
Retraites : pourquoi tant d’acharnement ?
La primaire de la droite a vu s’affronter 7 candidats avec des programmes très voisins. C’est le candidat probablement le plus antisocial qui a gagné et va concourir pour l’élection présidentielle avec de grands risques de victoire.
Pour les retraites, la convergence entre eux était remarquable : âge légal de départ reculé progressivement jusqu’à 65 ans, abandon de la référence au dernier indice pour les fonctionnaires, création d’une caisse de retraite au nom d’un traitement identique entre secteurs public et privé.
Pour Fillon, les 65 ans seraient mis en place d’ici 2020, ce qui serait un rythme démentiel jamais vu en Europe, les 25 meilleures années serviraient de référence pour les fonctionnaires. A long terme, les retraites de base et complémentaires devront, selon lui, fusionner pour constituer un régime par points, où l'âge de départ n'est pas le même pour tous. Enfin, François Fillon souhaite mettre en place un étage de retraite par capitalisation « de type Perco-PERP » pour compléter le régime par répartition.
Bien entendu, tout cela se ferait pour maintenir et conforter notre système de retraite par répartition.
Il faut dire aussi que la cour de comptes enfermée dans la vision étroite imposée par les politiques d’austérité européennes avait elle aussi enfoncé le clou, et pour ce qui concerne les fonctionnaires : allongement de la période de référence à 5 ou 10 ans, rabotage des droits familiaux, suppression des bonifications de dépaysement pour services hors d’Europe, etc… mais ne préconisait pas le rattachement au régime général, seulement la fusion des régimes des trois fonctions publiques. Les pensions de la fonction publique d’état ne relèveraient plus du budget de l’état mais d’une caisse de retraite.
Pourtant, les règles différentes des régimes publics et privés conduisaient à des taux de remplacement presque identiques, ce que reconnaissait d’ailleurs la cour des comptes dans son rapport disponible sur :
L’avenir des retraites par répartition est il menacé ? Pas pour l’instant et par exemple, les soldes des régimes de la fonction publique sont à l’équilibre.
Qu’en sera-t-il dans le futur ?
C’est ce qu’essaie de prévoir le COR, Comité d’orientation des retraites, dans son rapport de juin 2016 disponible sur son site. A vrai dire, c’est compliqué et cela dépend de multiples facteurs.
Le nombre de retraités
L’espérance de vie en forte hausse depuis 30 ans - et comme par hasard, depuis que l’âge de départ à la retraite avait été abaissé de 65 à 60 ans - ne devrait plus connaître la même évolution, surtout si la sécurité sociale est démantelée.
Même sans modification de l’âge légal, il y a un recul du départ à la retraite, surtout pour les femmes, avec la contrainte du nombre d’annuités nécessaires pour un taux plein et le couperet de la décote (Voir sur ce site, une étude sur l’impact de la décote instaurée en 2003 pour les fonctionnaires par la loi… Fillon.)
Dans l’enseignement supérieur, l’âge moyen de recrutement est maintenant supérieur à 34 ans. La fusion des 2ème et 1ère classes des MCF, obtenue par le SNESUP-FSU après de très longues luttes, permet un reclassement bien plus favorable pour le plus grand nombre et donc une accélération vers les indices terminaux mais cela ne retire rien à la décote. Les périodes d’emploi précaire peuvent compter pour la réduire mais les post doc pratiquement obligatoires avant le recrutement dans de nombreuses disciplines ne sont pris en compte que s’il y a des accords entre la France et les pays concernés comme c’est le cas pour le Canada. |
Le financement des régimes de retraite
Il dépend des cotisations et d’abord du nombre d’actifs cotisants.
Entrent en ligne de compte le taux de chômage, l’état de la natalité, le solde migratoire, le taux de croissance et la nature des emplois générés. En simplifiant les données, on calcule qu’avec un taux de croissance de 1,5 % et un taux de chômage de long terme de 7,8 %, le besoin de financement à l’horizon de 25 ans n’est que de 0,1 % de PIB (page 50 du rapport du COR de juin 2016).
Ce que ne dit pas le COR, mais que souligne le SNESUP, le financement dépendra aussi de la répartition des richesses produites entre capital et travail, et donc du niveau des salaires, de la qualité des emplois, du temps de travail et en dernière analyse des rapports de force établis par les organisations syndicales qui luttent, se battent avec les salariés et n’accompagnent pas les régressions.
En définitif, rien d’urgent pour les 5 années à venir et beaucoup d’incertitudes et d’inconnues sur les années suivantes.
Pourquoi faire des retraites l’un des thèmes majeurs de la campagne de l’élection présidentielle ? Quels sont les forces et les intérêts qui y poussent ?
Pour le patronat, et depuis longtemps, il faut en finir avec l’état social qualifié d’état providence comme s’il tombait du ciel tous les matins.
Il faut en finir avec les cotisations sociales (les charges selon leur novlangue) pour augmenter le taux de profit. Il faut aussi pousser les salariés vers des retraites par capitalisation gérées par des fonds de pension prédateurs pour l’emploi mais susceptibles de faire flamber les indices boursiers.
Pour le gouvernement, il faut baisser les dépenses publiques, le budget de l’Etat et donc le nombre des fonctionnaires, leurs rémunérations (avec des écarts à cette règle pour les plus « méritants ») et le montant de leurs pensions.
Il faut, en même temps, financer le CICE et le CIR.
Le traité Merkel – Sarkozy, accepté par Hollande dès son élection alors qu’il avait promis de le renégocier – et c’est probablement le péché originel du quinquennat – fait obligation de réduire les dépenses publiques avec un contrôle préalable des commissaires européens sur le budget avant le vote du parlement.
Voilà les vraies raisons du tintamarre médiatico-politique sur les retraites.
Il n’empêche que le financement des retraites passera nécessairement par une augmentation des cotisations pour à la fois assurer une pension un taux de remplacement de 75 % du dernier salaire pour les fonctionnaires (revendication FSU), ou de 75 % des dix dernières années dans le privé (revendication CGT) au moment du départ, et une revalorisation des pensions basée sur l’évolution des salaires et non des prix.
Par Jacques GUYOT
Responsable du secteur Retraités SNESUP-FSU