Santé : urgence sociale
Le SNESUP doit avancer des propositions.
Ce texte aborde quelques aspects concernant la médecine, les soins infirmiers et la kinésithérapie, sur lesquels il faut préciser nos propositions.
Cela ne couvre pas à ce stade toutes les questions concernant la santé. En 2025 , il y aura environ 17% de généralistes de moins qu’en 2014 et 38% de moins de gynécologues si les départs à la retraite s’opèrent à l’âge de 65 ans et si le numerus clausus reste fixé à environ 8000. Aujourd’hui, la pénurie en médecins amène une restriction majeure à l’accès aux soins dans les campagnes mais aussi dans les banlieues ou certains quartiers des grandes villes, tant pour la médecine générale que pour de nombreuses spécialités (ophtalmologie, dermatologie, gynécologie médicale, …). Les nouveaux médecins – dont plus de 50% de femmes pour la médecine générale – ne veulent plus travailler comme les anciens. La restructuration des hôpitaux a souvent éloigné les patient.e.s des services hospitaliers. 30% des nouveaux médecins s’installant en France ont obtenu leur diplôme à l’étranger.
C’est sans doute la conséquence du numerus clausus en France, mais aussi d’autres facteurs. La population vieillit, de nouvelles maladies chroniques se développent, le stress au travail engendre de nouvelles pathologies, il faudrait développer une politique de prévention et d’éducation à la santé. Tout cela impose une politique ambitieuse de santé. Cette question émerge publiquement, même si l’ordre des médecins freine les prises de décisions nécessaires et si les gouvernements – bien qu’ils aient augmenté un peu le numerus clausus – n’ont pas pris les mesures nécessaires.
La situation n’est guère meilleure dans le paramédical ; les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un kiné sont longs, … et encore quand c’est possible ! On en voit les conséquences pour une bronchiolite d’un bébé ou les rééducations après fracture …
Des décisions importantes doivent concerner la formation publique initiale et continue des praticien.nes de santé, la recherche, les structures hospitalières et la démographie médicale et paramédicale.
Formation des Médecins
Le SNESUP doit avancer des propositions en matière de formation des médecins, et plus généralement des personnels de santé, sur leur lien avec les pratiques médicales (ou de soins) et la recherche – y compris dans des domaines où elle n’existe quasiment pas en France (soins infirmiers). Cela doit passer par un bilan, y compris sur l’universitarisation des formations des infirmier.e.s et des kinésithérapeutes.
Il nous faut faire des propositions concrètes pour augmenter le nombre de médecins formés en France, et améliorer leur formation.
1) Le SNESUP a le mandat de suppression du numerus clausus en médecine. ce qui pourrait passer par une augmentation sensible (+ 1000 ? + 2000 ?) chaque année pendant 5 ans (10 ans ?).
2) Cela exige aussi de développer les autres voies d’accès aux études médicales (Licence, Master, VAE) alternatives à la PACES dont le contenu est piloté par le concours final reposant sur beaucoup de bachotage, avec une préparation trop liée à des officines privées fort onéreuses, et non par un objectif de formation privilégiant réflexion et esprit critique.
3) Un des points importants est que la formation – dès la première année – soit pluridisciplinaire (incluant des sciences économiques et sociales, de la psychologie, …) et prenne en compte les développements technologiques de la médecine (imagerie médicale, par exemple). Le contenu, les modalités doivent inclure l’exercice de la réflexion et un large développement de l’esprit critique. Elle doit reposer sur des équipes pluridisciplinaires d’enseignant.e.s-chercheur.e.s, praticien.ne.s hospitalier.e.s ou non.
4) Une autre question est le lien avec la pratique médicale, et donc l’existence des lieux de stages et leur qualité (encadrement notamment).
5) Aujourd’hui, l’examen classant national (ECN) de fin de second cycle pour accéder aux spécialités de l’internat est ouvert aux étudiant.e.s issues de la PACES, mais aussi à des lauréats d’une Licence ou d’un Master ayant eu des parcours universitaires classiques au départ, aux personnels paramédicaux ou médicaux en reconversion dans des conditions très restrictives, à des titulaires de diplômes européens. Cet examen est contesté, notamment pour le bachotage qu’il implique. De plus, si le nombre de places d’internes offertes à l’examen classant est supérieur au numerus clausus 5 ans plus tôt, l’ensemble des postes ne sont pas pourvus ! C’est notamment le cas en médecine générale. Certain.e.s veulent le régionaliser. Ne doit-on pas en demander la suppression ? Dans ce cas, comment se ferait le choix d’une spécialité ? Il faut les dotations en moyens humains et matériels (locaux notamment) indispensables.
