Thème 2 : Restructuration de la Recherche. Documents complémentaires

Publié le : 08/05/2017

 

 

Congres 2017 - THEME 2 –

Restructuration de la recherche

 

Le paysage de l’Enseignement Supérieur et la Recherche français se transforme aujourd’hui fortement à partir de la croyance idéologique que seules la concurrence et la compétition  sont gages d'excellence scientifique et d'un haut niveau de formation et que la plus value économique suffit, à elle seule, à justifier la nécessité d'une restructuration de l'ESR (notamment chez les parlementaires qui sont soumis à des lobbying très majoritairement néolibéraux). Ce processus de restructuration radicale touche l’ensemble de l’ESR et plus particulièrement celui de la recherche.

 

LES TRANSFORMATIONS MAJEURES

Dans ce contexte, un certain nombre de réorganisations sont d’ores et déjà visibles et génératrices de régressions pour la recherche.

La première est la modification des règles d’attribution des moyens humains et financiers aux établissements. Les politiques menées par les gouvernements successifs depuis 10 ans ont abouti à la suppression de la répartition des moyens entre établissements au prorata du nombre d’étudiants et de chercheurs pour les distribuer au prorata de la visibilité internationale de la recherche (la visibilité s’entendant au regard des indicateurs quantitatifs en termes de ranking, de nombre de publications, du niveau de facteur d’impact des publications, de hauteur de l’index H, …) sans que la qualité de la recherche, la diversité et l’innovation soient plus significativement que par le passé au rendez-vous.

La deuxième est la mise en place d’un mode de gouvernance managérial néolibéral dans les établissements (lois LRU et ESR) qui renforce le pouvoir de la DGS et met à mal la démocratie représentative de l'ESR qui existait avant la mise en place de la LRU dans les établissements autour des présidents d'université et de leurs conseils centraux et de composantes.

La troisième est le renoncement partiel aux missions de service public de formation supérieure et de recherche, aggravant de fait les inégalités entre les différents territoires. L’Etat s’engage  toujours dans le respect de la territorialité mais

si la notion de répartition territoriale recouvrait avant l’autonomisation des universités, les 85 universités qui composaient le paysage de l’ESR, aujourd’hui elle se ramène à un secteur drastiquement réduit renvoyant aux 25 regroupements d’établissements du supérieur ou aux restructurations en cours en fédérations.

 

TROIS TEMPS DE REFEXION

Comme lors des précédents congrès, le présent atelier vise à prendre du recul sur toutes les formes de transformation de la recherche pour envisager, au regard des valeurs de démocratie, d’égalité et de service pour le bien commun, les moyens collectifs d’y faire face, que ce soit pour les contrer, en limiter les impacts ou, dans le cas plus rare, de les favoriser. L’atelier se déroulera sur trois temps de réflexion.

 

1.    ECHANGES SUR LES TRANSFORMATIONS OPEREES

Le premier temps de réflexion portera sur les transformations majeures du paysage de la recherche et sur ce qu’elles entraînent comme conséquences pour chacun de nous dans nos établissements.

Restriction et restructuration du périmètre de la recherche

Le périmètre de la recherche est d’ores et déjà touché. Un appauvrissement de la recherche se fait jour par la mise en place systématique d’appels à projets (AAP) qui ont comme conséquence de réduire les thèmes de recherche investis, voire même à les lier de plus en plus à une nécessaire plus-value économique. Cette tendance n’est sans doute pas étrangère à une mainmise de plus en plus conséquente du secteur privé sur la recherche. Elle conduit à s’interroger sur la possibilité de faire émerger de nouvelles équipes de recherche en dehors de projets précis.

Les nombreux projets de recherche sur “AAP” non retenus, car hors priorités nationales, amènent-ils les collègues à renoncer à travailler sur leurs thématiques de recherche “hors champ” ? Cet important travail “non productif” n’entraîne-il pas un épuisement professionnel et un doute sur l’utilité de déposer les projets dans la mesure où les chances de réussite sont faibles ? Ne conduit-il pas à une perte de sens et à une démotivation concernant notre métier,  ou, plus subrepticement, à des dérives telles que des pratiques de “maquillage” par les mots-clés des thématiques de recherche pour espérer coller avec les APP et, dans les cas les plus  extrêmes, à des manipulations de données ? Enfin, ces pratiques n’entraînent-elles pas une transformation du profil des collègues recrutés vers des “mercenaires” de la recherche, une course à la prime et une concurrence, donc un individualisme, accrus, des exclusions de laboratoires et à des difficultés pour les chercheurs isolés à rejoindre des laboratoires ?

« Dogme » de l’interdisciplinarité et utilitarisme

Aujourd’hui, de nombreux projets aux montants colossaux ne sont finançables que s’ils s’affichent comme interdisciplinaires (ou transdisciplinaires). L’interdisciplinarité, qui doit être questionnée pour être féconde, nécessite le partage de cultures et d’habitus disciplinaires différents et qu’on y consacre un temps important. Dans le cadre de projets de recherche de courte durée ce temps consacré s’avère insuffisant et ne permet pas une véritable réflexion interdisciplinaire. Ne reste alors qu’une vision utilitariste ou opportuniste de l’interdisciplinarité qui a des conséquences désastreuses sur les sciences sociales qui se trouvent trop souvent instrumentalisées ou asservies aux sciences dures, elles-mêmes asservies à des finalités utilitaristes (par exemple les recherches dans le champ de la santé). Dès lors, nos  collègues  ne sont-ils pas, notamment en sciences sociales, privés de la capacité de définir leurs objets centraux de recherche, au risque d’un appauvrissement général de la recherche ?

