Depuis la mise en œuvre du LMD en 2003, les formations professionnelles ont été en grande partie sacrifiées. Ces dispositifs, qui ont contribué à démocratiser l’ES en offrant diverses voies de réussite à des publics variés, ont été la cible d’attaques répétées qui ont parfois conduit à leur disparition : les IUP ont vu leur sort en partie « réglé » par le LMD, les IUFM ont été remplacés par les ESPE et les IUT ont vu leur budget auparavant fléché par le ministère s’intégrer dans celui de l’université...
Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, signé en novembre 2012, fixe l’objectif de 500 000 apprentis à horizon 2017 (440 000 aujourd’hui). Ainsi, l’apprentissage est un outil de la politique d’emploi en faveur des jeunes et il a été promu dans le supérieur. Les étudiants qui choisissent l’apprentissage le font moins pour des raisons pédagogiques que parce qu'il offre un contrat à durée déterminée et une perspective d'embauche. Au cours des dix dernières années, les effectifs apprentis du supérieur ont plus que doublé.
L’ouverture de formation par apprentissage doit répondre à des besoins pédagogiques. Or le SNESUP-FSU constate et dénonce la course à la création de formations par apprentissage qui ont trop souvent eu pour objet principal de trouver des financements palliant le manque de moyens des établissements.
La réforme de la taxe d'apprentissage (TA) et son fléchage vers les régions qui financent en partie les centres de formations des apprentis (CFA) fait peser sur ces derniers, et sur les formations du supérieur bénéficiant de la TA, une menace de diminution des ressources. En parallèle, le modèle d'allocation de moyens aux universités, SYMPA, ne comptabilisera plus les étudiants en apprentissage. Ainsi, le financement de ces formations par apprentissage sera soumis à une politique régionale de l’emploi, à court terme et locale, dans laquelle les branches professionnelles useront de toute leur influence. L’assujettissement des formations par apprentissage aux politiques régionales de l’emploi est désormais en marche. L’absence de cadrage national de l’offre de formation, notamment pour celles en apprentissage, rend la politique nationale de réindustrialisation fortement dépendante du bon vouloir régional pour la formation de salariés qualifiés. Le SNESUP-FSU demande toujours un cadrage national de l’offre de formation et la création de commissions paritaires entre les représentants du monde socio-économiques et les syndicats des acteurs des formations, au sein des conseils régionaux pour l’attribution de la part hors-quota de la TA.
Les formations par apprentissage à l’université, en termes de mixité sociale, ne font pas mieux ni moins bien que les formations initiales classiques. Le primat accordé à l’entreprise dans le cadre de l’apprentissage conduit à légitimer une sélection axée sur les « manières d’être », tout en participant à sa diffusion au sein même des universités et des IUT. C’est ainsi que les mécanismes de sélection et d’exclusion propres au fonctionnement du marché du travail ne déterminent plus seulement l’accès à l’emploi, mais aussi l’accès à l’éducation. L’apprenti ne doit pas être laissé seul face à l’entreprise et, du coup, subir la double sélection : une première sur critère universitaire et une seconde sur son aptitude à décrocher un contrat d’apprentissage alors qu’il n’a pas encore suivi la formation. Afin de lutter contre un déterminisme social et géographique, cette double sélection doit être revue au sein des formations par apprentissage pour permettre au plus grand nombre d’étudiants, et surtout pour ceux ne possédant ni les « codes » de l’entreprise ni le réseau social adéquat, de décrocher un contrat d’apprentissage.
La validation du thème d’apprentissage (comme pour un stage) doit être du ressort de l’équipe pédagogique en discussion avec l’entreprise accueillant l’apprenti. L’apprentissage en tant que modalité pédagogique est un temps de formation, en entreprise. De plus, vu l’absence de cadre réglementaire ou lié aux conventions collectives de l’encadrement en entreprise, une formation du tuteur employeur est nécessaire, mais aussi du tuteur académique. Débattre de cette question avec les syndicats représentatifs des travailleurs est indispensable. Le SNESUP-FSU doit prendre toute sa place dans les échanges engagés avec la FSU, notamment avec la CGT, sur les questions de formations, de qualifications et d’emplois.
Le SNESUP-FSU rappelle que les formations par apprentissage, adossées à la recherche, ne doivent pas être les seules à proposer une formation professionnelle et technologique. L’apprentissage est une modalité pédagogique qui n’est pas adaptée à tous les étudiants et la diversité des modalités pédagogiques au sein des formations est un atout pour favoriser la réussite du plus grand nombre d’étudiants. Il faut donc tenir compte des disciplines, du niveau du diplôme, du secteur d’activité, du type et du nombre d’étudiant, etc. La généralisation obligatoire de l’apprentissage, comme celle du stage, à toutes les formations ne saurait être la solution unique pour développer l’acquisition de compétences professionnelles pour l’étudiant. Le diplôme valide des qualifications professionnelles et disciplinaires et le SNESUP-FSU revendique la double finalité d’insertion professionnelle et de poursuite d’études de tout diplôme d’ESR.
Au même titre que l’encadrement des stages, l’implication des collègues dans le suivi des apprentis implique la nécessaire reconnaissance dans le tableau d’équivalence des tâches. En outre, le recrutement de personnel administratif formé et qualifié est indispensable pour améliorer le suivi administratif et pédagogique de l’apprenti ou de l’étudiant en stage.
Le SNESUP-FSU demande qu’une formation au droit du travail soit obligatoire dans chaque formation par apprentissage pour permettre à l’apprenti de faire valoir ses droits et de connaître ses devoirs.
L’université forme les étudiants aux savoirs et aux connaissances disciplinaires, mais aussi aux outils et méthodes en développant esprit critique et culture du doute. Même si son diplôme est lié à un secteur d’activité, à un métier, l’étudiant aura acquis les compétences disciplinaires et professionnelles, au travers de stages encadrés entre autre, nécessaires à son émancipation, son insertion professionnelle et citoyenne et surtout à son évolution tout au long de sa vie professionnelle. Au-delà d’une simple adéquation au poste d’emploi, la formation universitaire ambitionne de former les étudiants aux métiers de demain et à ceux qui n’existent pas encore.
La question qui se pose pour l’apprentissage est celle de la transférabilité des compétences acquises par l’apprenti dans une entreprise vers une l’autre. Surtout dans l’enseignement supérieur où les contrats d’alternance peuvent être d’une durée de trois ans au sein d’une même entreprise. Comment, dans ce cas, dépasser l’acquisition par l’apprenti d’une culture d’entreprise sur des outils et méthodes et pousser sa réflexion plus au-delà ? Il existe un hiatus entre l’apprenti, salarié d’une entreprise recherchant une rentabilité, et une formation universitaire visant à faire prendre du recul et le temps de la réflexion sur les activités conduites par l’apprenti. Le problème de la transférabilité est fonction de la démarche pédagogique choisie par la filière.
Comment créer des formations par apprentissage pour des métiers qui vont apparaître dans dix ans ? Comment aller au-delà d’une culture d’entreprise nécessaire mais aussi porteuse d’émancipation ? Comment permettre une meilleure contextualisation des savoirs et savoirs-faire pour les formations universitaires et favoriser le lien entre théorie et application ?
Le SNESUP-FSU est porteur de demandes pour un meilleur apprentissage dans l’ESR mais la régionalisation, la reforme de la taxe d’apprentissage et le regroupement imposé des établissements actuellement en route pervertissent le modèle des formations par apprentissage et nécessitent la plus grande attention.
12 Juin 2014