« Monsieur le Président, vous faites des progrès incroyables ! »
Lettre ouverte du SNESUP-FSU à Michel Deneken,
président de l’Université de Strasbourg
Le 15 décembre 2020
Monsieur le Président,
Invité de Serge July, vous vous êtes longuement exprimé ce lundi 14 décembre sur la chaîne LCI, en vous prononçant, au titre de membre de l’Udice, pour une réouverture rapide des universités et pour des cours en présence dès le mois de janvier. Nous vous en sommes reconnaissants. Mais quel protocole sanitaire solide avez-vous conçu avec votre équipe pour protéger efficacement personnels et étudiants, et quels moyens avez-vous mobilisés pour atteindre cet objectif ?
Vous avez à deux reprises souligné le manque de postes à l’université, dont nous ressentons encore plus le besoin dans la période de crise que nous traversons : « Il faut beaucoup plus de profs », avez-vous dit, après avoir déploré que « le nombre de postes n’a pas augmenté ». Nous vous félicitons pour la justesse de ces constats et nous partageons votre déploration. Mais qui a conduit la politique qui a fait de l’université de Strasbourg une des trois universités qui a le plus reculé en termes d’encadrement* (nombre d’étudiants par enseignant) ? Mais qui donc a gelé des centaines de postes depuis 2009 ? Et qui a fait adopter cette année une campagne d’emploi qui est contraire à tous les intérêts de notre université et de ses personnels ?
« J’espère qu’il n’y a qu’une contagion à l’université, c’est l’intelligence », avez-vous dit, avec l’humour qui vous caractérise. Mais le virus de la Covid-19 est aussi présent à l’université. Il est de votre responsabilité, de celle de votre équipe et de votre administration de protéger les personnels et étudiants de la contamination et de vous préoccuper des conséquences de l’épidémie en utilisant le gisement d’intelligence de notre université et en assumant l’autonomie dont vous vous réclamez. Votre responsabilité consiste à mettre enfin en place un protocole sanitaire solide qui repose sur l’anticipation, l’analyse et des moyens techniques fiables. A cette fin, nous vous invitons à prendre connaissance des préconisations du séminaire Politique des Sciences.
Avec beaucoup de justesse vous avez souligné que face à la crise « les profs sont dans les mêmes difficultés familiales, économiques que les étudiants ». Oui, tous les personnels de l’université souffrent, comme les étudiants. Mais qu’est-il vraiment fait dans notre université pour les soutenir moralement et économiquement (un seul poste de psychologue, pas de fonds d’urgence significatif) ? Depuis combien d’années la politique RH que vous menez, reposant sur la mise en compétition des différentes catégories de personnels pour atteindre des objectifs jamais discutés démocratiquement dans les conseils centraux, met-elle les collègues en souffrance ?
Vous vous êtes aussi exprimé sur la précarité, avec une sincérité touchante : « La précarité était une réalité qu’on connaissait, qu’on soupçonnait, mais je dirais, sans vrai jeu de mot, qu'en mettant les masques on a dévoilé la vérité crue sur la précarité étudiante, qui elle aussi fait des progrès incroyables ». Monsieur le Président, vous faites des « progrès incroyables » dans la découverte de la précarité ! Et nous vous en félicitons. Mais il y a une décennie que nous dénonçons la précarité que vous contribuez à fabriquer avec la CPU, la CURIF et désormais l’Udice! Cela fait des années que nous vous alertons, non seulement sur la pauvreté étudiante, mais sur la réalité des 30 % de personnels précaires de l’ESR, sur les vacations payées encore avec retard, sur les emplois contractuels que vous favorisez et que vous allez encore multiplier demain en activant les leviers de la LPR !
Enfin, parlant de la ministre Frédérique Vidal, vous vous êtes félicité de son action : « Nous nous sentons entendus », avez-vous dit. Visiblement pas écoutés. La ministre ne soutient pas l’université dans la lutte contre l’épidémie car elle a passé tout son temps à soutenir la LPR, contre l’avis de la grande majorité de notre communauté. Vous reconnaissez d’ailleurs le manque cruel de moyens. Aussi nous nous permettons de vous dire que vous feriez d’autres « progrès incroyables » en portant énergiquement nos demandes de postes et de moyens financiers supplémentaires auprès de la ministre, en mettant en jeu, s’il le faut, votre démission, et en invitant vos collègues de l’Udice à faire de même. Vous seriez alors digne de la belle et forte phrase de Jean-Pierre Vernant : « Le vrai courage, c’est au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer. Être le grain de sable que les plus lourds engins écrasant tout sur leur passage ne réussissent pas à briser. »
Monsieur le Président, soyez avec nous le grain de sable qui redonnera du sens à nos missions universitaires et de l’enthousiasme à notre communauté, et non le lourd engin qui
brise les rêves d’une génération d’étudiant.e.s !
Médiatiquement vôtre,
Le SNESUP-FSU de l’Université de Strasbourg