 

2. LES PROCHAINES ETAPES

Le deuxième temps portera sur les prochaines étapes de transformation du champ de la recherche dans un contexte de mondialisation dans lequel l’excellence est déclinée sous toutes ses formes. PIA1, PIA2, PIA3, Idex et Isite et autre labex… font désormais partie du vocabulaire quotidien de l’ESR. Quel devenir de la recherche et de la formation à et par la recherche nationales ?

Universités de proximité, collèges universitaires et écoles universitaires de recherche

La mise en place des universités de proximité et des collèges universitaires devient effective, notamment au travers de l’appel à projet PIA3 qui crée des écoles universitaires de recherche (EUR) incluant masters et doctorats d’excellence (ouverts seulement aux LABEX et IDEX ?) Dans ce cadre, le maintien des écoles doctorales sans EUR associée est questionné. Comment ces EUR se positionneront-elles au sein d’une COMUE ou  d’une  université ? Quelles concurrences/articulations avec les écoles et collèges doctoraux ? Comment maintenir les masters et les doctorats, et donc nos recherches et nos laboratoires en dehors de ces EUR ? Dans la lignée, la formation à et par la recherche pourra-t-elle continuer en licence si les masters et doctorats ne se retrouvent réservés qu’au petit nombre d’EUR retenues ?

CNRS, désumérisation et place des enseignants-chercheurs dans les organismes de recherche ?

Les discours récents du président et directeur général du CNRS sont une illustration supplémentaire de la mise en œuvre d’une vision élitiste de l’excellence. La volonté est clairement affichée par M. Fuchs de resserrer les budgets et l’investissement sur des équipes plus réduites et efficaces et, on peut le craindre, moins nombreuses. Dès lors, n’assisterons nous pas sous peu à la spécialisation géographique des UMR ? Que deviendront les enseignants-chercheurs dans cette nouvelle répartition thématique et territoriale des UMR ? Quelles transformations des liens des universités avec les grands organismes et de leurs missions respectives ? Cela augure-t-il d’une coupure entre la recherche concentrée dans les grands organismes et les universités dites d’excellence, et l’enseignement de masse dans les universités (+3,-3) ?

 

Open-sources, open-data et open-access

La loi numérique ouvre de nouvelles perspectives concernant les open-sources, open-access et open-data. En avons-nous connaissance ? Quelles conséquences sur nos pratiques de recherche?

 

3. INITIATIVES PERSONNELLES ET COLLECTIVES

Le troisième temps débouchera sur des propositions d’initiatives individuelles et collectives pour redonner du souffle à la recherche pour tous et par tous dans nos établissements universitaires.

Comment recréer du collectif à partir d’une recherche qui engage de plus en plus à se replier individuellement ? La science, et la diffusion des travaux scientifiques mais également l’activité individuelle et collégiale de recherche, en sortent-elle grandies ? Quelle transformation des critères d’“excellence/qualité” de la recherche et donc des attendus du travail des chercheurs ?  Quels engagements souhaitons-nous ?

Dans la ligne droite des Etats généraux de la recherche de Grenoble, jamais vraiment mis en œuvre, recréer du collectif par le partage de données et  par la mise  en commun d’outils sur des plateformes partagées (au lieu de laisser la poussière sur le matériel) : est-ce  possible ? La mise à disposition de données ouvertes peut elle contribuer à de nouvelles  dynamiques de travail collectif de la communauté scientifique ? A  contrario, les données ouvertes, après le délai d’embargo  de 6 mois en S&T et de 12 mois en SHS,  peuvent-elles être exploitées par la concurrence, le privé, par chacun? Quels changements pour la propriété intellectuelle individuelle ?

Les instances d’évaluation demandent dans de nombreuses disciplines de publier régulièrement dans des revues scientifiques classiques de rang A. Or, les délais sont longs et le nombre de revues répondant aux critères, comme ceux de SCImago varient considérablement selon les disciplines ou sous-disciplines. Comment promouvoir une autre forme de publication ? Quels moyens de publication pouvons-nous promouvoir pour desserrer les contraintes de “ranking” et l’emprise des éditeurs scientifiques dominants, type Elsevier ?  Est-il souhaitable de publier sur open access si tout le monde joue le jeu ? Des modèles alternatifs d’expertise par les pairs sont-ils envisageables / compatibles avec les logiques de publication en ligne ? Quelle visibilité donner à des travaux qui ne sont pas dans le cœur de cible des AAP ?

Soyez nombreux à partager vos points de vue et à faire ré-émerger un autre regard pour la science.

 

Documents à consulter

Les nouveaux modèles universitaires européens : VRS 407 http://www.snesup.fr/sites/default/files/fichier/vrs407_hd.pdf

Intégrité scientifique et responsabilité sociale du chercheur : VRS 406  http://www.snesup.fr/article/condition-et-responsabilite-du-chercheur-re...

Ecoles universitaires de recherche (EUR)http://www.snesup.fr/sites/default/files/fichier/le_snesup_655_pdf_bd_co... : ÉCOLES UNIVERSITAIRES DE RECHERCHE (EUR) Vers des fermetures de masters et de 3e cycles non labellisés par l’« excellence » ? 

Numériquehttp://www.snesup.fr/sites/default/files/fichier/snesup_652_bd_complet.pdf. Dossier " le travail à l'heure du numérique".