Thème 4: Accéder et réussir en licence Fonctions et finalités de la licence et du premier cycle

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Publié le : 18/05/2017

 

Les fonctions et finalités de la licence, et plus généralement des formations de premier cycle, sont à (ré)interroger. Ce sont aussi bien les liens avec l'enseignement secondaire et avec le master que l’incitation toujours plus forte à la « professionnalisation » qu’il faut analyser. En même temps que les débouchés de la licence et des autres formations post-bac, ce sont également les conditions d’accès qui font actuellement débat : tirage au sort, capacités d’accueil, prérequis... Le lien avec le master s’étiole, l’idée selon laquelle tous les titulaires de licence n’ont pas vocation à poursuivre en master progresse. Les projets qui se précisent, aussi bien dans les appels ministériels, que dans les préconisations de la CPU, ou dans le programme du nouveau Président de la République, dessinent une licence dont les objectifs sont opposés, l’un visant l’insertion professionnelle immédiate, l’autre des poursuites d’études. Le rapprochement de la licence avec le lycée au travers du « continuum bac – 3 / bac + 3 » participe à cette transformation de la licence. Dans ce mouvement, chacun essaie de défendre son espace, voire essaie de grignoter celui de son voisin : modèles de bachelors, parcours sécurisés DUT / LP, licence générale devenant plus professionnalisante, injonctions de plus en plus fortes à mettre en place des formations en alternance... On le voit, la licence fait l’objet d’une restructuration qui ne sera pas sans conséquences pour les prochaines générations.

Quelles positions pouvons-nous / devons-nous tenir et/ou élaborer face à ces évolutions ? Comment agir pour défendre notre vision émancipatrice de l'enseignement supérieur, dans le respect de nos métiers,  au bénéfice d’étudiant.es acteurs de leurs formations et? Comment œuvrer simultanément à la démocratisation de l'accès aux études et à l'amélioration de la réussite étudiante, au sens fort que nous lui donnons, c'est-à-dire permettre aux étudiant.es de devenir des professionnel.les autonomes et des citoyen.ne.s émancipé.e.s.

C’est à ces questions que nous proposons de nous attaquer, et, si possible, de répondre dans ce thème 4, dans toute la diversité des formations du niveau licence.


  1. Contexte

Depuis 2009, la croissance du nombre d’étudiant.e.s n’a pas été accompagnée par une hausse, pluriannuelle et cadrée nationalement, du financement de l’enseignement supérieur à la hauteur des besoins et des enjeux d’élévation du niveau de qualification de nos concitoyen.ne.s comme préconisé par la StraNES. Et la rentrée 2016 aura été une rentrée universitaire encore très difficile, précédée d’une hausse de la démographie étudiante sur trois années de cent mille étudiants supplémentaires dans un contexte de restriction budgétaire globale. Les conditions ne sont pas réunies pour permettre l'accueil dans des bonnes conditions des étudiants. De plus, malgré des initiatives en faveur de la convergence des formations du supérieur, des inégalités de dotations très importantes subsistent entre établissements d’enseignement supérieur. Celles-ci ont même été renforcées par les financements extrabudgétaires des PIA. L’absence de moyens touche aussi les organismes de recherche avec la diminution des crédits récurrents de laboratoires et du nombre des postes qui s’accompagne d’une augmentation de la précarité.


  1. La licence : un diplôme en « refondation »

– Compétences et certifications

Savoir, savoir-faire, savoir méthodologique (comment faire pour apprendre ?) : on observe une tentative d’harmonisation de toutes ces notions entre le secondaire et le supérieur. Est-ce un gage de réussite ? Les diplômes sont engagés de plus en plus fortement dans la voie de la certification, en lien avec la professionnalisation. Comment cela transforme-t-il les diplômes ? De quelle réussite parle-t-on ?

– Pilotage par la course aux financements

Après le secteur de la recherche ainsi que des incursions au travers de la formation continue, du développement de l’apprentissage puis des IDEFI, c’est toute la formation universitaire qui fait désormais l’objet d’appels à projets via les différents programmes des Investissements d’Avenir. Les « nouveaux cursus à l’université » et les « écoles universitaires de recherche » (EUR) qui y figurent poursuivent le mouvement de rupture entre licence et master, entre premier et deuxième cycle. Quels en seront les effets sur les formations et leurs attendus, sur les publics, sur les personnels enseignants ou BIATSS et plus généralement les équipes de formation, sur la structuration même des établissements d'enseignement supérieurs ? Comment répondre à ces appels à projets tout en défendant notre exigence d’accès et de réussite du plus grand nombre d’étudiant.e.s – quelle que soit la diversité de leur formation initiale, leur origine sociale ou encore leur capital culturel – aux formations les plus élevées, master et doctorat et d'une vision nationale, équilibrée et non concurrentielle de l'enseignement supérieur ?

