Monsieur le Président Mathias Bernard,
Mesdames et messieurs les membres du conseil d’administration de l’UCA,
Il y a près d’un an, à la mi-novembre 2018, le Premier Ministre M. Edouard Philippe annonçait la mise en place du plan « Bienvenue en France » et l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires de 170 € à 2770 € en Licence, de 243€ et 380 € à 3770 € en Master et en Doctorat.
Après que le Conseil académique se soit exprimé contre cette mesure à la demande de l’ensemble des élus étudiants et doctorants et qu’une pétition initiée par la FSU a réuni plus de 1100 signatures en quelques jours seulement, vous vous êtes engagé, Monsieur le Président, à ce que l’UCA n’applique pas cette hausse des faits d’inscription à la rentrée 2019.
Vous déclariez alors que « la réponse apportée ne semble pas être la bonne » (Libération, 09.01.19), vous vous éleviez contre « la nouvelle clientèle » représentée par ces étudiants dans « une logique concurrentielle et de compétition internationale » (La Montagne, 09.01.19) et dénonciez « la politique d’attractivité avec une manière de penser la question sous forme de marché à conquérir » (BFM, 11.01.19).
Vous vous positionniez en tête de file des universités s’opposant à cette réforme parfaitement contraire au principe d’égalité d’accès au service public de l’enseignement supérieur français ; à votre suite, vous étiez imité par les présidents de Rennes 2, Lyon 2, Toulouse Jean Jaurès, Nanterre, Angers et Aix-Marseille.
La décision était courageuse et saluée, bien que vous ayez laissé planer le doute sur des hausses éventuelles.
Il aura donc fallu neuf mois pour que vous et une majorité des membres du conseil d’administration de notre établissement abandonniez vos principes.
Neuf mois pour que le vernis craque.
Il y a quelques jours, M. le Président, vous jugiez, encore publiquement « cette mesure contreproductive » mais expliquiez déjà qu’il faudrait mettre en place un groupe de travail pour prendre en compte le dépassement du seuil d’exonération de 10% des étudiants étrangers prévu par la loi (La Montagne, 16.09.19).
Le 27 septembre dernier, vous et 16 membres du conseil d’administration (31 présents et 6 absents, 17 votes pour, 6 contre et 8 abstentions) avez décidé d’augmenter les droits d’inscription des étudiants étrangers extra-communautaires à l’UCA à compter de 2020- 2021.
L’élu enseignant-chercheur de la FSU a été le seul enseignant-chercheur à voter contre, aux côtés des cinq élus étudiants.
En l’absence de l’élu de la liste FSU-FO chez les BIATSS, aucun autre élu BIATSS n’a voté contre cette mesure.
Désormais, l’année en diplôme de master coûtera 500€ (contre 243€ pour la bonne nationalité) ; en troisième année de Licence et en Licence professionnelle 350€ (contre 170€ pour la bonne nationalité) ; hormis les exceptions définies réglementairement, toutes les autres années de diplômes nationaux sont fixées à 2770€ en 1ercycle, à 3770€ en 2èmecycle et Diplôme d’ingénieur. Au niveau national, c'est grâce à leur mobilisation que les doctorants ont obtenu d'être sortis du dispositif et de conserver la garantie de frais ne dépendant pas de la nationalité.
L’inégal accès aux formations dispensées à l’Université Clermont Auvergne en fonction de l’origine des étudiants est donc acté.
À compter de la rentrée de septembre 2020, les enseignants de l’UCA accueilleront des étudiants dont le coût des études sera fonction de leurs origines géographiques.
Les consignes sont déjà passées en vue de la définition de la prochaine offre de formation de notre établissement ; elle devra répondre à deux objectifs prioritaires : « la réussite des étudiants » et « le renforcement de l’attractivité des formations et l’internationalisation avec un engagement de l’UCA à déterminer une politique d’accueil des étudiants extracommunautaires permettant de renforcer le nombre de ces étudiants inscrits dans des formations UCA » (Note. Premiers éléments de cadrage pour l’offre de formation UCA 2021-2026).
Le masque tombe.
Face au désengagement financier cynique de l’Etat à l’égard des universités et dans un contexte local dégradé marqué par le nouveau gel de 17 postes d’enseignants-chercheurs en 2020, l’UCA a- t-elle décidé de faire de cette augmentation des droits un levier budgétaire ?
Lors du Comité technique du mois de juin dernier, à la question posée par les représentants syndicaux relative au risque de reniement du principe défendu à l’égard des étudiants étrangers extra-communautaires pour faire face à cette nouvelle situation financière, le Directeur général des services avait répondu que vous ne reviendriez pas sur cette décision symbolique.
Etudiants étrangers pompe à fric !
En revenant sur l’engagement pris, M. le Président et mesdames et messieurs les membres du conseil d’administration, vous reniez le principe d’égalité d’accès à l’université.
En acceptant de voir ainsi dans les droits d’inscription des étudiants la pompe budgétaire à actionner pour répondre au sous-financement chronique et politiquement orchestré de l’enseignement supérieur public français, vous ouvrez la voie, à l’UCA, à une augmentation des droits d’inscription pour tous les étudiants dans les années à venir.
Souhaiteriez-vous être rassurant ? La parole n’a plus de valeur.
À l’UCA, les étudiants étrangers extra-communautaires peuvent donc préparer leur avenir à crédit. Tous les autres vont pouvoir méditer et commencer à penser au leur.
Les droits d’inscription des étudiants étrangers extra-communautaires devraient permettre de dégager environ 500 000€ de recettes supplémentaires.
Combien l’UCA touchera-t-elle grâce au programme « Wide Open to the World » de l’i-site CAP 2025 ? 500 000€/an.
Les étudiants étrangers extra-communautaires pouvaient donc continuer à être accueillis en respectant le principe d’égal accès aux études à l’Université Clermont Auvergne.
Le principe a été abandonné.
Les étudiants étrangers qui imaginaient engager leurs études à Clermont-Ferrand apprécieront. Les collègues étrangers, personnels UCA, ayant pu faire leurs études et réaliser leurs parcours d’excellence grâce au service public de l’enseignement supérieur français apprécieront.
La nouvelle université est donc en marche. Sans ambiguïté.
Nous sommes indignés.
Puissiez-vous donc entendre la décision du Conseil constitutionnel de ce vendredi 11 octobre affirmant que l’exigence de gratuité inscrite au 13ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 s’applique bien à l’enseignement supérieur public.
Puissiez-vous donc ne pas vous retrancher comme notre Ministère de tutelle derrière la « modicité » des frais pouvant malgré tout être exigés.
Le salaire mensuel moyen en Chine est de 787€, au Mexique 444€, au Maroc 376€, au Togo 228€. Le salaire mensuel moyen en Angleterre est de 2016€ ; la dette moyenne d’un étudiant anglais est de 50 423€ (soit 44 000£).
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du conseil d’administration, puissiez-vous donc entendre la décision du Conseil constitutionnel et voter pour un égal accès de tous les étudiants à l’Université Clermont Auvergne.
Soyez courageux.
Sans attendre la prochaine décision du Conseil d’Etat.
Nous refusons que l’UCA soit la 8ème université française à appliquer des tarifs différenciés d’accès aux études.
L’égalité est une valeur fondamentale.
Ressaisissez-vous et donnez-nous à croire qu’elle est l’une de nos valeurs partagées ; seul socle à un projet universitaire réellement commun.