités et induites par l'intégration au budget global de la masse salariale (8 milliards d'euros), ainsi que de l'immobilier (alors que les sommes nécessaires à leur remise en état sont suspendues à l'arbitrage de Bercy).
Dans la logique de la loi LOLF et de la loi LRU, le budget global limite -au nom de la fongilibité asymétrique, qui permet tout transfert excepté ceux qui augmenteraient les dépenses de personnel- la masse salariale par un plafond maximum d'emplois, et détermine l'ampleur des recrutements hors statuts ou précaires. L'incitation à faire la chasse à d'autres ressources que celles dévolues par les dotations budgétaires d'Etat, par la recherche de ressources propres et l'appel aux fondations, se traduit par l'élaboration de trois types de documents. En sus du budget « principal », doivent être établis un budget annexe du SAIC (service d'activités industrielles et commerciales), et un « état prévisionnel des recettes et des dépenses par fondation ». Dans une logique de « déconcentration », le décret organise le transfert au recteur, chancelier des universités, de nombreuses compétences initialement dévolues au ministère. Plus particulièrement Il s'agit du contrôle « a priori » de filiales dont le pourcentage des actions détenues par les universités passe de 80 % à 50 %. Il renforce les pouvoirs du président d'université qui peut prendre l'initiative de décisions budgétaires modificatives. Contrairement au décret précédent, le budget de l'Université n' » intègre » plus » les budgets des composantes (excepté les écoles ou instituts internes), dont les responsables ne peuvent plus être ordonnateurs secondaires (au mieux, ils peuvent recevoir une délégation de signature). « Sur proposition du président... le conseil d'administration arrête la procédure interne d'élaboration du budget et notamment les modalités d'association des différentes composantes » (art. 53). Ira-t-on vers des UFR sans budget ?
Ce décret de « refonte du budget des universités » organise bien plus que des dispositions financières, mais aussi la recomposition de l'ensemble du paysage universitaire, remettant en cause des coopérations du type PRES et condamnant nombre d'établissements à fusionner ou à péricliter. La « mutualisation » de services communs entre établissements - l'on pense plus particulièrement aux SAIC dont la fonction est la gestion financière dans un « budget annexe » « des contrats de recherche, d'essais, d'études, d'analyses, de conseils et d'expertises effectués pour le compte d'un tiers » ou des « produits d'éditions » (art. 6) - est contrainte par l'obligation que la tutelle du service commun ne peut être exercée que par un seul des établissements (art. 53). Ainsi, des ressources qui pourraient devenir décisives - vu le niveau du désengagement financier de l'Etat - devront être pilotées par un seul établissement. Loin d'être technique, ce décret renforce donc la concurrence entre établissements et découragera les coopérations à égalité, qui pourraient unir les acteurs du service public d'enseignement supérieur et de recherche et fertiliser leurs productions.
C'est dans ce cadre que se pose la question de l'affectation en propre des moyens aux instituts et écoles internes. Cette question est particulièrement cruciale pour les IUFM et les IUT, dont l'existence est notamment conditionnée par la possibilité de remplir leurs missions. Celles-ci s'appuient pour les IUT - qui ont joué un rôle d'ascenseur social pour de nombreux étudiants - sur un Programme Pédagogique National, qui fixe pour chaque spécialité un contenu et un volume horaire décliné par unité d'enseignement en cours, TD et TP. C'est le respect de ce PPN qui garantit la qualification des jeunes et la reconnaissance du DUT dans les conventions collectives. Pour les IUFM, c'est la préparation des concours nationaux et la formation de fonctionnaires de l'état - selon une réglementation ou un cahier des charges -, qui est en jeu. Il n'est donc pas possible que chaque université décide seule des moyens qu'elle affecte à ces formations.
Concernant les personnels, certains problèmes induits par la gestion locale vont générer la concurrence entre individus ou se trouver exacerbés :
Le CTP local doit pouvoir intervenir contre toutes ces dérives. Cependant, son mode d'élection fait que dans de très nombreuses universités, il ne comporte que peu d'enseignants-chercheurs, ce qui déporte les questions soulevées.
S'agissant de la dévolution du patrimoine, qui n'est demandée que par certaines universités, c'est un pas de plus qui serait ainsi franchi. Les universités françaises sont pour le plus grand nombre d'entre elles dotées d'un patrimoine immobilier nécessitant de profondes réhabilitations, dues notamment à la carence du financement de l'entretien par l'Etat. Cette dévolution serait donc un nouveau moyen pour l'Etat de se défausser de ses responsabilités, les transférant aux collectivités locales qui devraient financer leur université de proximité ou obligeant les universités « autonomes « à se lancer dans une course aux financements privés.
Adresse aux parlementaires
(1) Extrait du décret n°84-431 (statut des enseignants-chercheurs) modifié « Tout enseignant-chercheur doit avoir la possibilité de participer aux travaux d'une équipe de recherche dans des conditions fixées par le conseil d'administration, le cas échéant, dans un établissement autre que son établissement d'affectation. »
Audition SNESUP-FSU devant le comité de suivi LRU
12 novembre 2009
Contexte Général
1 - Mise en péril de la vie démocratique et des fondements collégiaux de l'Université
2 - Entraves sans précédents aux libertés scientifiques et pédagogiques
Des pouvoirs exorbitants aux présidents d'université
Remise en cause du recrutement des enseignants-chercheurs
Enseignants de second degré
Entraves au droit à la recherche
« Responsabilité et compétences élargies » : Stérilisation de l'université par les logiques d'individualisation performance
3 - Restructuration concurrentielle et mise en danger du service public d'ESR
Les budgets et la logique financière de la LRU : la fin des coopérations entre établissements.
Le cas des IUT ou des IUFM
La gestion des personnels :
La dévolution du patrimoine
Annexes
Communiqué du 4 août sur les pouvoirs du président
« les responsabilités et compétences élargies ou la flexibilité des ressources humaines » par S. Tassel
« six mois après le passage aux RCE : comment se porte le laboratoire francilien de la LRU ? » A. Raskine - C. Toulgoat
Audition SNESUP-FSU devant le comité de suivi LRU (12 novembre 2009)
Publié le : 16/11/2009