La course aux financements des activités pédagogiques conduit à des réponses aux appels, non pour des raisons pédagogiques ou pour répondre à des besoins identifiés, mais pour pallier le manque criant de moyens financiers. Comment faire pour que les formations proposées en apprentissage dans l’enseignement supérieur gardent les spécificités des formations universitaires tout en favorisant la réussite des étudiant.e.s ? Comment faire pour éviter la multiplication de formations continues de court terme au détriment des formations diplômantes ?

– Licence technologique

La Conférence des Grandes Écoles (CGE) réfléchit à la création d’un « bachelor technologique », la Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs (CDEFI) désire créer un bachelor destiné uniquement aux bacheliers professionnels, l’Assemblée des directeurs d'IUT (ADIUT) a incité à l’expérimentation dès la rentrée 2017 d’un parcours sécurisé en trois ans en IUT, alliant DUT et LP, sous le nom de « parcours technologique de grade licence (PTGL) ». C'est dire si en technologie le cycle licence aiguise bien des appétits !

Côté SNESUP, nous avons un mandat demandant la création d'une « licence universitaire technologique ». Qu’en faisons-nous ? Quel en est le modèle ? Comment les formations technologiques universitaires peuvent-elles prendre toute leur part dans la réussite du plus grand nombre d’étudiant.e.s ?


  1. Accès à l’université

– Articulations lycées / enseignement supérieur public

Ouvrir largement l'accès aux études supérieures et avoir pour objectif une augmentation importante du taux de diplômés de niveau licence est un choix politique que doit faire la société et que les lycées et les établissements d’enseignement supérieur publics doivent accompagner.

L'accroissement du flux de la population étudiante et de la diversité des profils dans les formations supérieures et plus particulièrement en L1 (âge, parcours antérieur, projet personnel) ne peut être traité comme un problème relevant du seul post-bac. L’arrivée dans l’ESR implique pour les bacheliers des changements importants, voire des ruptures, à deux niveaux : sur les enseignements et sur les méthodes de travail. Comment accompagner ces bachelier.e.s en renforçant une articulation cohérente et forte entre le lycée et l’ESR ? Comment pouvons-nous développer les échanges sur les contenus des programmes et sur les pratiques pédagogiques entre pré-bac et post-bac ?

– Le baccalauréat doit-il évoluer ?

Qu’ils ou elles soient issu.e.s de filières générales, technologiques ou professionnelles, les bachelier.e.s doivent pouvoir réussir dans l’enseignement supérieur. Le baccalauréat, premier grade universitaire, est la principale condition d’accès à l’enseignement supérieur public, sans prérequis supplémentaire. Le baccalauréat, dans sa forme actuelle, remplit-il effectivement cette mission ? Doit-il évoluer ? Si oui, pourquoi et comment ? Le SNESUP a déjà fait des propositions de plus fortes implications d’universitaires dans la détermination des contenus de formation pré-bac, la préparation des sujets d’examen et la participation aux jurys.

– Modalités d'accès en licence : quelles alternatives ?

Les propositions de celles et ceux qui prônent la limitation de l'accès en première année de formation post-bac, reposent sur deux types de « justifications »: les contraintes en termes de locaux, d’équipements, de personnels enseignants, qui s'expriment en « capacités d'accueil » ; l'adéquation du cursus antérieur et ou des acquis effectifs à la formation sollicitée, qui s'exprime en termes de « pré-requis » ou de « niveau ». Ces deux types de limitation ont tendance à se développer, sous des formes diverses, de la plus « aveugle » (tirage au sort) à la plus ciblée (sélection). Quelles réponses apportons-nous pour défendre à la fois l’accès à toutes et tous en L1 et l'augmentation des taux de réussite ?

Au-delà des revendications évidemment indispensables sur le financement de l'ESR à la hauteur des besoins, quelles réponses immédiates défendons-nous dans les cas d'afflux d'étudiants très supérieurs aux possibilités d'un établissement ? Comment travaillons-nous la question de l’orientation, du soutien ? Quel(s) modèle(s) de formation proposons-nous pour permettre la réussite de toutes et tous en fonction des parcours antérieurs et des formations visées ?


  1. Réussite du plus grand nombre

- Diversité et articulation des parcours de formations

La réussite des étudiants peut emprunter des chemins variés et complexes, courts ou longs, continus ou en reprise d’étude, avec différentes combinaisons offertes par les offres de formation de l’ESR, qu’il s’agisse du parcours (encore) classique licence-master, voire doctorat, ou qu’elle débute par un DUT, un BTS, ou encore un DEUST ou une prépa pour passer ensuite en licence professionnelle ou en licence générale et se poursuivre dans bon nombre de cas. Cela implique de développer des passerelles (équivalences, réorientations...) entre les formations dispensées à l’université et celles relevant d’autres établissements, mais nécessite sans doute aussi des liens directs entre les équipes pédagogiques. Comment favoriser et approfondir ces relations ? Quels parcours, quelles personnalisations (approches, progressions, maquettes) préconisons-nous ?