Formations paramédicales
La formation des personnels infirmiers et autres paramédicaux, qui s’effectue dans des établissements dont certains sont privés ou associatifs, doit aussi nous interroger. Elle repose aussi sur un numerus clausus (ici, on parle de quotas). Les 30844 admissions possibles ouvertes en 2016 sont définies par régions pour les infirmier.e.s et la Région intervient dans la répartition entre les IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers). La formation est en 3 ans. Un jury régional délivre le diplôme d’État d’infirmier (diplôme du ministère des affaires sociales et de la santé), qui depuis 2009 donne le grade Licence. Le SNICS a demandé l’intégration des IFSI dans les universités. Le SNESUP a soutenu les démarches d’universitarisation.
Pour les kinés, depuis 2016, il y a maintenant obligation de valider la PACES ou une première année de licence (Staps ou Sciences) avant d’intégrer l’une des 48 écoles (26 privées et 22 publiques). En 2016, le numerus clausus était de 2693. Vu le numerus clausus, de nombreux jeunes tentent de se former à l’étranger (Belgique. Les IFMK doivent tous passer convention avec une université et les jurys comprennent le président de l’université et son représentant. Cependant, ce diplôme (du Ministère des affaires sociales et de la santé), préparé en 4 ans dans les IFMK, ne permet pas d’obtenir le grade de Master. La cohérence avec l’ensemble de nos revendications exige de demander la suppression des numerus clausus tant en soins infirmiers qu’en kinésithérapie.
L’intégration à l’université de ces formations suppose un développement de la recherche et un recrutement d’enseignant-chercheurs dans ces domaines. Comment aller vers la délivrance des diplômes de Licence ou/et de Master pour les personnels paramédicaux ?
Dispositifs d’aide à la formation et à l’installation de médecins
L’article 46 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») a instauré un contrat d’engagement de service public (« CESP ») à destination des étudiant.e.s admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année commune des études de santé ou ultérieurement. Ces CESP sont financés par l’Assurance Maladie. Les étudiant.e.s signataires perçoivent une allocation mensuelle brute de 1.200 euros jusqu’à la fin de leurs études. En contrepartie, ils s’engagent à exercer leurs fonctions, à compter de la fin de leur formation, dans des lieux d’exercice spécifiques proposés dans des zones où la continuité des soins fait défaut. La durée de leur engagement correspond à la celle du versement de l’allocation et ne peut être inférieure à deux ans. Les chiffres sont définis pour chaque année pour les étudiants d’une part, pour les internes d’autre part. Il n’y avait que 216 CESP en 2016 pour des internes, dont 172 en médecine générale (et 0 en médecine du travail, spécialité pourtant très déficitaire !). Pour 2017, il y aura 478 CESP, dont 262 pour les étudiant.e.s. Des collectivités locales mettent aussi en œuvre des aides au financement.
Ce n’est pas suffisant. Pour que cela puisse réellement fonctionner, il faudrait inverser la politique de marchandisation/appauvrissement des structures d’hospitalisation. La rente du secteur privé médical dans l’hôpital public reste un pur scandale et constitue un dispositif déterminant dans l’existence d’une médecine à plusieurs vitesses. Il faudrait aussi revoir cette modalité d’aide : nombre, conditions d’obtention (plus liées à un engagement de travail salarié ou dans un cadre public ou à un choix de spécialités déficitaires ?), financement d’État (et non de l’Assurance maladie), …
Faut-il mettre en place une forme de pré-recrutement pour des structures de santé publiques qui pourraient prendre en charge les patient.e.s au plus près de leur lieu de vie et correspondraient plus aux souhaits d’une autre manière de travailler des jeunes médecins – particulièrement des femmes – ou pour les hôpitaux publics ?
Notre revendication d’une allocation pour la jeunesse permettrait de résoudre les problèmes de conditions de vie des étudiants, mais n’apporterait pas directement de réponse aux questions de désertification médicale.
Michelle LAUTON, Action Syndicale.