Lundi 13 avril, le Président de la République a annoncé que les cours ne reprendront pas en présentiel avant l'été dans l'enseignement supérieur alors que les écoles, collèges et lycées devraient rouvrir physiquement le 11 mai aux élèves. Le Président de la République justifie cette réouverture par l'exacerbation des inégalités en raison du confinement et la nécessité de les combattre. Nous rappelons que ces inégalités existent également dans le supérieur et qu'elles ne doivent pas être éludées. Dans cette logique, la généralisation constatée des examens à distance et le flou concernant l'organisation qui subsiste en fonction des établissements posent question. Si le travail assuré par les collègues depuis un mois dans des conditions difficiles a été exceptionnel, un grand nombre d'étudiant-es ont été mis-es en grande difficulté. Leurs conditions de vie ont été fortement dégradées, certain-es n'ayant même plus de ressources pour se nourrir: en particulier, celles et ceux qui ont été contraint-es de resté-es confiné·es dans les résidences étudiantes.
En outre, pour garantir la santé des étudiant·es resté·es confiné·es en résidence universitaire autant que celle des personnels des CROUS mobilisé·es pour garantir cet accueil ou leur accès facilité à l’alimentation, ainsi que les personnels qui seront déconfiné·es, le CNESER rappelle la nécessité de fournir tout le nécessaire à la protection sanitaire et à l’hygiène renforcée que la situation pandémique commande, y compris la mise en œuvre d’actions d’information et de formation associées aux mesures d’urgence, comme le permet le décret du 18 mars 2020.
Le CNESER rappelle la nécessité que les CHSCT et les CT soient associés à la définition des Plans de Retour à l’Activité (PRA): le périmètre et les conditions du déconfinement doivent être rapidement précisés pour les établissements.
Dès aujourd'hui, de nombreuses questions se posent et appellent des réponses urgentes.
Les annonces concernant les différents concours externes de recrutement de l'Éducation nationale (Capes, Capeps, Caplp, Crpe, Agrégation) nécessitent d’urgence des précisions quant aux modalités et au calendrier de chacun des concours. Aucune précision n'est donnée non plus sur les conditions de passation des épreuves de PACES qui devraient se dérouler à partir de la troisième semaine de juin ni sur celles des BTS.
Par ailleurs, le CNESER rappelle sa demande d'un plan d'urgence pour l'ESR. Des moyens supplémentaires et importants pour la rentrée de septembre sont nécessaires (plan de recrutement massif de titulaires, budget de fonctionnement, moyens spécifiques liés à la gestion de la crise) pour remédier aux inégalités mises en évidence de manière flagrante par la crise sanitaire. Il est plus que jamais impossible et irresponsable de les ignorer. Avec la hausse prévisible des effectifs en L1 mais aussi en L2, ni la rentrée 2020 ni l'année 2020/2021 ne pourront être comme les autres. Dédoublements de TD, TD allégés, soutien, tutorat, remise à jour des enseignements prévus au regard des apprentissages non réalisés en présentiel, etc., tout doit être mis en place pour éviter les décrochages définitifs. Cela ne sera rendu possible sans moyens humains, logistiques et financiers à la hauteur des enjeux. Le recours généralisé aux outils de visio-conférence et de travail à distance en cette période de confinement doit rester exceptionnel et ne pas s'installer durablement.
Enfin, le Président de la République a annoncé un “investissement massif" pour la recherche. Il est en effet indispensable et doit être à la hauteur des enjeux révélés par cette crise. Ce qui était prévu pour 2021 avant la pandémie (+ 400 M€ soit + 1,5 % et + 5 Md€ dans 10 ans) est très insuffisant pour infléchir le désinvestissement subi depuis 2009. Le dossier de presse du MESRI mentionne 120 M€ pour la “revalorisation des chercheurs" et 300 M€ pour des projets supplémentaires de recherche. Rien n'est donc encore prévu en sus pour que les universités puissent effectuer la rentrée dans des conditions acceptables, à commencer par les recrutements des milliers de postes gelés depuis une dizaine d'années alors que les effectifs étudiants ont significativement augmenté. Le CNESER estime que l'investissement est loin d'être “historique” comme le déclare le ministère...
Pour l’ensemble de la communauté universitaire et au-delà, au sein des organismes de recherche par exemple, l’ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020 relative aux ARTT et aux jours de congés des agents en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail est une mesure vexatoire, arbitraire et infondée au regard de la situation des personnels qui se trouvent aujourd’hui d’abord en situation de travail empêché. Les plus nombreuses à en faire les frais seront les femmes, notamment celles employées sur des fonctions d’exécution. Cette mesure est en totale contradiction avec les discours présidentiels saluant l’engagement des personnels de la fonction publique.
Le CNESER demande au MESRI :
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de demander le retrait de l’ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020 ;
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de demander au CNOUS et au CROUS de ne pas prélever le loyer des étudiant·es confiné·es en résidence universitaire ;
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de veiller à doter les établissements d’enseignement supérieur et de recherche des moyens financiers et matériels nécessaires à la protection de tous les personnels et étudiant·es en ce moment et pendant toute la période de déconfinement ;
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de veiller à ce que les paies d'avril ne soit ni reportées ni remises en cause pour tou·tes les vacataires de l’enseignement supérieur, pour certain·es en situation de grande précarité ;
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de prolonger les inscriptions en thèse et les financements des doctorant·es et postdoctorant·es afin qu’ils/elles ne soient pas pénalisé·es par le confinement ainsi que les personnels contractuel·les sur contrat de recherche ;
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d’autoriser les reports des crédits de fonctionnement et prolonger la durée des contrats de recherche ;
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de remettre à plat le financement de la recherche en particulier le Crédit Impôt Recherche (CIR) ;
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de s’assurer que les universités restent dans le cadre de la session synchronisée pour le recrutement des EC et ne procèdent à des recrutements au fil de l’eau que de manière exceptionnelle ;
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de préciser les modalités d’accueil des étudiants·es étranger·es alors que sont traitées actuellement leurs candidatures ;
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de préciser les conditions d'augmentation des bourses pour les étudiant·es annoncées par le Président de la république. Une aide nationale pour les étudiant·es ayant perdu leur emploi ou leur stage est nécessaire ;
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de veiller à ce que les établissements ne mettent pas en place des outils de contrôle d'assiduité, au jour le jour, des collègues enseignant·es-chercheur·es et enseignant·es sous prétexte de confinement : toute heure inscrite à l'emploi du temps est réputée faite.
Vu la situation pandémique et le travail de toutes et tous pour assurer la continuité du service public sur l'ensemble du territoire métropolitain et des départements d'outre-mer, la priorité actuelle n'est pas au passage en catimini dans les conseils centraux de textes dérogatoires. La situation présente peut amener à prendre des mesures à caractère exceptionnel mais l’heure n’est pas à modifier de manière substantielle le Code de l’éducation, le Code de la recherche, les statuts des personnels et ceux des établissements ni à conduire des processus de fusion, d’intégration ou de création d’établissements expérimentaux.
Motion votée : 25 pour / 3 contre / 3 abstention / 2 NPPV