Si le rapprochement des financements du premier cycle universitaire de celui des classes préparatoires est nécessaire, ses modalités sont à définir. Par exemple, la création de parcours de licence préparant aux concours des grandes écoles est-elle à encourager ? Et dans quelles conditions ?

- Pratiques pédagogiques : de l'injonction au libre choix éclairé

Le SNESUP défend la liberté pédagogique et les collègues n'ont certes pas attendu les appels à projets PIA2 (Idefi) et PIA3 (nouveaux cursus à l’université) pour être force de proposition et acteurs engagés en matière de pédagogies diversifiées ou d'utilisation des outils numériques !

Qu'il s'agisse (le plus souvent implicitement) de diminuer les coûts des formations, de standardiser les pratiques pédagogiques ou de mettre en œuvre des modalités de management de l'enseignement, les injonctions à pratiquer des « pédagogies innovantes » et à utiliser « des outils numériques » sont devenues omniprésentes. Les technologies envahissent les espaces de cours, aussi bien du côté des enseignant.e.s que de celui des étudiant.e.s.

Comment faire en sorte que les injonctions ministérielles à la « pédagogie innovante » ne portent pas atteinte à notre liberté pédagogique et ne donnent pas lieu à une standardisation dans la transmission des connaissances ? Comment faire en sorte que le « numérique » offre de nouveaux atouts pour la réussite sans dénaturer notre métier ? Comment cela affecte-t-il notre représentation de l’enseignement, dans ses objectifs, son contenu comme dans sa forme ? Quelle en est l’influence sur les relations avec les étudiants ? Comment aider les collègues à ne pas être des victimes des injonctions mais au contraire à se donner les moyens de choisir librement et en connaissance de cause leurs pratiques et leurs outils pédagogiques ? Quel est le rôle de la formation initiale et continue ?


  1. Une question spécifique : la formation des futurs médecins

Ce point pourrait faire l’objet d’une motion spécifique.

Dans les dix ans qui viennent, un tiers des généralistes prendront ou auront pris leur retraite. La pénurie en médecins s'exerce dans les campagnes reculées mais aussi dans les banlieues, ou certains quartiers des grandes villes, dans les spécialités où il n'est pas rare d'attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Les nouveaux médecins – plus de 50 % de femmes pour la médecine générale – ne veulent plus travailler comme les anciens. La restructuration des hôpitaux a souvent éloigné les patient·e.s des services hospitaliers. La place du secteur privé à l’hôpital public est un élément supplémentaire de l’inégalité de l’accès aux soins. Une politique ambitieuse de santé s'impose, notamment du fait du vieillissement de la population, du développement de nouvelles maladies chroniques, et de la nécessité de promouvoir une médecine de prévention.

Cette question émerge publiquement, même si l’ordre des médecins freine les prises de décision nécessaires. Elle doit concerner la formation publique initiale et continue des praticiens de santé, la recherche, les structures hospitalières et la démographie médicale.

Il nous faut faire des propositions concrètes pour augmenter le nombre de médecins formés en France. Le SNESUP a le mandat de suppression du numerus clausus en médecine, ce qui pourrait passer par une augmentation sensible (+ 1 000 ? + 2 000 ?) chaque année pendant cinq ans (dix ans ?), avec des mesures transitoires. Cela exige aussi de développer les autres voies d’accès en second cycle que la PACES, qui repose sur beaucoup de bachotage et des préparations faites dans des officines privées fort onéreuses.

Aujourd’hui, l’examen classant national (ECN) de fin de second cycle pour accéder aux spécialités de l’internat est ouvert aux étudiant·e.s issues de la PACES, aux titulaires ayant eu initialement des parcours universitaires de licence ou de master, aux personnels paramédicaux ou médicaux en reconversion dans des conditions très restrictives de diplômes de master. Cet examen est contesté, notamment pour le bachotage qu’il implique. Certains veulent le régionaliser.

Le SNESUP doit revenir sur ses propositions en matière de formation des médecins, et plus généralement des personnels de santé, son lien avec les pratiques médicales et la recherche – y compris dans des domaines où elle n’existe pas en France (soins infirmiers). Cela doit passer par un bilan, y compris de l’universitarisation des formations des infirmier·e.s et des kinés. Un des points important est que la formation – dès la première année – soit pluridisciplinaire (incluant des sciences économiques et sociales) et permette par ses modalités l’exercice de la réflexion et un large développement de l’esprit critique. Une autre question est le lien avec la pratique, et donc la question des lieux de stages.

Il faut aussi exiger les dotations en moyens humains et matériels indispensables à la formation des personnels de santé.

Une autre question à aborder : l’extension des aides existantes à la formation des médecins associée à un engagement de travail dans une zone ou une discipline déficitaires.